Dans ce quatrième ouvrage, El Boufi explore avec une rare intensité l’errance intérieure d’une jeune femme, arrachée à sa terre natale, contrainte de fuir la Syrie pour s’échouer sur les rives incertaines de l’exil, en Turquie. Ce n’est pas seulement une traversée géographique que narre l’autrice, mais un voyage au bord du gouffre — entre mémoire et oubli, entre la douleur d’un pays perdu et l’espoir fragile d’un avenir à réinventer.
« Je n’ai pas écrit ce livre pour raconter une histoire, mais pour rendre visible une souffrance que l’on ne perçoit pas toujours à l’œil nu », confie Sara El Boufi lors de la signature au pavillon du Conseil de la Région Rabat-Salé-Kénitra. Devant un public composé de figures culturelles et d’intellectuels, elle rappelle que la littérature a le devoir de mettre en lumière les zones d’ombre du monde, notamment celles où se trament les tragédies humaines les plus silencieuses.
Le roman, salué par le chercheur en soufisme et en littérature arabe, Abdellah Baqraoui, se distingue par une densité émotionnelle rare et un style à la fois lyrique et immersif. « Entre deux patries » devient, sous sa plume, un pont narratif entre la chute et la résilience, entre les ruines de l’enfance et les espoirs clandestins de l’âge adulte.
Chaque personnage, profondément construit, incarne une facette de la condition humaine en exil : l’attente, la peur, la perte de repères, mais aussi l’amour, le sursaut de dignité, et la beauté parfois douloureuse de la reconstruction. Ce n’est pas un simple récit de migration, mais un cri feutré, un poème narratif sur ce que cela signifie vraiment que de survivre : porter son pays sur ses épaules, le cœur scindé, et avancer tout de même.
Dans ce labyrinthe de douleurs, l’autrice parvient pourtant à maintenir une lueur. Car au-delà de la guerre et de l’errance, « Entre deux patries » est aussi un hymne à la vie. Une invitation à ressentir, à comprendre, à ne pas détourner les yeux.
Sara El Boufi, par cette œuvre magistrale, rappelle que le roman peut encore, à l’heure des bruits numériques, offrir un refuge, un miroir, et parfois, un espoir.