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Un certificat pour être femme : la nouvelle règle de World Athletics


le Jeudi 4 Septembre 2025

Coup de tonnerre dans le monde de l’athlétisme, et plus largement dans le sport féminin. Depuis les Jeux olympiques de Paris, où le cas de la boxeuse algérienne Imane Khelif avait cristallisé les tensions, la question de la légitimité des athlètes à concourir dans la catégorie féminine ne cesse de faire débat. Son style, sa puissance, mais surtout les soupçons et la campagne de désinformation dont elle fut victime ont mis en lumière une problématique ancienne que beaucoup pensaient enterrée : celle des tests de féminité.



Par El Hassane Kamal, journaliste stagiaire à LODJ Média

Un certificat pour être femme : la nouvelle règle de World Athletics
World Athletics a récemment imposé une réforme qui bouleverse l’équilibre fragile entre équité sportive et respect des athlètes. Dès le 1er septembre, toutes les concurrentes voulant s’aligner en catégorie féminine doivent passer un test génétique, destiné à détecter la présence du gène SRY, associé au chromosome Y. Présentée comme une mesure simple, à effectuer une fois dans la carrière, cette obligation n’a pourtant rien d’anodin.

Derrière l’argument officiel de « protéger l’intégrité du sport féminin » se cache une réalité bien plus complexe. Des championnes olympiques, comme Nafi Thiam, ont exprimé leur malaise face à une décision qu’elles jugent injustifiée, tandis que des figures non binaires, comme Nikki Hiltz, dénoncent un dangereux précédent qui détourne l’attention des véritables problèmes du sport, tels que le dopage ou la violence des entraîneurs.

Les critiques scientifiques viennent renforcer ce scepticisme. Depuis longtemps, la communauté médicale souligne que la détermination du sexe biologique n’est pas une équation binaire. Chromosomes, gonades, hormones et caractères secondaires dessinent une mosaïque bien plus nuancée qu’une simple recherche de gène.

Le professeur Andrew Sinclair, à l’origine de la découverte du gène SRY, lui-même rappelle que l’existence de femmes XY remet en cause cette logique simpliste. Autrement dit, réduire la féminité sportive à un marqueur génétique, c’est ignorer la complexité du vivant.

À cela s’ajoute une question éthique. Car demander aux femmes de prouver leur féminité, c’est les placer dans une position de suspectes permanentes. Aucune discipline n’impose aux hommes un tel contrôle, preuve d’un traitement asymétrique où la virilité est présumée naturelle et incontestable, tandis que la féminité reste sous surveillance. Dans l’histoire du sport, cette suspicion n’a jamais cessé de planer.

Depuis les années 60 déjà, des athlètes aux physiques jugés « trop masculins » étaient pointées du doigt, et des tests humiliants, parfois gynécologiques, ont été imposés avant d’être abandonnés en 1996. Leur retour aujourd’hui apparaît comme une régression, une boîte de Pandore que l’on croyait refermée.

Le cas d’Imane Khelif illustre ce malaise à grande échelle. Née et élevée comme femme, elle se voit aujourd’hui contrainte de justifier ce que sa vie a toujours incarné. Son recours auprès du Tribunal arbitral du sport contre les décisions de World Boxing ouvre une bataille juridique qui pourrait faire jurisprudence. Derrière son combat se joue en réalité celui de toutes les athlètes concernées par ces mesures, qu’elles soient intersexes, hyperandrogènes ou transgenres.

La promesse d’équité, qui devrait être au cœur du sport, s’accompagne donc d’un paradoxe : en voulant protéger la catégorie féminine, on risque de l’enfermer dans des définitions étroites, excluantes et discriminantes. Le public féminin, loin de se sentir défendu, y voit une remise en cause de sa dignité.

Car au-delà des chiffres et des chromosomes, il s’agit avant tout de reconnaître que la féminité n’est pas un certificat médical, mais une réalité humaine que le sport devrait embrasser dans toute sa diversité.

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Jeudi 4 Septembre 2025