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Tempête Emilia et agriculture marocaine : perturbations climatiques et performances d’exportation sous tension


Rédigé par Lycha Jaimssy MBELE le Jeudi 18 Décembre 2025

La tempête Emilia, qui a frappé le Maroc à partir du 13 décembre, a mis à nu les tensions d’un modèle agricole performant mais exposé. Entre drame humain, perturbations logistiques et fragilisation de la production, l’épisode climatique agit comme un test grandeur nature pour un secteur stratégique qui, malgré les chocs, continue d’enchaîner les records à l’export.



Un choc climatique au lourd coût humain

Tempête Emilia et agriculture marocaine : perturbations climatiques et performances d’exportation sous tension

Depuis le 13 décembre, la tempête Emilia traverse le Royaume, déclenchant des pluies intenses et des crues soudaines dans plusieurs régions. La situation a été particulièrement dramatique à Safi, où les inondations ont causé la mort de 37 personnes, selon les bilans officiels relayés par la presse nationale. Face à la dégradation rapide des conditions météorologiques, les autorités ont activé des alertes dans de nombreuses zones afin de limiter les risques pour les populations.
 

Au-delà de la tragédie humaine, cet épisode climatique a immédiatement soulevé des inquiétudes quant à ses répercussions économiques, notamment sur les exportations agricoles marocaines, fortement orientées vers les marchés européens en cette période clé de la campagne.


Logistique sous pression, mais flux globalement préservés

Sur le plan logistique, la tempête a entraîné une suspension temporaire des rotations maritimes vers l’Europe pendant près de trois jours. Les transporteurs routiers et maritimes évoquent des conditions de navigation difficiles pour les derniers navires ayant franchi le détroit avant l’émission des alertes météo. Ces retards, pouvant atteindre 72 heures, concernent essentiellement les liaisons internationales.
 

Toutefois, les professionnels du secteur relativisent l’impact. Ces perturbations restent, selon eux, dans des marges saisonnières habituelles en période hivernale et n’ont pas remis en cause la structure globale des chaînes d’exportation. À l’intérieur du pays, les délais de transit sont demeurés relativement stables, à l’exception des zones directement sinistrées. Avec l’amélioration progressive des conditions climatiques, les flux maritimes ont repris graduellement.


Une production fragilisée dans le Souss-Massa

La situation apparaît plus délicate du côté de la production agricole, notamment dans la région du Souss-Massa, principal bassin de fruits et légumes destinés à l’export. Si cette zone n’a pas été frappée par des phénomènes extrêmes, le froid persistant et l’humidité élevée ont ralenti le développement des cultures et compliqué les récoltes.
 

Les producteurs signalent des problèmes phytosanitaires généralisés, affectant particulièrement la tomate, produit phare des exportations marocaines. La croissance des jeunes plants est ralentie et certaines grappes arrivées à maturité peinent à répondre aux standards exigés par les marchés européens, ce qui alimente les craintes d’une tension temporaire sur l’offre.


Des records à l’export malgré un contexte tendu

Paradoxalement, ces difficultés interviennent alors que le Maroc enregistre des performances historiques à l’export. Lors de la campagne 2024-2025, les exportations de tomates ont atteint un niveau inédit, compris entre 745.000 et 767.000 tonnes, positionnant le Royaume parmi les trois premiers exportateurs mondiaux.
 

Les framboises ont dépassé le seuil des 64.000 tonnes exportées, portées par une forte demande européenne et des prix élevés sur les segments premium. Les avocats ont poursuivi leur montée en puissance, avec des volumes en forte progression vers des marchés comme l’Allemagne. Les concombres, les carottes et les agrumes confirment également cette dynamique, avec notamment près de 20.000 tonnes d’oranges exportées vers les États-Unis sur les onze premiers mois de 2024. Au premier trimestre 2025, la valeur des exportations agricoles vers l’Espagne a dépassé 480 millions d’euros, un record trimestriel.

La tempête Emilia n’a pas provoqué de paralysie durable des exportations agricoles marocaines. Elle agit toutefois comme un révélateur des vulnérabilités structurelles du secteur face à la multiplication des aléas climatiques. Si une normalisation progressive des flux est attendue à court terme, l’épisode relance, avec acuité, le débat sur la résilience de l’agriculture marocaine, la sécurisation des chaînes logistiques et l’adaptation d’un secteur stratégique appelé à évoluer dans un environnement climatique de plus en plus incertain.





Jeudi 18 Décembre 2025