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Rédaction scientifique, IA générative et épistémologie du savoir

Réponse argumentée à Jean-Gabriel Ganascia et lecture contextualisée marocaine


Par Dr Az-Eddine Bennani

La question posée par Jean-Gabriel Ganascia – « tout ce qu’autorise l’IA générative doit-il être autorisé ? » – mérite d’être déplacée.

Non pour l’éluder, mais pour la reformuler dans un cadre plus fondamental : celui de l’épistémologie de la connaissance à l’ère des systèmes algorithmiques.

Dans plusieurs de mes travaux consacrés au phénomène numérique, puis à l’intelligence artificielle dans le contexte marocain, j’ai montré que la confusion majeure entretenue par le discours dominant réside dans l’assimilation abusive entre donnée, information, connaissance et intelligence.

L’IA générative accentue cette confusion en donnant l’illusion d’une pensée là où il n’y a qu’un traitement statistique du langage.



L’IA générative n’est pas un sujet épistémique.

Rédaction scientifique, IA générative et épistémologie du savoir
Elle ne pense pas, ne doute pas, ne problématise pas. Elle opère par corrélations sur des corpus passés, sans intentionnalité ni projet cognitif. Elle relève d’une ingénierie de la vraisemblance, non d’une épistémologie de la vérité.

C’est ici que je rejoins Ganascia, tout en prolongeant son propos. Le danger n’est pas seulement éthique, il est épistémologique.

Une science qui délègue la formulation de ses hypothèses, la structuration de ses raisonnements ou la discussion de ses résultats à des systèmes génératifs risque de perdre ce qui fonde sa légitimité.

Appliquée au contexte marocain, cette question prend une résonance particulière. Le système de recherche est confronté à la pression à la publication, à la rareté des ressources et à l’alignement sur des standards internationaux parfois déconnectés des réalités locales.

L’intelligence artificielle ne pose pas seulement une question d’outils. Elle nous oblige à reposer la question du savoir, de sa production et de sa responsabilité.

Pour le Maroc, l’enjeu est clair : faire de l’IA un levier de souveraineté cognitive, et non un accélérateur de dépendance épistémique.

Par Dr Az-Eddine Bennani


Lundi 29 Décembre 2025