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Si je disparais, ne cherche pas tout de suite à comprendre


Échange amical entre un écrivain Rida Lamrini et un libre-penseur Adnane Benchakroun



Par Rida Lamrini

Si je disparais, ne cherche pas tout de suite à comprendre
Si je disparais,
ne cherche pas tout de suite à comprendre.

Il y a des vérités qui se déplacent,
qui changent de forme quand on tente
de les saisir.

Je n’ai pas fui.
J’ai suivi quelque chose que je ne savais
pas encore nommer.

Parfois, rester est plus dangereux que partir.

Garde ceci en mémoire :
ce qui s’efface n’est pas toujours
ce qui meurt.

Rida Lamrini
Les méandres de l’oubli

​L’art de se retirer sans renoncer par Adnane Benchakroun

Si je disparais, ne cherche pas tout de suite à comprendre
Notre époque exige des réponses immédiates. Elle tolère mal le flou, encore moins l’absence. Toute disparition appelle une explication, toute pause devient suspecte. Pourtant, cette obsession de la compréhension instantanée dit moins notre soif de vérité que notre peur du vide. Il existe des expériences humaines qui ne se livrent pas dans l’urgence. Le sens, parfois, réclame du temps et de la distance avant de se laisser approcher.

Certaines vérités ne sont pas des objets stables que l’on pourrait saisir une fois pour toutes. Elles évoluent, se déplacent, se transforment au contact même de celui qui cherche à les enfermer dans une définition. Vouloir les fixer trop tôt, c’est souvent les dénaturer. Dans un monde saturé de prises de position définitives et d’identités verrouillées, reconnaître la mobilité du vrai relève presque d’un acte de résistance intellectuelle.

Se retirer n’est pas toujours synonyme de fuite. Il arrive que l’éloignement soit guidé non par la peur, mais par une intuition encore informe, une nécessité intérieure qui précède le langage. Suivre une direction sans pouvoir encore la nommer va à rebours de la logique contemporaine de la justification permanente. Pourtant, c’est souvent dans cet espace incertain que s’élaborent les transformations profondes.

La valorisation quasi morale de la stabilité mérite elle aussi d’être interrogée. Rester, persister, tenir coûte que coûte : ces injonctions peuvent masquer une violence silencieuse. Il est des contextes où la continuité devient corrosive, où l’attachement se transforme en épuisement. À l’inverse, partir peut relever d’une lucidité vitale, d’un refus de se laisser dissoudre dans ce qui n’a plus de sens.

Enfin, notre société confond trop facilement visibilité et existence. Ce qui s’efface du champ immédiat n’est pas nécessairement condamné. L’absence n’est pas toujours une fin ; elle peut être une métamorphose, un déplacement vers une autre forme de présence, plus discrète mais non moins réelle. Tout ce qui disparaît n’est pas perdu.

Cette pensée du retrait, loin d’être nihiliste, esquisse une éthique contemporaine de la fidélité à soi. Elle rappelle que se préserver implique parfois de se soustraire, que vivre pleinement suppose parfois de quitter le cadre, et que le silence, l’ombre ou la distance peuvent être des lieux de recomposition plutôt que de renoncement.

Échange amical entre un écrivain Rida Lamrini et un libre-penseur Adnane Benchakroun

À l’origine de cet échange, il n’y a ni polémique ni posture, mais un texte. Quelques phrases mises en circulation, comme on lance une bouteille à la mer. Elles parlent de retrait, de vérité mouvante, de départ sans fuite, d’effacement qui n’est pas une mort. Elles ont trouvé, de l’autre côté de l’écran, un lecteur attentif : un libre penseur habitué à interroger les zones grises, là où les certitudes se dérobent.

De cette rencontre numérique entre un écrivain et un esprit critique est née une conversation à distance, fragmentée mais dense, où les mots ne cherchent pas à convaincre mais à éprouver. Ici, pas de débat spectaculaire ni de clash algorithmique. Plutôt une correspondance contemporaine, faite de silences assumés, de reformulations, de glissements conceptuels. Une discussion où l’on ne répond pas toujours, mais où l’on poursuit.

Cet échange n’oppose pas deux positions figées. Il explore. Il met à l’épreuve ce que signifie disparaître, rester, partir, se taire, à une époque qui exige sans cesse des récits clairs et des présences constantes. Entre littérature et philosophie, entre intuition et analyse, il trace un espace rare : celui d’un dialogue lent dans un monde pressé.

Ce qui suit n’est donc ni une interview ni une controverse. C’est une traversée. Une tentative de penser ensemble, à découvert, ce que nos existences font parfois hors champ — là où l’on ne se montre plus, mais où l’on continue pourtant d’agir.


Dimanche 21 Décembre 2025