Malgré des investissements considérables, les réformes successives se sont souvent limitées à des aspects accessoires :
Les réformes diverses et variées n'ont pas abouti et engendrent un mécontentement croissant. La déperdition scolaire et les différents classements sont là pour illustrer cette situation angoissante.
Si réforme il doit y avoir, et l'urgence est réelle, elle ne doit pas concerner les bâtiments ni la tenue des élèves, ou encore le rythme des vacances, mais s'intéresser au cœur du cursus, à la philosophie éducative, et à la manière d'envisager les rôles de l'élève et de l'enseignant.
L'avenir appartient à un monde dans lequel les jeunes créent leurs propres métiers ; cette tendance devient universelle.
Nous vivons une période inédite de l'histoire humaine, où la jeunesse façonne ses trajectoires professionnelles et personnelles : les jeunes inventent leurs métiers, construisent leurs propres voies, imaginent de nouveaux modèles sociaux.
Aujourd'hui, un adolescent marocain, diplôme ou non, peut concevoir une application, lancer un commerce, bâtir une communauté, influencer les marchés et créer de la valeur inimaginable pour les cadres traditionnels. Le modèle 1337 en est la parfaite illustration.
Désormais, les jeunes n'ont plus de frontières ni de limites mentales.
L'école marocaine doit cesser d'être un lieu de récitation de connaissances désormais disponible en ligne. L'information est à portée de main, même pour un enfant de dix ans.
Ce n'est pas cela qu'ils attendent : parfois, ils somnolent en classe et retrouvent la nuit l'espace de liberté où ils imaginent le monde qu'ils veulent vivre et construire eux-mêmes.
Sur le plan technologique et dans l'apprentissage des langues, nombre d'entre eux devancent les décideurs et les enseignants.
Les jeunes maîtrisent l'anglais davantage que ce qui leur est proposé à l'école et disposent d'équipements technologiques que l'école est loin de pouvoir leur offrir. Les parents se saignent pour cela.
Les jeunes préfèrent une connexion à un repas.
Les jeunes n'aiment plus l'école telle qu'elle se présente à eux. Ils attendent avant tout d'y trouver:
- quelqu'un qui les écoute ;
- quelqu'un qui croit en son potentiel ;
- quelqu'un qui les incite à rêver plus grand, à oser davantage, à créer ;
- quelqu'un qui leur accorde sa confiance.
L'école doit donc devenir un espace d'accompagnement, d'éveil et de construction de projets de vie ; elle doit former des citoyens capables d'imaginer, d'innover, de collaborer, de prendre des risques et pas seulement de mémoriser.
Pour cela, le défi majeur de l'État est la formation de formateurs capables de s'adapter aux nouvelles réalités. Il est indispensable de passer de professeurs transmetteurs à des mentors accompagnateurs.
La réforme véritable commence donc avec les enseignants.
Ceux d'hier doivent adopter le rôle de mentor, de guide, de catalyseur de talents : un mentor qui pose des questions au lieu d'imposer des réponses, un accompagnant qui aide l'élève à se découvrir, un éducateur qui ouvre des portes plutôt que de dresser des murs.
Les formateurs supposent une nouvelle philosophie :
Aujourd'hui, les jeunes n'ont pas besoin de capital financier pour commencer, mais de confiance, d'idées et de compétences. Une bonne connexion fait leur bonheur. Leur atout majeur est leur esprit.
Leur frein reste souvent un manque d'encouragement, l'angoisse d'un système trop rigide, trop vertical, trop éloigné de leur vécu. Ils sont capables de tout, sauf de croire seuls en eux-mêmes.
C'est là que l'école doit intervenir, en devenant ce cocon où émergent des idées et des projets innovants.
Mais pour réussir, il faut avoir le courage politique de mener la grande réforme attendue par la jeunesse.
Le Maroc à l'occasion historique de réinventer son système éducatif, non par la rénovation matérielle, mais par une transformation intellectuelle et spirituelle.
L'école doit devenir le lieu de construction des rêves, d'accompagnement des ambitions, de préparation à la vie par l'innovation et la création.
Elle doit former des individus capables non seulement de s'adapter à un monde en mutation, mais de le transformer, un monde qui avance plus vite que les générations précédentes n'ont pu l'imaginer.
La vraie réforme est celle de l'étincelle, pas du béton. Elle ne s'incarne pas dans les murs, mais dans les esprits.
Elle se construit non dans le passé, mais dans l'avenir que nos jeunes aspirent à inventer, soutenus par notre confiance, rien de plus.
PAR AZIZ DAOUDA/BLUWR.COM
