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Rabat, Casablanca et les 13 régions : vers une intelligence territoriale systémique

Par Dr Az-Eddine Bennani


Les smart cities fascinent. Barcelone a su transformer son urbanisme en un récit vivant où les habitants sont au cœur de la transformation numérique. Singapour, à l’inverse, a choisi l’ultra-technologie : une ville-horloge où chaque geste est mesuré, calculé, prédictible. Casablanca, rappelait récemment Libération, peut inventer sa propre voie afro-méditerranéenne. Rabat, de son côté, aspire à se projeter comme capitale résiliente et apprenante.
Mais soyons clairs : ni Rabat ni Casablanca ne sont aujourd’hui des smart cities. Elles n’en ont ni l’architecture systémique ni les dispositifs citoyens. Elles en affichent l’ambition, elles en portent les promesses, mais elles sont encore au milieu du chemin.



De la ville intelligente à la région intelligente

Rabat, Casablanca et les 13 régions : vers une intelligence territoriale systémique
On confond souvent smart city et gadgets technologiques. Être une ville intelligente, ce n’est pas accumuler des capteurs ou afficher des tableaux de bord lumineux. C’est un projet de société, où la technologie sert la dignité, la fluidité urbaine, la justice sociale et la mémoire vivante.

Surtout, la smart city ne peut pas être pensée isolément. Une ville ne se développe jamais seule. Elle est toujours reliée à son territoire, à ses flux, à ses citoyens. C’est pourquoi il faut aller plus loin et parler de régions intelligentes et résilientes.

Rabat : des exemples concrets pour une capitale intelligente

À quoi ressemblerait une Rabat véritablement intelligente et résiliente ? Quelques pistes :

- Mobilité intelligente : une application unique intégrant bus, tramway, taxis et vélos partagés, où l’IA anticipe les flux pour fluidifier les déplacements.
- Gestion de l’eau : des capteurs pour détecter les fuites et optimiser la consommation, avec une plateforme citoyenne permettant de signaler anomalies et gaspillages.
- Patrimoine augmenté : dans la médina, des QR codes et récits audiovisuels pour valoriser les ruelles, métiers anciens et monuments, avec reconstructions 3D accessibles aux écoles.
- Espaces verts intelligents : une gestion numérique de la biodiversité dans la vallée du Bouregreg ou la forêt de la Maâmora, associée à des plateformes citoyennes de suivi.
- Santé urbaine : des centres connectés capables d’anticiper les pics de demande (grippe, allergies, urgences), tout en respectant la confidentialité des données médicales.

Ces solutions ne sont pas futuristes. Elles sont à portée de main si Rabat mobilise ses universités, ses startups et ses citoyens

Le Maroc des 13 régions intelligentes

Le Maroc a un atout unique : ses 12 régions géographiques et une 13e région, celle des Marocains du Monde.

- Les régions côtières (Casablanca-Settat, Rabat-Salé-Kénitra, Tanger-Tétouan-Al Hoceima, Souss-Massa, Guelmim-Oued Noun, Laâyoune, Dakhla) : moteurs économiques, portuaires et énergétiques.
- Les régions intérieures (Fès-Meknès, Béni Mellal-Khénifra, Drâa-Tafilalet, Oriental) : agriculture intelligente, eau, patrimoine artisanal.
- Marrakech-Safi : laboratoire culturel et touristique, où l’IA peut renforcer hospitalité et rayonnement international.
- La diaspora : la 13e région, réservoir de talents, de capitaux et d’idées.

Ces territoires ne doivent pas être pensés séparément, mais comme un écosystème systémique où chaque région apporte sa contribution.

Une gouvernance systémique et citoyenne

Construire des villes et régions intelligentes, c’est d’abord une question de gouvernance. Cela suppose :

- Une souveraineté numérique : cloud marocain, plateformes open source, cybersécurité nationale ;
- Une inclusion citoyenne : le citoyen n’est pas usager passif, mais acteur et co-narrateur du futur urbain ;
- Une coopération territoriale : les villes ne doivent pas être en compétition mais en réseau, au service des régions et de la nation.

Le FIWARE Global Summit 2025, accueilli à Rabat, a montré que le Maroc pouvait jouer un rôle de premier plan dans l’écosystème mondial des smart cities, à condition de miser sur l’open source, l’interopérabilité et la souveraineté des données.

Rabat et Casablanca ne sont pas encore des smart cities. Mais elles peuvent le devenir si elles s’inscrivent dans une vision plus large : celle d’un Maroc des régions intelligentes et résilientes.

Un Maroc où chaque territoire contribue selon ses forces, où la diaspora devient une région à part entière, et où l’intelligence artificielle est le fil invisible qui relie mémoire, innovation et souveraineté.

La smart city, ce n’est pas un décor technologique. C’est une promesse citoyenne et collective. À nous de la réaliser.

 


Samedi 6 Septembre 2025