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Réforme judiciaire : les associations anti-corruption mises sur la touche ?


La réforme du Code de procédure pénale au Maroc suscite une vive controverse en limitant le rôle des associations dans la lutte contre la corruption. Une décision qui inquiète profondément la société civile, mettant en lumière les tensions entre efficacité judiciaire et engagement citoyen dans la quête de transparence.



Un coup dur pour la lutte citoyenne contre la corruption au Maroc

Réforme judiciaire : les associations anti-corruption mises sur la touche ?
Depuis la présentation du projet de réforme du Code de procédure pénale au Parlement, une onde de choc traverse le tissu associatif marocain. En effet, cette réforme, dans sa version actuelle, remet profondément en question le rôle des associations dans la lutte contre la corruption. Jusqu’à présent, certaines ONG pouvaient se constituer partie civile pour dénoncer des cas de détournement de fonds publics, de mauvaise gestion ou d’abus d’autorité. Cependant, les articles 3 et 7 du projet de loi encadrent désormais cette capacité de manière stricte, voire la suppriment presque totalement.

Un bouleversement dans l’ordre de la société civile

Désormais, lorsqu’il s’agit de corruption ou de détournement de fonds publics, les associations ne pourront plus déposer plainte directement. Seul le Procureur général près la Cour de cassation aura cette prérogative, et encore, uniquement après saisine préalable par une institution officielle comme la Cour des comptes ou l’Instance nationale de probité. Ce changement, loin d’être anodin, réduit considérablement le champ d’action des ONG. 

De plus, même les associations les plus actives devront se conformer à des conditions particulièrement restrictives. Elles devront être reconnues d’utilité publique depuis au moins quatre ans et obtenir une autorisation spéciale du ministre de la Justice pour espérer participer à une affaire devant les tribunaux. En clair, cette réforme semble dire aux ONG : « Restez à votre place. » Une mise à l’écart qui fait grincer bien des dents, surtout dans un pays où la corruption reste un problème majeur, souvent dénoncé par la société civile avant même les institutions officielles.

Des réactions vives face à une réforme controversée

Face à cette réforme, les critiques fusent. L’Association marocaine pour la protection des deniers publics (AMPAP) n’a pas tardé à réagir, dénonçant ce qu’elle qualifie de « recul grave » et de « coup dur porté à la démocratie participative ». Pour ses membres, cette réforme revient à priver les citoyens d’un outil essentiel pour lutter contre la mauvaise gestion et la corruption. 

Début juillet, plusieurs associations ont manifesté devant le Parlement pour exprimer leur mécontentement. Ces rassemblements, bien que modestes, reflètent une colère profonde. Pas de banderoles luxueuses ni de slogans creux, mais des voix fatiguées et déterminées. Des bénévoles, des militants, des citoyens engagés, tous réunis pour dire : « Nous refusons d’être réduits au silence. »

Un espace de liberté menacé

Si cette réforme est adoptée telle quelle, c’est tout un pan de la mobilisation citoyenne qui risque de disparaître. Et dans un pays où la confiance dans les institutions reste fragile, priver les citoyens de recours pourrait avoir des conséquences désastreuses. En effet, plutôt que d’apporter plus d’ordre, cette réforme pourrait engendrer davantage de résignation et de méfiance envers les autorités. 

Les associations, quant à elles, refusent de se taire. Elles interpellent les élus, écrivent aux médias, et rappellent que leur action n’a jamais été contre l’État, mais pour l’intérêt général. Leur combat est celui d’une société civile qui, malgré des moyens limités, a toujours cherché à défendre la transparence et l’équité.

Des amendements en discussion, mais rien de garanti

Face aux critiques, certains députés ont proposé des amendements pour revoir les articles les plus contestés, notamment ceux qui limitent l’accès des associations à la justice. Cependant, les discussions au Parlement restent tendues, et rien ne garantit que ces modifications seront adoptées. Pendant ce temps, le texte continue d’avancer, laissant planer une incertitude inquiétante sur l’avenir de la mobilisation citoyenne au Maroc.

Quelles conséquences pour la démocratie participative ?

Cette réforme soulève des questions fondamentales sur l’avenir de la démocratie participative au Maroc. En limitant le rôle des associations, elle risque de fragiliser un équilibre déjà précaire entre les institutions officielles et la société civile. Pourtant, dans un pays où la corruption demeure un problème structurel, le rôle des ONG est crucial pour maintenir une certaine transparence. 

D’un point de vue juridique, cette centralisation des pouvoirs entre les mains du Procureur général et des institutions officielles pourrait être perçue comme une tentative de contrôle accru sur la lutte contre la corruption. Mais en réalité, elle pourrait aussi ouvrir la voie à une inefficacité accrue, en excluant les acteurs de terrain qui, souvent, sont les premiers à dénoncer les abus.

Un tournant désolant pour la justice et la société civile

En somme, la réforme du Code de procédure pénale marque un tournant désolant dans la relation entre les institutions et la société civile. Alors que les ONG ont longtemps été des acteurs essentiels dans la lutte contre la corruption, leur mise à l’écart pourrait affaiblir la mobilisation citoyenne et accentuer la méfiance envers les autorités.

Dans un contexte où la démocratie participative est déjà fragile, cette réforme pourrait bien constituer une étape supplémentaire vers une centralisation excessive du pouvoir. Seule une révision profonde du texte pourrait éviter un tel scénario, mais le temps presse.

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Rédigé par Ghofrane Anina journaliste stagiaire à L'ODJ Média


Mardi 8 Juillet 2025