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Trump à Londres : pour quel deal ?


Rédigé par le Vendredi 19 Septembre 2025

Les visites d’État sont rarement anodines. Elles charrient leur lot de symboles, de discours calibrés et de calculs froids. Celle de Donald Trump au Royaume-Uni n’a pas échappé à la règle. Au-delà des cérémonies protocolaires, cette séquence diplomatique révèle les fragilités britanniques, les ambitions électorales américaines et les tensions d’une relation dite « spéciale » qui, en vérité, repose sur un rapport de force asymétrique.



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Starmer face à Trump : diplomatie ou désillusion ?

Trump à Londres : pour quel deal ?
Jamais auparavant un président américain n’avait été invité deux fois pour une visite d’État officielle au Royaume-Uni. La décision, imposée par le gouvernement britannique et validée par la couronne, traduit une stratégie assumée : apaiser Trump et se positionner du bon côté de l’histoire, au cas où son retour à la Maison-Blanche deviendrait réalité. Mais cet honneur a un prix : il s’est accompagné de manifestations massives à Londres, de critiques virulentes dans la presse et d’une opinion publique britannique profondément divisée.

Keir Starmer, Premier ministre en difficulté, a vu dans cette visite une opportunité d’endosser le rôle d’homme d’État. Dans un contexte marqué par la montée de l’extrémisme, la crise migratoire et des dissensions internes au sein de son parti, Starmer espérait obtenir de Trump des accords concrets, notamment dans les secteurs technologique et industriel. L’enjeu était clair : transformer la relation transatlantique en atout politique intérieur. Mais la réalité est plus cruelle. Les analyses rappellent que la politique étrangère a rarement un impact déterminant sur la popularité domestique. La comparaison avec Emmanuel Macron, compétent mais perçu comme distant, souligne cette difficulté : l’image ne suffit pas, il faut des résultats tangibles.

La “relation spéciale” revisitée : Londres en position de faiblesse

Trump à Londres : pour quel deal ?
Derrière les accolades officielles, une autre réalité s’impose : le Royaume-Uni, isolé depuis le Brexit, a plus besoin de Washington que l’inverse. La guerre en Ukraine en est la preuve éclatante. L’Europe, encore incapable d’assumer seule une aide militaire conséquente, se retrouve dépendante des décisions américaines. Londres, qui aimait jadis se présenter comme un pont entre l’Europe et les États-Unis, doit désormais se contenter du rôle de partenaire secondaire. La fameuse « relation spéciale », incarnée autrefois par Thatcher et Reagan, ressemble de plus en plus à une fiction unilatérale.

La protection draconienne de Trump, évitant soigneusement les foules hostiles, illustre les limites de son image outre-Atlantique. Dans les rues, les slogans dénonçaient autant l’homme que la politique américaine. Dans les couloirs du pouvoir, les scandales — notamment ceux liés aux liens embarrassants de certaines figures britanniques — fragilisaient encore davantage un gouvernement en quête de crédibilité.

Autre sujet brûlant : l’immigration. Le Brexit avait été vendu comme une promesse de reprise de contrôle des frontières. La réalité, plus complexe, nourrit une anxiété culturelle et sociale que Trump n’a pas manqué d’exploiter dans ses déclarations. La polarisation de la société britannique, semblable à celle des États-Unis ou de la France, s’accentue. L’extrême droite, déjà en progression en Europe, trouve dans ces débats un terreau fertile.

La visite de Trump, censée renforcer le prestige britannique, a surtout mis en lumière ses vulnérabilités. Un pays qui doute de sa place en Europe, un Premier ministre qui peine à convaincre, et une opinion publique qui oscille entre méfiance et colère. L’avenir de cette relation dépendra moins des cérémonies diplomatiques que de la capacité du Royaume-Uni à proposer une vision claire de son rôle dans le monde post-Brexit.

À défaut, Londres continuera de courir après Washington, dans une dépendance assumée mais inconfortable. Et Trump, fidèle à lui-même, saura en tirer avantage.

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Mohamed Ait Bellahcen
Un ingénieur passionné par la technique, mordu de mécanique et avide d'une liberté que seuls l'auto... En savoir plus sur cet auteur
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