Il était une fois un champ où le soleil ne faisait pas que mûrir les tomates : il faisait aussi tourner la pompe, allumer la serre et charger le portable du fellah. C’est l’image idéale de l’agriculture solaire, celle qu’on exhibe dans les brochures du SIAM 2025. Et parfois, c’est vrai.
Le Maroc a misé gros sur les énergies renouvelables, et l’agriculture suit. Le pompage solaire pour l’irrigation est devenu un outil stratégique. Le rêve ? Une ferme autonome, connectée, zéro émission. Dans les zones reculées, c’est même une révolution : là où il n’y avait ni EDF ni ONEE, il y a désormais un panneau, une batterie, et de l’eau qui monte toute seule.
Mais cette belle histoire a ses ombres. L’installation coûte cher. Les subventions existent, mais restent limitées. L’entretien technique est un défi. Et les batteries ? Leur durée de vie est plus courte que la sécheresse.
Dans les zones irriguées intensives, le solaire permet d’intensifier la production sans culpabiliser. Mais est-ce une vraie transition ou juste une rustine verte ? Utiliser le soleil pour pomper encore plus d’eau dans des nappes qui s’assèchent, est-ce vraiment durable ? Ou est-ce simplement une perfusion propre à un modèle malade ?
Et puis il y a les paradoxes. On parle d’autonomie énergétique, mais les équipements sont importés, les techniciens parfois absents, et les projets portés par des entreprises peu intéressées par le long terme. Résultat : des installations solaires en jachère, des panneaux mal orientés, et des espoirs débranchés.
Solaire pour les riches, velos pour les autres ?
À force de vanter les bienfaits du solaire, on oublie que c’est une technologie sociale avant d’être une technologie énergétique. Qui y accède ? Qui comprend comment ça marche ? Qui répare ? Qui remplace la batterie quand elle rend l’âme ? L’agriculture solaire, pour l’instant, est souvent l’apanage de ceux qui ont déjà de l’avance : grands exploitants, coopératives dynamiques, agriculteurs formés. Et les autres ? Ils regardent le panneau comme on regarde un OVNI. Le vrai défi, ce n’est pas d’installer des panneaux. C’est de mettre l’énergie dans les mains de ceux qui en manquent le plus.



