Douanes de Sebta : entre ambition politique et migraine logistique
Pour Sebta, l’ouverture en janvier dernier d’un premier bureau de douane constitue déjà une “étape historique”, selon son président Juan Vivas, tant l’enclave n’avait jamais disposé de ce dispositif auparavant. Cette nouveauté s’inscrit dans le cadre de la normalisation des relations entre Rabat et Madrid, amorcée en 2022 après deux ans de crise diplomatique.
Mais huit mois plus tard, l’euphorie du lancement laisse place aux revendications. Le gouvernement local estime que le dispositif actuel n’est “qu’un début” et souhaite une douane commerciale classique, comparable à n’importe quel autre point international de passage des marchandises. Sebta réclame une structure plus stable, plus lisible et surtout alignée sur les normes appliquées à Algésiras, Tanger Med ou encore Valence.
Ces attentes sont partagées par le tissu économique local. La présidente de la Confédération des entreprises de Ceuta (CECE), Arantxa Campos, espère que le sommet permettra d’obtenir une décision formelle pour créer une douane pleinement opérationnelle. Selon elle, le système actuel manque de sécurité juridique, ce qui freine les investissements et dissuade les entreprises de se lancer dans l’import-export avec le Maroc.
L’une des critiques récurrentes concerne le nouveau mode de fonctionnement : les exportateurs et importateurs sont désormais responsables de leurs procédures, sans l’appui des autorités locales de Sebta un changement radical par rapport à l’ancien modèle. Chacune des deux parties doit respecter un processus strict conforme aux réglementations marocaines et espagnoles, un cadre qui dérange certains opérateurs habitués à un système plus permissif.
Pour les responsables économiques, tant que la douane de Sebta n’appliquera pas les mêmes normes et standards que les grands ports de la région, “cela ne fonctionnera pas”. Mais du côté du gouvernement local, le discours se veut plus nuancé : oui, la douane est un outil important, mais elle ne doit pas devenir le pilier exclusif de l’économie de l’enclave.
Juan Vivas insiste sur la nécessité d’un modèle économique diversifié, fondé sur le tourisme, l’économie du savoir, le logement et des services plus durables. “L’avenir économique de Ceuta ne peut pas dépendre exclusivement des douanes”, rappelle-t-il.
Alors que les deux gouvernements s’apprêtent à discuter sécurité, mobilité, économie et coopération frontalière, Sebta tente de faire entendre sa voix. Reste à savoir si la question douanière s’invitera dans les discussions officielles ou restera un dossier sensible, traité en coulisses.