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Sissi Pharaon d’Égypte…


Depuis quelques jours nous assistons à une guerre médiatique opposant l’Égypte à l’Arabie saoudite et à d’autres pays du golfe persique comme le Koweït notamment. C’est l’occasion de revenir sur une histoire ancienne, de cette partie du monde, opposant deux mondes diffère, pour essayer de comprendre ce qui se passe aujourd’hui.



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Par Rachid Boufous

Sissi Pharaon d’Égypte…
L’Égypte est sous régime militaire depuis juillet 1952. Au départ un groupe de petits officiers issus des classes moyennes, décidèrent de mener un coup d’état contre le Roi Farouk, d’origine albanaise par son arrière grand-père Mohamed Ali, suzerin de la sublime porte turc, et qui parlait à peine la langue Arabe, sans toutefois la comprendre parfaitement.

Bref, ce groupe de jeunes militaires se trouvèrent un vieux général, prêt à prendre la tête de leur mouvement dit des « officiers libres », menèrent un coup d’état blanc, sans effusion de sang. Le Roi Farouk et sa suite, furent exilés à bord du yacht royal « Al Mahroussa », vers l’Italie et par la suite à Monaco, où il passa son temps à gaspiller le reste de sa fortune sur les tables de casino, avant qu’il ne soit empoisonné au milieu des années 60 par les agents secrets de la junte militaire arrivée au pouvoir en Égypte.

Le pauvre Farouk, roi adipeux qui avait hérité le trône de son père Fouad, passait son temps à jouer aux cartes et à courir les starlettes de cinéma où les chanteuses mata hari comme Ismahane, la princesse espionne, kurdo-libanaise et sœur du grand rossignol arabe Farid Al Atrach. Farouk avait une femme de dingue. Une mère, la princesse Nazli, qui refusa à son fils de se mariage, avant de convoler secrètement avec le premier ministre de celui-ci. La sœur de Farouk fut mariée au Shah d’Iran, Reda Pahlavi, avant que celui-ci ne l’a répudiât car elle n’arrivait pas à lui donner d’héritier au trône.

Il faut dire que ni la mère ni les sœurs du Shah d’Iran ne portaient un amour immodéré à la sœur de Farouk, qui ne parlait pas persan et refusait de parler en une autre langue que le français. 

Farouk avait hérité d’un immense pays qui comprenait le Soudan, le Sinaï et Gaza. L’économie égyptienne mais très florissante. La Guinée égyptienne était plus chère que la Livre sterling et il arrivait souvent que l’Égypte prêtât de l’argent à l’Angleterre notamment durant toute la seconde guerre mondiale. Toutefois le régime monarchique égyptien était féodal et les Pachas et autres Afendis possédaient la plupart des terres arables. L’armée était puissante mais commandée que par les rejetons de la haute bourgeoisie, les soldats issus des classes moyennes et basses ne pouvaient pas devenir officiers. Et c’est là que démarrèrent les problèmes.

L’armée égyptienne vieillissait à vie d’œil et les rejetons de la bourgeoisie refusaient de plus en plus de commander les soldatesques, préférant jouer aux rentiers et au casino. Alors certains ministres vinrent voire le roi Farouk et lui proposèrent de permettre aux jeunes sous-officiers issus des classes moyennes de pouvoir devenir officiers en remplacement des fils des Afendis réfractaires à la chose militaire. 

Farouk accepta, non sans hésitations, et voilà que toute une génération de jeunes Bekbachis (sergents), de devenir officiers et commandants de l’armée d’Égypte et du Soudan, par la seule volonté royale. Ces jeunes militaires, intellectuels pour la plupart et citant des mouvements nationaliste ou politico-religieux comme les frères musulmans, commençaient à côtoyer le monde des Pachas et Afendis, inaccessible jusqu’alors, pénétrer les clubs d’officiers très privés situés sur les bords du Nil et interdits aux sous-officiers auparavant. C’était comme laisser entrer des affamés dans un grand restaurant.

Ce bond social fait par ces nouveaux officiers, issus des classes défavorisées, allait avoir des conséquences néfastes par la suite sur l’avenir de la monarchie égyptienne. Le glas commençait à raisonner en 1948, lors de la première guerre israélo-égyptienne, que l’Égypte perdit. 

De retour dans les casernes, ces jeunes officiers commencèrent à critiquer le haut commandement militaire des Afendis prétextant que les armes qu’on avait fournies aux soldats sur les champs de bataille étaient inutilisables et détraquées. C’était vrai dans certains cas, mais globalement c’était de la propagande, car ces officiers ni leurs supérieurs, n’étaient tout bonnement pas formés pour mener une guerre moderne et qu’on leur demandait juste de commander des troupes, sans avoir de stratégie militaire offensive derrière.

Malgré les enquêtes lancées par Farouk, les Afendis s’arrangèrent pour étouffer toute velléité de trouver la vérité à propos des vraies causes de la défaite de 1948.

 

Alors les jeunes officiers, formèrent un club qu’ils dénommèrent « les officiers libres » en réaction à ce commandement militaire, féodal, qui refusait de voir certaines vérités en face.  

Ils arrivèrent à enrôler un vieux général, Mohamed Naguib dans leur rangs, afin de se donner une légitimité auprès des autres chefs de l’armée. C’était le début de la politisation de l’armée qui aboutira au coup d’état de 1952, qui se déroula sans effusion de sang.
Le Roi Farouk, roi et pharaon déchu de l’Égypte moderne, abdiqua et fut contraint à l’exil en Europe. Les biens des Afendis et des Pachas, furent saisis et leurs palais occupés par la nouvelle junte militaire arrivée au pouvoir.

Le général Mohamed Naguib, qui avait pris la tête du mouvement des officiers libres, sera proclamé président de la nouvelle Egypte. Il était toutefois marqué à la culotte par un le vrai patron de cette jeune révolution, un certain Jamal Abdelbasser. Quand Naguib voulut se prendre au vrai président du nouvel état,  en voulant punir un jeune officier libre, qui, à chaque fois qu’il buvait un peu trop, voulait abuser de la sœur de l’ex-roi Farouk restée au pays et dont cet officier libre était chargé de la sécurité, le général sera confronté à un refus catégorique des autres officiers libres qui voulaient protéger leur copain fautif. 

Pire, les jeunes officiers rappelèrent à l’ordre Farouk et ce dernier fut tout bonnement emprisonné et Nasser devint président de l’Egypte. Exit le Pharaon Naguib, après le Pharaon Farouk…

Nasser, et ses copains officiers libres, n’avaient aucune vision du pouvoir, ni aucune compétence pour l’exercer. Alors ils optèrent pour le nationalisme et Nasser, en nouveau leader arabe, commença à haranguer les foules dans d’immenses messes en inventant le panarabisme, occultant les autres spécificités de la société égyptienne, copto-turco-grecques. Il voulait une nation arabe, le plus large possible, sous une espèce d’union de millions de gens qui n’ont comme dénominateur commun que cette langue, parlée de l’Atlantique au golfe persique, à des variations près et englobant les autres pays, pour la plupart sous domination coloniale anglo-française, ce qui ne pouvait que lui valoir la sympathie de ces peuples arabes opprimés.

L’Égypte devint « Oum Dounia » ou la mère de l’univers, aux yeux de millions d’arabes, pauvres, analphabètes et sans espoirs, qui voyaient en Nasser, le sauveur de la Oumma, de la décadence qui a favorisé la pénétration et le colonialisme étranger…

Fort de cette nouvelle légitimité, Nasser nationalisa la société du canal de Suez. Il y eut alors une réaction militaire immédiate de la part de la France, de l’Angleterre et d’Israël. Le canal qui avait été creusé à l’initiative de Ferdinand de Lesseps en 1868, devait être restitué officiellement à l’Égypte, un siècle plu tard, en 1968. Mais Nasser ne voulait pas attendre douze ans supplémentaires et recevoir le canal, sans heurts. Non, il a préféré l’affrontement avec l’occident, cherchant ainsi une légitimité et un leadership à l’échelle internationale…

Il se lancera aussi avec d’autres copains trouvés sur le chemin des indépendances à travers le monde, l’indonésien Soekarno, l’indien Nehru, le ghanéen N’krumah, le yougoslave Tito, tous des dictateurs au passage à part l’indien, et créèrent le mouvement des non-alignés, censé se démarquer de l’affrontement entre les deux blocs incarnés par l’occident et le bloc communiste.

Nasser qui détestait les monarchies, sous toutes les latitudes, ainsi que les religions, finit par faire la guerre à ses voisins monarchistes, notamment au Yémen et même le royaume lointain du Maroc sera menacé en 1963, via la nouvelle Algérie indépendante commandée par un autre dictateur, BenBella et alliée de Nasser et fortement aidée par lui. Ces deux guerres se solderont par des échecs cuisants. 

Par ailleurs la grande réforme agraire qui consistait à redistribuer les terres récupérées de chez les Afendis et grands propriétaires terriers, vers les petits agriculteurs se solda par un échec retentissants, car les pauvres même si vous leur donnez les meilleures terres, sans aides substantielles pour les développer, feront de l’agriculture vivrière sur de petites parties sans grand rendement et laisseront le reste des parcelles agricoles en jachère, faute de moyens.

Les industries liées à la culture du Cotton, jadis florissantes, qui nourrissaient les filatures de Liverpool, tombèrent assez vite en ruine et les capitaux quittèrent le pays, car les multiples nationalisations avec leur mode de gestion hasardeux et socialisant, vinrent à bout d’un pays, qui était très riche à l’époque de la monarchie, sous Farouk. Nasser, qui était devenu le nouveau Pharaon d’Égypte, et qui voulait faire son pays, le nouveau phare, en orient, déchantera assez vite…
Fin de l’épisode 1

Rédigé par Rachid Boufous 


Jeudi 9 Février 2023