Un retour prudent, construit dans le cadre légal existant
Uber avait quitté le Maroc en 2018, freinée par un vide juridique et un conflit ouvert avec les taxis. L’annonce de sa reprise d’activités le 27 novembre 2025 marque un tournant, mais aussi une réorientation stratégique :
La plateforme n’opèrera désormais qu’avec des véhicules disposant d’une autorisation officielle, principalement issus de sociétés de transport touristique ou de location.
Cette approche lui permet d’éviter les zones grises du passé.
À ce stade, l’entreprise n’a communiqué ni chiffres sur sa flotte ni objectifs de croissance, ce qui confirme une stratégie de relance progressive, presque expérimentale.
Casablanca et Marrakech, deux villes où la demande en mobilité est structurellement forte, servent de premiers laboratoires.
Un timing qui s’inscrit dans la préparation de la CAN 2025
Le calendrier du retour n’est pas anodin.
À l’approche de la CAN 2025, le Maroc se prépare à accueillir un afflux massif de visiteurs, avec des villes hôtes déjà confrontées à des défis de déplacement quotidien.
Le déploiement d’une solution de réservation numérique apporte :
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une meilleure visibilité sur la disponibilité des véhicules,
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un service standardisé pour les touristes,
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une forme de régulation de la demande lors des pics,
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un complément à une offre classique souvent saturée.
Sans attendre une réforme complète des VTC, Uber mise donc sur le besoin immédiat de fluidité et de capacité supplémentaire.
Une offre limitée, mais adaptée aux usages urbains
Pour cette relance, Uber propose deux services :
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UberX, son offre standard,
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UberXL, destinée aux familles, groupes ou voyageurs avec bagages.
Selon plusieurs sources du secteur, des centaines de véhicules agréés seraient mobilisés, mais aucun chiffre officiel n’a été publié. Uber préfère pour l’instant tester l’accueil du marché avant d’envisager une extension.
L’entreprise souligne surtout son ambition : compléter l’offre existante sans entrer dans une confrontation directe.
Un cadre réglementaire encore à clarifier
L’un des points centraux reste la réglementation.
Le Ministère du Transport rappelle que seules les entreprises disposant d’autorisations formelles peuvent effectuer du transport de personnes via applications numériques.
À ce jour, le Maroc ne dispose toujours pas d’un statut spécifique pour les VTC, contrairement à certains pays africains ou européens. Cette absence de cadre dédié crée un espace d’incertitude :
– les taxis redoutent une concurrence indirecte,
– les opérateurs privés attendent une visibilité à long terme,
– les plateformes comme Uber doivent composer avec des règles partielles.
Le retour d’Uber remet donc la question sur la table et accélère le débat autour d’une modernisation globale des transports urbains.
Un marché sous tension mais en pleine évolution
Du côté des taxis traditionnels
L’arrivée d’un acteur international peut susciter des craintes de concurrence, surtout dans un contexte de revenus irréguliers et de charges élevées.
Certains représentants estiment que toute nouvelle plateforme doit être intégrée dans une régulation équitable pour éviter une pression supplémentaire sur le métier.
Du côté des usagers
La demande est forte : réservation sécurisée, confort, suivi numérique, transparence tarifaire.
Casablanca et Marrakech manquent régulièrement de capacité, en particulier aux heures de pointe ou lors d’événements touristiques.
Pour de nombreux citadins, Uber répond à une attente longue date.
Du côté de l’État
Le défi est d’assurer une modernisation inclusive.
L’objectif n’est pas de remplacer les taxis, mais d’organiser la coexistence entre les différents modes de transport, dans un cadre lisible et équitable.
Un révélateur : le Maroc avance vers une mobilité plus moderne
L’enjeu dépasse largement le retour d’Uber.
Il s’inscrit dans une dynamique plus large : celle d’un pays qui modernise ses infrastructures, accélère sa digitalisation et se prépare à accueillir des événements internationaux majeurs.
Le transport urbain évolue, porté par :
– une jeunesse connectée,
– la montée des services numériques,
– la volonté de renforcer l’attractivité des grandes villes,
– un marché où les attentes ne cessent d’augmenter.
Le Maroc ne rejette plus le modèle VTC ; il cherche à le réguler. Et c’est un tournant.
Uber revient au Maroc, mais en phase pilote.
L’entreprise s’adapte à un environnement sensible, où coexistent traditions, licences historiques et aspirations à la modernité.
Pour le Maroc, cette relance est un indicateur : la mobilité urbaine doit évoluer, se digitaliser, se diversifier et s’ouvrir, sans laisser de côté ceux qui en vivent depuis des générations.
À l’approche de la CAN 2025, le pays joue une partie importante : celle de sa capacité à offrir un transport fiable, moderne et équitable.
Le retour d’Uber n’est pas une finalité — c’est un signal de transformation, et un test grandeur nature pour la mobilité de demain.