Il est des livres qui ne se lisent pas, mais qui s’écoutent, se hument, se ressentent. Souviens-toi des abeilles, le deuxième roman de Zineb Mekouar, est de ceux-là. Dans une prose délicate comme la cire, enveloppante comme un chant ancien, l’autrice franco-marocaine livre une œuvre poignante, sensorielle, et d’une humanité bouleversante. Ce n’est pas un hasard si l’Académie française lui a décerné en 2025 le Prix Henri de Régnier : elle a récompensé bien plus qu’un livre, elle a salué une voix rare, habitée, subtilement engagée.
Le cœur du roman bat dans un petit village du Sud marocain, Inzerki, connu pour son rucher millénaire. Là, vit Anir, un enfant de dix ans, élevé par son grand-père dans un monde encore gouverné par les rites, les légendes et les gestes lents. Il observe avec amour et inquiétude sa mère, Aïcha, étrangère au village, souffrante d’un mal que personne ne nomme. Elle fredonne sans cesse une berceuse déstructurée, comme une partition de douleur.
Ce fil sonore – « do, do, da ; grave, grave, aigu » – parcourt tout le roman. C’est une voix de l’intérieur, une faille qui résonne dans le silence des adultes, dans les secrets familiaux qu’Anir devine mais qu’on lui tait. À travers ce chant, c’est la santé mentale, la mémoire traumatique, et surtout le non-dit familial que Zineb Mekouar explore avec une justesse bouleversante. Sans pathos. Sans démonstration. Juste avec la vérité du regard d’un enfant.
Mais Souviens-toi des abeilles n’est pas seulement un roman familial. C’est aussi un chant d’amour et de douleur à la terre qui meurt. La sécheresse ronge le sol. Les abeilles, sentinelles du vivant, disparaissent. La chaleur monte, ronge les corps et les âmes. L’écriture de Mekouar devient alors écopoétique, presque organique, faisant du climat un personnage à part entière.
Les trois parties du roman – Terre rouge, Terre ocre, Terre blanche – matérialisent cette montée du désastre, cette désincarnation du monde. On commence dans la glaise, et on termine dans la poussière. Comme si la mémoire aussi, sans transmission, s’effritait.
Ce roman, Zineb Mekouar l’a écrit depuis l’exil, ou plutôt depuis cette frontière floue entre deux appartenances. Franco-marocaine née à Casablanca, installée à Paris depuis 2009, elle n’écrit ni en nostalgique, ni en chroniqueuse. Elle parle de l’intérieur, avec cette capacité rare à faire entendre la voix de ceux qui ne crient pas.
Le père d’Anir, Omar, incarne cette tension entre la tradition rurale et l’exil urbain. Parti à Agadir pour gagner sa vie, il s’enfonce dans la perte de repères. Là encore, Mekouar n’accuse personne : elle met en scène l’érosion, celle des corps, des paysages, des liens.
Ce qui frappe, c’est la musicalité de l’écriture. Chaque phrase semble vibrer au rythme d’une berceuse oubliée, d’un bourdonnement disparu. La romancière nous prend par les sens. On sent la chaleur, le miel, la poussière. On entend les battements d’ailes. On goûte à la douceur du silence et à l’amertume des absences.
Ce n’est pas un roman qui s’impose par la force d’un pitch ou d’une intrigue haletante. C’est un livre-murmure, qui hante longtemps après l’avoir refermé. Il rappelle que la littérature peut encore consoler, éveiller, et surtout rendre visible ce qui se tait.
La consécration par l’Académie française, et auparavant le Prix Folire – décerné par des patients en hôpital psychiatrique – prouve que Souviens-toi des abeilles parle à toutes les sensibilités, à toutes les douleurs. Ce n’est pas un livre élitiste. C’est un livre honnête, écrit avec soin et humilité.
Ce prix vient aussi rappeler l’importance de nouvelles voix franco-maghrébines dans le paysage littéraire francophone. Zineb Mekouar ne cherche pas à “représenter”, elle habite le récit, elle tisse entre les mémoires, les territoires, les chants perdus.
Le cœur du roman bat dans un petit village du Sud marocain, Inzerki, connu pour son rucher millénaire. Là, vit Anir, un enfant de dix ans, élevé par son grand-père dans un monde encore gouverné par les rites, les légendes et les gestes lents. Il observe avec amour et inquiétude sa mère, Aïcha, étrangère au village, souffrante d’un mal que personne ne nomme. Elle fredonne sans cesse une berceuse déstructurée, comme une partition de douleur.
Ce fil sonore – « do, do, da ; grave, grave, aigu » – parcourt tout le roman. C’est une voix de l’intérieur, une faille qui résonne dans le silence des adultes, dans les secrets familiaux qu’Anir devine mais qu’on lui tait. À travers ce chant, c’est la santé mentale, la mémoire traumatique, et surtout le non-dit familial que Zineb Mekouar explore avec une justesse bouleversante. Sans pathos. Sans démonstration. Juste avec la vérité du regard d’un enfant.
Mais Souviens-toi des abeilles n’est pas seulement un roman familial. C’est aussi un chant d’amour et de douleur à la terre qui meurt. La sécheresse ronge le sol. Les abeilles, sentinelles du vivant, disparaissent. La chaleur monte, ronge les corps et les âmes. L’écriture de Mekouar devient alors écopoétique, presque organique, faisant du climat un personnage à part entière.
Les trois parties du roman – Terre rouge, Terre ocre, Terre blanche – matérialisent cette montée du désastre, cette désincarnation du monde. On commence dans la glaise, et on termine dans la poussière. Comme si la mémoire aussi, sans transmission, s’effritait.
Ce roman, Zineb Mekouar l’a écrit depuis l’exil, ou plutôt depuis cette frontière floue entre deux appartenances. Franco-marocaine née à Casablanca, installée à Paris depuis 2009, elle n’écrit ni en nostalgique, ni en chroniqueuse. Elle parle de l’intérieur, avec cette capacité rare à faire entendre la voix de ceux qui ne crient pas.
Le père d’Anir, Omar, incarne cette tension entre la tradition rurale et l’exil urbain. Parti à Agadir pour gagner sa vie, il s’enfonce dans la perte de repères. Là encore, Mekouar n’accuse personne : elle met en scène l’érosion, celle des corps, des paysages, des liens.
Ce qui frappe, c’est la musicalité de l’écriture. Chaque phrase semble vibrer au rythme d’une berceuse oubliée, d’un bourdonnement disparu. La romancière nous prend par les sens. On sent la chaleur, le miel, la poussière. On entend les battements d’ailes. On goûte à la douceur du silence et à l’amertume des absences.
Ce n’est pas un roman qui s’impose par la force d’un pitch ou d’une intrigue haletante. C’est un livre-murmure, qui hante longtemps après l’avoir refermé. Il rappelle que la littérature peut encore consoler, éveiller, et surtout rendre visible ce qui se tait.
La consécration par l’Académie française, et auparavant le Prix Folire – décerné par des patients en hôpital psychiatrique – prouve que Souviens-toi des abeilles parle à toutes les sensibilités, à toutes les douleurs. Ce n’est pas un livre élitiste. C’est un livre honnête, écrit avec soin et humilité.
Ce prix vient aussi rappeler l’importance de nouvelles voix franco-maghrébines dans le paysage littéraire francophone. Zineb Mekouar ne cherche pas à “représenter”, elle habite le récit, elle tisse entre les mémoires, les territoires, les chants perdus.
Pourquoi j’ai adoré ce livre
Parce qu’il ne crie pas mais apaise.
Parce qu’il parle des mères, des absents, des abeilles et du feu.
Parce qu’il honore la parole des anciens sans renoncer à la modernité.
Parce qu’il est court et profond, simple et incandescent, lourd de sens mais léger comme un battement d’aile.
Parce qu’il nous oblige à souvenir, non par nostalgie, mais par fidélité.
Parce qu’il parle des mères, des absents, des abeilles et du feu.
Parce qu’il honore la parole des anciens sans renoncer à la modernité.
Parce qu’il est court et profond, simple et incandescent, lourd de sens mais léger comme un battement d’aile.
Parce qu’il nous oblige à souvenir, non par nostalgie, mais par fidélité.
Souviens-toi des abeilles est un roman que l’on voudrait offrir à ceux qui doutent, à ceux qui cherchent, à ceux qui ont perdu, et à ceux qui n’ont pas encore trouvé comment nommer la douleur. Zineb Mekouar a réussi ce miracle rare : écrire un livre qui nous parle en silence. Et dans ce silence, il y a du miel, des larmes, et beaucoup d’amour.