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Tremblement de terre dans l’indexation de l’information : quand le GEO bouscule le SEO


Rédigé par La rédaction le Mardi 23 Décembre 2025



Le code rouge est déclenché dans les rédactions numériques.

Tremblement de terre dans l’indexation de l’information : quand le GEO bouscule le SEO
Depuis quelques mois, un séisme silencieux traverse l’écosystème de l’information en ligne : les règles historiques de l’indexation par les moteurs de recherche vacillent. Pendant deux décennies, le SEO — Search Engine Optimization — a dicté ses lois, ses recettes et parfois ses dérives. Désormais, un nouveau paradigme s’impose : le GEO, pour Generative Engine Optimization. Autrement dit, ne plus seulement être bien classé par Google, mais être cité, repris, synthétisé par les intelligences artificielles génératives qui répondent directement aux internautes.

Le changement est profond. Avec la montée en puissance des moteurs conversationnels et des assistants IA, l’accès à l’information se fait de plus en plus sans clic. L’utilisateur pose une question, l’IA répond. Elle ne renvoie plus systématiquement vers une liste de liens, mais produit un texte synthétique, nourri de multiples sources. Pour les médias, l’enjeu n’est plus seulement d’apparaître en première page, mais d’exister dans la “mémoire” de ces modèles. Être invisible pour l’IA, c’est risquer de disparaître du paysage informationnel, même avec un site bien référencé au sens classique.

Ce basculement redéfinit les priorités éditoriales. Le GEO valorise la crédibilité, la clarté, la structuration et l’autorité perçue des contenus. Les articles creux, optimisés à coups de mots-clés mais pauvres en substance, deviennent inutiles. À l’inverse, les enquêtes solides, les analyses sourcées et les contenus originaux ont plus de chances d’être repris par les IA. Sur le papier, la promesse est séduisante : un retour à la qualité, après des années de course au clic et au volume.

Mais cette transition soulève de lourdes inquiétudes. D’abord, l’opacité. Les critères exacts qui poussent une IA à citer un média plutôt qu’un autre restent largement inconnus. Contrairement au SEO, déjà complexe mais partiellement documenté, le GEO fonctionne dans une boîte noire algorithmique. Les rédactions avancent à tâtons, testent, observent, sans garantie de stabilité. Une modification du modèle, une mise à jour, et tout peut s’effondrer du jour au lendemain.

Ensuite, le risque de manipulation. Si être cité par une IA devient un levier stratégique majeur, la tentation sera grande d’optimiser les contenus non plus pour informer, mais pour séduire l’algorithme. Des acteurs peu scrupuleux pourraient inonder le web de contenus calibrés pour influencer les réponses générées, brouillant la frontière entre information, communication et propagande. Le danger est réel : une IA mal alimentée ou orientée peut amplifier des biais, des récits partiaux, voire des fausses informations, avec une puissance de diffusion inédite.

Enfin, la dépendance économique inquiète. Beaucoup de portails d’information vivent de la publicité, elle-même liée au trafic. Or, si l’IA répond sans renvoyer vers les sites sources, le modèle économique vacille. Être cité sans être cliqué, est-ce une reconnaissance ou une spoliation ? La question est ouverte. Certains y voient une vitrine, d’autres une captation de valeur, où l’IA profite du travail journalistique sans réelle contrepartie financière.

Face à ce bouleversement, une évidence s’impose : la régulation et la transparence ne sont plus des options. Les éditeurs doivent savoir comment leurs contenus sont utilisés, cités, résumés. Les mécanismes de rémunération, de traçabilité et de respect du droit d’auteur doivent évoluer. De leur côté, les rédactions sont appelées à repenser leurs pratiques, à renforcer l’éthique, la rigueur et la singularité de leurs productions.

Le GEO n’est pas qu’un nouvel acronyme à la mode. C’est un tournant stratégique pour l’information. Il peut être une chance de réhabiliter le journalisme de fond, ou un accélérateur de déséquilibres et de dépendances. Entre promesse technologique et zone grise démocratique, une chose est sûre : l’ère de l’indexation tranquille est révolue. Les rédactions sont désormais en première ligne, sommées de s’adapter sans perdre leur âme.
 




Mardi 23 Décembre 2025