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TopGun à 36 ans d’intervalle…


Actuellement sur les grands écrans, est diffusé TopGun Maverick, la suite de son ancêtre, paru en 1986 : TopGun.



Par Rachid Boufous

TopGun à 36 ans d’intervalle…
Il y’a 36 ans, je fus parmi ceux qui avaient vu l’épisode 1 de ce film de guerre, qui mettait en avant la puissance américaine et sa supériorité dans les airs. 

C’était la première fois qu’on assistait à un film qui nous embarquait dans ces avions Grumman F-14 appelés Tomcat ou « Tom le chat » en référence à sa couleur grise claire, comme la couleur du pelage du chat héros du dessin animé « Tom et Jerry ».
A l’époque, la guerre froide faisait rage, l’Amérique cherchant toujours à faire la nique aux soviétiques et au reste du monde, en essayant de leur faire peur avec ses armes de nouvelle génération.

Pete « Maverick » Mitchell, alias Tom Cruise, pilote et beau gosse, roulant sur une moto tonitruante et portant une veste d’aviateur rembourrée, séduisait une bombe blonde du nom de Kyllie McGillis. On était surtout émerveillés par le jeu de ces acteurs à bord d’avions supersoniques et leur appontage sur des porte-avions, gigantesques et monstrueux de majesté.

A l’époque aussi, le monde qui pouvait s’exprimer librement, était du côté américain. On était encore très naïfs et on croyait à ces sornettes vendues intelligemment par l’Amérique et son porte-voix : Hollywood.

On nous vendait les soviétiques comme étant le « Grand Satan », qu’il fallait absolument combattre pour sauver le monde libre et notre mode de vie, terriblement consumériste.

Il fallait choisir son camp, et on avait intérêt à le faire du côté américain, car grâce au déploiement de tout cet arsenal infernal, le choix était réduit. Autant être du côté des puissants, peu de nations voulant tester le shampooing à l’agent orange ou le savon à l’uranium appauvri, que les pauvres vietnamiens avaient goûté de 1965 à 1974…

On croyait vraiment que l’Amérique pouvait nous défendre contre tous les ennemis qui pouvaient menacer la quiétude de nous autres terriens. On avait fini par croire, que l’Amérique pouvait combattre les extra-terrestres aussi. Alors les soviétiques, malgré leurs menaces, c’était du pipi de chat. Il fallait faire son choix !

A l’époque, le pauvre Gorbatchev, récemment décédé, essayait de sauver l’empire soviétique, en injectant un peu de jeunesse dans un système devenu grabataire et sénile, à force de maintenir à sa tête, des antiquités bolchéviques. Il comprendra fort tard, que sa Pérestroïka et sa Glasnost allaient précipiter la fin de l’empire crée par Lénine et Staline. Et l’Amérique y fût pour beaucoup, dans cette agonie du pays de Béria. 

Pour accélérer cette décadence soviétique, il fallait donc inventer des concepts, totalement imaginaires, qui avaient pour seul but de faire peur aux Babouchkas de l’Oural. Ce fut d’abord la fameuse « guerre des étoiles », inventée par Ronald Reagan et qui consistait à faire croire que des missiles supersoniques pouvaient abattre toutes les ogives nucléaires soviétiques à partir de l’espace, dès qu’un dingue du Kremlin aurait la folle idée d’appuyer sur le bouton atomique. 

Les soviétiques eurent effectivement peur, car malgré les milliards de dollars engloutis dans leur course aux armements contre les yankees, des bédouins armés par l’Amérique avaient fini par vaincre leur armée en Afghanistan...

Pourtant, il suffisait à l’Amérique de lire le grand démographe français Emmanuel Todd, qui, dans son livre prémonitoire « La Chute finale », publié en 1976, avait étudié la crise de la natalité en Russie soviétique, pour en déduire que ce pays avait amorcé son déclin, sur tout les plans. En particulier, il constata la hausse de la mortalité infantile en URSS, fait unique pour un pays industrialisé et développé. Il en déduisit que toute sa structure technique et industrielle était en train de régresser vers une décrépitude irréversible. D’un autre côté, en se basant sur des bizarreries comme la livraison en provenance de l’Est d’une cargaison de chaussures... pour le pied droit, il en conclut à une complète désorganisation de l’appareil de production planifié.

Que penser d’une industrie incapable de mener à bien une opération aussi simple que de fournir des chaussures en état ?…
Mais l’Amérique voulait une défaite par KO, en exhibant sa puissance de feu. Ça pouvait aussi servir aux autres puissances en herbe, qui auraient des velléités de s’élever contre l’oncle Sam, qui voulait devenir et surtout rester, le seul et unique gendarme du monde.

Tom Gun 1986 était conçu dans cette optique propagandiste. Plus on marquait les esprits par des images, moins, l’Amérique était obligée de faire la guerre. Le soft power avant l’heure…

Et puis Tom Cruise avait notre âge à l’époque. Il avait brillé dans pas mal de films et marquait l’arrivée d’une nouvelle génération d’acteurs américains, plus prêt-à-porter et à date de péremption rapide, contrairement aux monstres sacrés qu’étaient De Niro, Al Pacino, Marion Brando, stars devenues vieillissantes, mais éternelles stars…

Tous les jeunes voulaient acheter des motos, s’habiller en vestons bombardier et essayer de draguer des blondes peroxydées au bar du Pacifico, Boulevard Montparnasse . Presque personne n’y est arrivé. N’est pas Tom Cruise qui veut…

Bref, les héros ne sont pas vraiment ceux que l’on croit. Tom Cruise nous décevra plus tard, quand on apprendra qu’il était affilié à la secte de la scientologie, cette « religion » inventée par un déluré du nom de Tom Hubbard, qui avait tenté de convertir un certain nombre de marocains à Tanger en 1972, avant qu’on ne lui demanda d’aller chercher des adeptes ailleurs, sinon il allait finir ses jours du côté du donjon de Bab Laalou, à Rabat…

On avait rien contre la religion de Tom Cruise, car chacun est libre de choisir sa croyance, mais de là, à demander aux adeptes de reverser une bonne partie de ses revenus à l’église de scientologie, c’est too much. Faut pas pousser non plus. Déjà que nos fakihs et autres prêtres ont du mal à nous ramener dans les églises et les mosquées et gratuitement en plus...! 

Toutefois beaucoup de gens ont opté pour la scientologie par le simple fait que Tom Cruise, était un de ses grands prêtres. Depuis, ils le regrettent, même si John Travolta en fait partie aussi…

Alors que reste-t-il de ce rêve américain de domination, trente six ans après l’opus de TopGun de 1986 ?
Tom Cruise a fini par vieillir, avec des poches comme des chouaris sous les yeux. Kyllie Mc Gillis ressemble à grand-mère Louisette et a été zapée de cette nouvelle version du film de guerre. Le jeunisme ambiant est passé par là…

On veut bien accepter des vieux et des vielles dans les films, mais à condition d’être tirés chirurgicalement parlant, botoxés à mort, les dentiers bien vissés à la mâchoire. Pas de place aux vieux et aux vielles qui assument leur âge. A l’heure d’Instagram, pas de pitié pour les vieux ou les vielles, sans masques, ou non photoshopés…

Mais en une génération, le monde a bien changé. L’union soviétique a fini par exploser. Ses états satellites, situés derrière le rideau de fer, ont fini par rejoindre l’OTAN et le bloc de l’ouest, sauf la pauvre Ukraine et quelques autres micro-états, qui ont été rappelés à l’ordre, de manière tragique, par la complexe militaro-industriel russe.

L’Amérique a fini par devenir hégémonique et à entreprendre ce qu’elle évitait de faire auparavant : envahir des pays pour y installer la démocratie. Elle finit par ressembler aux soviétiques de la belle époque de la guerre froide…

Et à la place de la démocratie et de la dictature, elle installa des « démocratures », ces pays où on vote pour un candidat unique à 99,9999 %, et quand d’autres candidats veulent se présenter aux élections, ils finissent par disparaître mystérieusement, avant même de présenter leurs candidatures ou de sortir de chez eux. Pas de place à la contestation.

Bref, cette fois-ci, le politiquement correct empêche les scénaristes de Hollywood de nommer l’ennemi en face, par son nom. Dans le TopGun 1986, l’ennemi, c’était clairement l’union soviétique. Dans le TopGun 2022, l’ennemi est un état cherchant à posséder l’arme atomique pour attaquer l’Amérique ou ses amis. Tout le monde sait qu’il n’existe que deux états dans cet état, sur terre : la Corée du Nord et l’Iran. Mais comme le monde actuel est incertain et hyper changeant, les ennemis d’aujourd’hui peuvent devenir les alliés de demain. On n’insulte pas l’avenir, même à Hollywood. Surtout que les amis d’hier, Poutine et XiPing sont devenus des ennemis aujourd’hui. Et la Corée du Nord risque de normaliser ses relations avec l’Amérique depuis la visite de Trump et il y’a de fortes de chances que l’Iran suive le même chemin, malgré l’opposition d’Israël et de l’Arabie Saoudite.

Cette dernière risquant même de devenir l’ennemie de demain, si « Jo La Tronçonneuse », prince héritier de cet état, finit par perdre la tête, en s’alliant à Poutine, à la place de l’Amérique…

ReBref, cette fois-ci, Tom Maverick devient instructeur pour un groupe de gamins pilotes embarqués dans une nouvelle mission de destruction massive, mais finit par prendre la mouche et revenir aux devants de la scène pour démontrer que ce n’est pas parce qu’il est vieux, qu’il ne peut plus faire des loopings et prendre des mega G, en faisant faire des galipettes à des chasseurs F-18 sophistiqués.

La morale de ce nouvel opus de TopGun : Si vous n’avez rien à faire de votre dimanche, allez voir ce film à CineAtlas ou au Megarama. Ça se laisse voir gentiment et si vous êtes de ma génération et ayant vécu les soubresauts du monde durant ces trente dernières années, vous vous direz : cause toujours Tom ! on ne l’a fait pas à un vieux ou à une vielle comme moi ! 
Quant à vos enfants, laissez-les sur Instagram et TikTok. Le monde a certes changé depuis 1986, les illusions aussi…

Rédigé par Rachid Boufous


Mardi 13 Septembre 2022