Ils tendent la main aux carrefours, dans les marchés, près des mosquées ou aux terrasses des cafés. Leurs yeux sont fatigués, leurs vêtements souvent sales, leur âge parfois incertain. Ils ne vendent rien, ne jouent pas, ne vont pas à l’école. Ils mendient. Eux, ce sont les enfants des rues, une réalité marocaine que tout le monde voit mais que beaucoup préfèrent éviter du regard.
D’après l’étude du Centre Marocain pour la Citoyenneté (CMC), publiée en mai 2025, plus de 92 % des Marocains interrogés considèrent la mendicité, notamment celle impliquant les enfants, comme un phénomène "largement répandu" ou "relativement fréquent" dans l’espace public. Un chiffre vertigineux, qui interroge directement la capacité du pays à protéger ses plus fragiles.
D’après l’étude du Centre Marocain pour la Citoyenneté (CMC), publiée en mai 2025, plus de 92 % des Marocains interrogés considèrent la mendicité, notamment celle impliquant les enfants, comme un phénomène "largement répandu" ou "relativement fréquent" dans l’espace public. Un chiffre vertigineux, qui interroge directement la capacité du pays à protéger ses plus fragiles.
Mendicité ou exploitation ?
Si certaines familles en situation d’extrême pauvreté envoient leurs enfants mendier, de nombreux cas relèvent aujourd’hui de véritables réseaux organisés. Des adultes instrumentalisent des mineurs, parfois très jeunes, pour susciter la pitié et maximiser les gains.
Le rapport du CMC souligne l’inquiétude croissante des citoyens face à cette forme de traite déguisée, où l’enfant n’est plus qu’un outil de revenu, un corps exposé à la rue, sans droit, sans protection, sans avenir.
Ce n’est donc pas simplement une question de charité mal placée, mais un problème grave de dignité humaine, d’abandon éducatif, et de complicité tacite de l’État.
Le rapport du CMC souligne l’inquiétude croissante des citoyens face à cette forme de traite déguisée, où l’enfant n’est plus qu’un outil de revenu, un corps exposé à la rue, sans droit, sans protection, sans avenir.
Ce n’est donc pas simplement une question de charité mal placée, mais un problème grave de dignité humaine, d’abandon éducatif, et de complicité tacite de l’État.
Une banalité devenue normale
Le plus inquiétant ? La banalisation du phénomène. Les enfants qui mendient font désormais “partie du décor”. Ils sont intégrés au quotidien des grandes villes : ils circulent entre les voitures, s’endorment sur les trottoirs, s’agrippent aux jambes des passants. Et plus personne ne s’en émeut vraiment.
Cette invisibilisation lente est un mécanisme d’autodéfense collective, face à une détresse que l’on ne sait plus comment gérer. Donner une pièce soulage la conscience, mais ne change rien. Ne rien donner protège du dilemme, mais culpabilise. C’est un cercle vicieux de compassion impuissante.
Cette invisibilisation lente est un mécanisme d’autodéfense collective, face à une détresse que l’on ne sait plus comment gérer. Donner une pièce soulage la conscience, mais ne change rien. Ne rien donner protège du dilemme, mais culpabilise. C’est un cercle vicieux de compassion impuissante.
Un impact direct sur l’image du Maroc
À l’approche de la Coupe du Monde 2030, ce phénomène ne sera plus seulement une plaie sociale locale : il deviendra une tâche visible sur la vitrine internationale. Déjà, 77 % des Marocains interrogés estiment que la mendicité, surtout celle des enfants, portera atteinte à l’image du pays auprès des visiteurs étrangers.
Imagine-t-on une famille étrangère traverser une médina en se faisant harceler par des enfants en haillons, implorant en plusieurs langues ? Ou un touriste pris en étau entre deux mineurs qui lui bloquent le passage pour quémander ? Ce ne sont pas des fantasmes, ce sont des scènes quotidiennes.
Imagine-t-on une famille étrangère traverser une médina en se faisant harceler par des enfants en haillons, implorant en plusieurs langues ? Ou un touriste pris en étau entre deux mineurs qui lui bloquent le passage pour quémander ? Ce ne sont pas des fantasmes, ce sont des scènes quotidiennes.
Une faillite de la protection de l’enfance
Ce constat soulève une question douloureuse : où est passée la politique publique de protection de l’enfance ? Dans un pays qui se veut émergent, qui communique sur ses investissements, ses grandes réformes, ses engagements internationaux… comment expliquer l’échec à éradiquer une forme aussi archaïque d’exploitation des enfants ?
Le Maroc dispose pourtant d’instruments juridiques, de conventions ratifiées, d’associations actives. Mais le maillon faible, comme souvent, reste l’application. Faible coordination entre institutions, manque de ressources humaines dans le social, absence de stratégie multisectorielle, et surtout : aucune volonté politique forte.
Le Maroc dispose pourtant d’instruments juridiques, de conventions ratifiées, d’associations actives. Mais le maillon faible, comme souvent, reste l’application. Faible coordination entre institutions, manque de ressources humaines dans le social, absence de stratégie multisectorielle, et surtout : aucune volonté politique forte.
Quelles alternatives crédibles ?
Il ne suffit pas de réprimer la mendicité pour qu’elle disparaisse, encore faut-il proposer des alternatives viables telles que renforcer les centres d’accueil de jour pour enfants des rues, créer des cellules locales d’intervention rapide regroupant assistants sociaux, éducateurs, psychologues et police dédiée, mettre en place une base de données nationale pour suivre les enfants en situation de rue, soutenir les familles en situation critique par des aides conditionnées à la scolarisation, et sanctionner les adultes exploitant les enfants, y compris dans le cadre familial.
Mais pour que ces mesures soient efficaces, elles doivent s’inscrire dans une volonté transversale : sanitaire, éducative, judiciaire et communautaire.
Mais pour que ces mesures soient efficaces, elles doivent s’inscrire dans une volonté transversale : sanitaire, éducative, judiciaire et communautaire.
Le rôle du citoyen : entre compassion et responsabilité
Face à ce drame humain, le citoyen ne peut rester passif. Donner de l’argent n’est pas forcément la meilleure solution, cela entretient parfois l’exploitation. Mais fermer les yeux est pire.
Des initiatives locales montrent qu’il est possible de s’impliquer autrement : en soutenant des associations fiables, en signalant les cas graves aux autorités, en engageant le dialogue avec les enfants, en refusant d’alimenter les circuits mafieux.
Le rapport du CMC appelle aussi à lancer des campagnes nationales d’éducation citoyenne, pour encourager une attitude responsable, compatissante mais lucide. Car aider, ce n’est pas toujours donner. C’est agir pour que l’enfant quitte la rue, pas s’y installe.
Des initiatives locales montrent qu’il est possible de s’impliquer autrement : en soutenant des associations fiables, en signalant les cas graves aux autorités, en engageant le dialogue avec les enfants, en refusant d’alimenter les circuits mafieux.
Le rapport du CMC appelle aussi à lancer des campagnes nationales d’éducation citoyenne, pour encourager une attitude responsable, compatissante mais lucide. Car aider, ce n’est pas toujours donner. C’est agir pour que l’enfant quitte la rue, pas s’y installe.
Ne pas s’habituer à l’intolérable
Un pays moderne ne se juge pas à ses routes ou ses stades, mais à la manière dont il traite ses enfants. Tolérer que des mineurs vivent dans la rue, mendient, dorment dehors, soit pour survivre, soit pour enrichir un adulte, c’est abandonner une part de notre humanité.
Le Maroc ne manque ni de ressources, ni d’intelligence, ni de compassion. Mais il manque de courage collectif pour briser le cycle de la rue. L’éradication de la mendicité infantile ne peut pas être une option. C’est un impératif moral, social et national.
Le Maroc ne manque ni de ressources, ni d’intelligence, ni de compassion. Mais il manque de courage collectif pour briser le cycle de la rue. L’éradication de la mendicité infantile ne peut pas être une option. C’est un impératif moral, social et national.
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