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Tindouf: les enfants-soldats, un crime de guerre


L’endoctrinement, l’enrôlement, aussi, des enfants par les milices armées du «Polisario», un crime inhumain. Un déni des droits élémentaires des enfants embrigadés. Et une violation flagrante des résolutions du Conseil de sécurité et des conventions internationales.



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Par Mustapha Sehimi

Tindouf: les enfants-soldats, un crime de guerre
La 49e session du Conseil des Droits de l'Homme, à Genève, à la mi-mars dernier, a été l'occasion de revenir sur cette question des enfants-soldats. Une conférence internationale s'est ainsi tenue à l'initiative de l’ONG «Africa Culture International». Elle a réuni plusieurs associations régionales et continentales ainsi que des acteurs de la société civile issus des provinces méridionales du Royaume.

Elle a dénoncé la présence d'un enfant-soldat dans la délégation qui accompagnait l'envoyé spécial du Secrétaire général de l’ONU, Staffan de Mistura, lors de sa première visite dans les «camps» de Tindouf, le 16 janvier dernier. Ce diplomate a été également témoin de la présence d’autres enfants-soldats placés le long du chemin emprunté. Les images ont été diffusées sur la Toile.

C'est là un crime de guerre interdit par toutes les conventions et instruments internationaux, -dont la Convention de Genève de 1949- la Charte des Nations Unies, la Charte des droits de l'Homme, les pactes des droits politique, économique et social de 1966, et le Statut de Rome de 2002 de la Cour pénale internationale (art. 3). La communauté internationale doit réagir à cette militarisation des enfants qui s'est pratiquement institutionnalisée dans les milices séparatistes à des fins de guerre ou comme bouclier humain. Ses dirigeants n'hésitent pas en effet à recruter, endoctriner, former et exploiter des enfants-soldats, des actes typiques, par ailleurs, des organisations terroristes telles que Daech et Al Qaïda.

Ces enfants sont perdus dans la violence, soumis à des atrocités, arrachés à la sûreté et à la sécurité de leur famille et privés de la possibilité de grandir et de se développer dans un environnement d'épanouissement.

Combien sont-ils à Tindouf? Les estimations de certaines ONG qui ont fait du terrain in situ parlent de 4.000 à 5.000 pour la classe d'âge des 12 -18 ans.

C'est une catégorie démographique qui a quitté l'école primaire et qui n'a pas la possibilité de poursuivre un cursus secondaire. Le seul cadre qui lui est offert est celui des structures du mouvement séparatiste. Ceux qui sont liés à des dirigeants et à leurs réseaux tribaux et clientélistes effectuent ensuite leur scolarité dans des établissements algériens jusqu'au baccalauréat avant de bénéficier d'aides et de bourses dans des régions en Espagne, ou encore à Cuba pour des études supérieures.

Autre cadre de «socialisation»: celui de l'endoctrinement religieux mené par des prédicateurs locaux dans plusieurs mosquées dans les camps. Les prêches sont marqués de plusieurs traits: la radicalisation, la haine de l'Occident -et au passage du voisin marocain, le primat de la violence- bref un mémento de jihadiste...

Pour le mouvement séparatiste, l'enfant est un soldat «qui coûte moins cher qu'un adulte»: la militarisation de l'enfance est si l'on ose dire, économiquement motivée. Leur utilisation ne demande pas d'expertise particulière; pas davantage, la force physique n'est forcément nécessaire. A ces raisons, il faut en ajouter d'autres, utilitaristes: ils ont des «qualités» de soldats que les adultes n'ont pas toujours, en ce sens qu'ils sont plus facilement influencés par la propagande politique… et religieuse; ils sont aussi moins raisonnables que leurs aînés face à la violence ou à l'idée de perdre la vie; à ce titre, ils sont moins sensibles aux conséquences de leurs actes.

Le Maroc a souvent saisi et alerté la communauté internationale sur la situation des enfants-soldats et sur la nécessité de prendre des mesures de prévention. Le 31 mars dernier, a été inauguré par le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, le Centre International de Recherches dédié à cette problématique. Ce qui est en cause, ici, pour ce qui regarde en particulier la situation qui prévaut actuellement dans les camps de Tindouf (en Algérie), c'est d'abord la corrélation entre l'absence de gestion des camps de Tindouf et le recrutement d'enfants-soldats.

Le pays voisin, pays-hôte, doit assumer la plénitude de sa responsabilité internationale imprescriptible. Elle lui impose une obligation: celle de la sécurité et de la protection des enfants vivent sur son territoire. Il y a endoctrinement; enrôlement aussi des enfants par les milices armées du «Polisario». Un crime inhumain. Un déni des droits élémentaires des enfants embrigadés. Et une violation flagrante des résolutions du Conseil de sécurité et des conventions internationales.

Le Maroc est, lui, un acteur majeur du maintien et de la consolidation de la paix; il participe depuis 1960 aux missions de la paix sur tous les continents avec pas moins de 7.500 Casques Bleus; aujourd'hui, il est classé parmi les onze premiers contributeurs dans les Opérations de Maintien de la paix (OPM) dans le monde avec des effectifs de 1702 Casques bleus déployés en Afrique (Minusca en Centre Afrique, Monusco au Congo et Unmiss au Sud-Soudan).

Plus encore, le rôle du Royaume prend un relief supplémentaire avec son engagement en faveur de la légalité internationale; il a ainsi ratifié le 22 mai 2002, le protocole facultatif à la Convention relative aux Droits de l'Enfant, relatif aux enfants-soldats. Il est également prévu l'harmonisation de la législation marocaine avec les principes de cette convention et celles de ce protocole. Il faut y ajouter d'autres mesures: les mécanismes et instruments de protection des enfants contre toutes les formes de maltraitance, d'exploitation, de violence et de criminalité organisés; l’Observatoire national des droits de l’enfant, créé en 1995; et l'adoption en 2020 des principes de Vancouver sur le maintien de la paix et la prévention du recrutement et de l'utilisation d'enfants soldats (Résolution 50/155 de l'Assemblée générale des Nations Unies du 21 décembre 1995 et l'amendement de l'article 43, paragraphe 2, entré en vigueur le 18 novembre 2002).

Le choix de Dakhla pour abriter ce Centre est une reconnaissance du rôle du Maroc en tant que pourvoyeur de paix, de sécurité et de stabilité. Cette nouvelle institution aura plusieurs missions: formuler des propositions concrètes à la faveur du continuum-développement; coordination des efforts de la communauté internationale sur une approche plurielle, académique et politique; fournir enfin des données précises, quantitatives et qualitatives, utiles à l'information et à la mobilisation de la communauté internationale.

Le Maroc appelle à mettre fin à l'impunité des personnes responsables du recrutement et de l'utilisation criminelle d’enfants et d'autres violations graves. Il soutient la surveillance et la communication systématiques par les Nations Unies des violations des droits de l'enfant dans les conflits. La proportion d'enfants vivant dans les zones de conflits risquant ainsi d’être recrutés et utilisés par des groupes armés a triplé; elle est ainsi passée de 5% en 1991 (99 millions d'enfants) à plus de 14% en 2020 (337 millions). Cette problématique des enfants-soldats n'est ni marginale, ni circonstanciée. Et contrairement aux idées reçues, ce phénomène n'est pas exclusif à l'Afrique.

Dans les camps de Tindouf se trouve un marché appelé à se développer et élargir ses réseaux. La connexion notamment avec la grande criminalité et le terrorisme est l’une des préoccupations majeurs de cette situation –une forme d’externalisation, délocalisée déjà au Sahel avec des prolongements dans d’autres régions du continent…

Rédigé par Mustapha Sehimi sur Le 360


Lundi 27 Juin 2022