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Rabat 2025-2030 : un marché immobilier dopé aux milliards, mais sous tension structurelle


Rédigé par La rédaction le Dimanche 23 Novembre 2025

Rabat avance à grande vitesse. Derrière les grues et les nouveaux axes de transport qui redessinent la capitale, une réalité beaucoup plus mesurable se dessine : celle d’un marché immobilier étayé, cette fois-ci, par des chiffres solides. L’étude Analyse du Marché Immobilier de Rabat publiée en novembre 2025 donne une image précise de ce qui attend la région entre 2025 et 2030 : accélération des prix, disparités entre quartiers, risques de bulle et opportunités sélectives, selon les zones et les segments



​Un choc d’infrastructures à plus de 20 milliards de dirhams

Rabat 2025-2030 : un marché immobilier dopé aux milliards, mais sous tension structurelle
La modernisation de Rabat n’est pas un slogan, mais un investissement massif.

D’après notre investigation, la rénovation du Grand Stade — liée aux échéances internationales — s’inscrit dans un programme d’infrastructures dépassant 20 milliards de dirhams (toutes enveloppes confondues pour la région entre 2024 et 2030). Cette dynamique inclut :

La construction de 20 nouveaux hôtels, allant du 3 au 5 étoiles.
L’extension de l’aéroport Rabat-Salé, qui vise une capacité additionnelle d’environ 3 millions de passagers annuels à horizon 2030.
Un renforcement des axes routiers et de l’accès aux zones touristiques, coûts estimés : 1,8 à 2,2 milliards de dirhams.

Ce choc d’investissement crée mécaniquement une pression haussière sur la demande, qu'une étude chiffre clairement : +12 à +18 % de hausse de la demande locative dans les quartiers les plus exposés aux flux touristiques

​Des valorisations jamais vues : jusqu’à +30 % dans certains quartiers

La carte 2030 du marché rabati montre des contrastes très marqués. Voici les projections officielles de l'étude que la rédaction a pu consulté :
 
  • El Menzeh : +20 à +30 %
  • Hay Riad : +15 à +25 %
  • Témara : +15 à +20 %
  • Salé-Technopolis : +18 à +25 %
  • Océan / Marina : +10 à +18 %
Ces hausses ne sortent pas de nulle part. Elles se fondent sur trois moteurs :

L’effet infrastructures : un quartier connecté gagne mécaniquement entre +8 et +12 %.
L’effet emploi : l’arrivée de 15 000 à 20 000 emplois qualifiés autour de Technopolis bouleverse toute la demande alentour.
L’effet Mondial 2030 : les zones touristiques gagnent entre +10 et +15 % de valorisation supplémentaire.

Les prix actuels (2025) donnent une base :
 
  • Hay Riad : 16 000 à 22 000 DH/m²
  • El Menzeh : 10 000 à 18 000 DH/m²
  • Témara : 8 000 à 12 000 DH/m²
  • Océan / Marina : 18 000 à 30 000 DH/m² 
Avec ces niveaux, une villa moyenne à Hay Riad peut passer de 4,5 millions à près de 6 millions en 2030.

​Segments porteurs : le retour des petites surfaces et Rabat se densifie par le bas, pas par le haut

L’étude met en lumière une demande très segmentée :

F2–F3 moyen standing : +12 % de demande et rendement locatif 5 à 7 %.
Studios dans les zones universitaires : demande +6 à +8 %.
Résidences sécurisées : +18 %.
Immobilier écologique : +5 à +10 % de prime.

En revanche, certains segments décrochent :

Villas luxe : –8 %
Bureaux traditionnels : –12 %
Studios périphériques : –5 %

Les tendances sont claires : Rabat se densifie par le bas, pas par le haut. Les petites et moyennes surfaces captent désormais 67 % des transactions, d’après l’étude.

Évolution des prix jusqu’en 2030 : linéaire… puis instable ?

L'étude montre une trajectoire haussière régulière :

+10 à +14 % d’augmentation du prix des appartements entre 2024 et 2028.
+25 % pour les villas d’ici 2030.

Un risque de “ralentissement” dès 2031, en lien direct avec la fin de l’effet Mondial 2030.

Le marché rabati pourrait basculer dans ce que l’étude appelle un “tassement post-événementiel”, identifié dans d’autres pays ayant accueilli des compétitions similaires.

Risques identifiés : la face cachée de l’euphorie. L'étude liste trois risques majeurs :

1. Bulle immobilière localisée : –10 à –20 % possibles
Les zones ayant connu une hausse rapide pourraient corriger, notamment :
les quartiers “moyens standings”,
les lotissements périphériques mal connectés,
certains projets résidentiels lancés trop vite.
2. Hausse des taux après 2026
Une hausse de 0,75 à 1,25 point des taux d’emprunt réduirait la capacité d’achat des ménages de 7 à 12 %.
3. Suroffre probable
Les studios périphériques, déjà en recul de 5 %, pourraient devenir la zone la plus risquée.
Un marché qui reflète les fondamentaux macroéconomiques

L'étude relie clairement la dynamique immobilière aux performances de l’économie marocaine :
PIB 2024 : +3 % et Prévisions 2025 (Bank Al-Maghrib) : +3,5 %
Climat des affaires “favorable”, mais dépendant des investissements publics et de la stabilité monétaire.
Ces taux restent solides, mais insuffisants pour suivre la flambée immobilière dans certains quartiers, ce qui crée un risque d’“immobilier hors-sol”.

Une dynamique portée par les milliards… et fragile dans son équilibre

L’étude montre un marché robuste, alimenté par un véritable plan d’investissement régional. Mais elle révèle aussi une tension éloquente : Rabat s’apprête à devenir l’un des marchés les plus chers du Royaume, avec des zones qui pourraient dépasser 30 000 DH/m² d’ici 2030.

L’enjeu dépasse donc l’économie : il touche à l’accessibilité, à l’équité territoriale et à la capacité pour les classes moyennes de ne pas être marginalisées dans leur propre capitale.




Dimanche 23 Novembre 2025