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Sahara, la lame de fond


Oui, nous pouvons nous en réjouir… La question du Sahara avance dans la bonne direction, celle de son appartenance au Maroc reconnue. Les Marocains le savent mais le monde, un peu moins ; ajouté à cela une bonne dose de duplicité diplomatique et un zeste d’hypocrisie diplomatique et l’affaire devient un caillou dans le soulier du royaume, comme ces 50 dernières années. Mais les choses sont en train d’évoluer, et vite.



Par Aziz Boucetta

Sahara, la lame de fond
Depuis la décision de Donald Trump de reconnaître le statut marocain du Sahara – c’était en décembre 2020 – cette région du monde a commencé à bouger… grâce aux Algériens ! En effet, surprise et médusée par cette position politique (autant, sinon plus, que diplomatique), Alger a multiplié les actes et les actions, s’enfonçant davantage dans ses contradictions consistant à se draper de la neutralité de « l’Etat observateur » tout en fustigeant, vilipendant, insultant toute capitale qui signifierait sa sympathie à Rabat. Puis l’Algérie s’est nerveusement concentrée sur le Maroc, l’accusant de tous les maux, usant de tous les mots et abusant d’attaques en tout genre.

La guerre en Ukraine a fait le reste… Coincée dans son flanc nord, menaçant, chahutée sur sa bordure est, tenue par un Erdogan imprévisible et plutôt hostile, privée d’un Royaume Uni qui considère à juste titre (comme jadis) que le « continent est isolé », l’Union européenne lorgne désormais sur son flanc sud. Et ce faisant, elle se souvient opportunément d’un vieux conflit qu’elle a volontiers laissé pourrir entre Alger et Rabat. Cela arrangeait ses affaires, mais tel n’est plus le cas. L’Europe a besoin d’une ouverture sur laquelle elle aurait un semblant de pouvoir, un pouvoir qu’elle a perdu géopolitiquement contre les Etats-Unis et géo-économiquement face à la Chine.

Mais il est aussi important de rappeler que cette lente évolution est le fruit d’un changement de la doctrine diplomatique du Maroc, renonçant depuis une dizaine d’années à faire du Sahara la seule question dans ses entretiens diplomatiques. Les diplomates marocains, tous rangs et tous grades confondus, parlent de partenariats, d’économie, de sécurité, de migration, de changement climatique, de Nord et de Sud, puis de Sud-Sud… L’intégrité territoriale s’impose alors d’elle-même dans les discussions. Et l’ouverture de plusieurs consulats a aidé, en plus d’une posture plus résolue, souvent offensive, par moments agressive de Rabat.

La diplomatie marocaine a pris un risque en enclenchant un bras de fer simultané avec les deux grandes capitales européennes que sont Berlin et Madrid, et en entretenant une situation équivoque à l’égard de Paris qui, il est vrai, ne multiplie pas les signaux d’amitié avec le Maroc.

Aujourd’hui, nous sommes dans une logique d’alignement de planètes, qui a déclenché les dominos. La guerre en Ukraine et l’attitude erratique, voire névrotique et clairement peu fiable d’Alger a fini de convaincre l’Espagne de renouer avec le Maroc, et de manière spectaculaire. Elle a suivi en cela l’Allemagne. L’évolution de ces deux pays – hôtes des conférences de Madrid et de Berlin dans les années 1880, prélude de ce qui allait suivre – semble avoir fait sauter un verrou dans leurs voisinages, et l’occasion a été la récente réunion à Marrakech de la coalition anti-Daech : l’Italie et surtout la Turquie et encore plus particulièrement les Pays-Bas ont corrigé leur position à l’encontre de Rabat. Tout aussi spectaculairement que Madrid et Berlin.

Il est également très important de garder à l’esprit le statut du Maroc comme allié majeur non-membre de l’OTAN, « qualité » décernée par les Etats-Unis. Pour le Maroc, cela remonte à 2004, à l’indifférence générale de tout le monde. Sauf qu’aujourd’hui, l’OTAN est dans l’œil du cyclone, la Turquie est toujours dans le double-jeu, Alger confirme son (mauvais) choix de la Russie et Vladimir Poutine menace… Il n’est pas de bon ton de mécontenter un « allié majeur », très engagé dans les grandes questions internationales et encore plus en Afrique, continent convoité tant par les Etats-Unis que par les Russes et où l’UE essaie de continuer d’exister.

Au final, et comme le souligne clairement cette conférence de la coalition anti-Daech qui a vu affluer à Marrakech près de la moitié des Etats membres de l’ONU, les Etats-Unis ont compris les enjeux et confirment et renforcent leur alliance avec le Maroc, Espagne et Allemagne ont corrigé leur position et fait un bond (perfectible) en avant, Pays-Bas, Turquie, Chypre, Roumanie, Serbie et d’autres encore ont significativement avancé, les Etats de Visegrad se sont presque prononcés, les pays africains sont très majoritairement en faveur de la résolution du conflit du Sahara dans le sens de l’Histoire et donc du Maroc, les pays du Golfe sont les amis du royaume… D’autres pays devraient rejoindre ce qu’il faut bien appeler une tendance, comme le Japon, Israël, le Royaume-Uni, le Brésil… Il est curieux que la France ne se joigne pas à ce mouvement, mais cela n’a plus autant d’importance aujourd’hui.

La tendance de plus en plus marquée, à défaut d’être mondiale, à rejoindre la position marocaine s’accélère donc, dans ce qui ressemble à des dominos qui s'entraînent les uns les autres. Et la lassitude générale est croissante face à la position figée, bloquante et contradictoire d’Alger dans un conflit qui déstabilise une région cruciale sur les plans économique, énergétique, sécuritaire et migratoire.

Il sera donc très intéressant de voir si confirmation il y aura de cette lame de fond lors de la prochaine réunion du Conseil de Sécurité consacrée au Sahara, fin octobre. D’ici là, bien des choses auront en effet encore évolué…

Rédigé par Aziz Boucetta sur Panora Post 


Lundi 16 Mai 2022