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Un coup d’éclat thérapeutique : la thérapie CRISPR qui coupe le « mauvais » cholestérol en deux


Une petite piqûre et des décennies de traitement pourraient s’en trouver bouleversées. C’est le message qui a émergé début novembre 2025 des premiers résultats d’un essai humain utilisant une thérapie par édition génétique (CRISPR) visant à désactiver un gène hépatique (ANGPTL3) lié aux taux de LDL et de triglycérides. Chez plusieurs participants, les niveaux de « mauvais » cholestérol ont chuté d’environ 50 %, une prouesse qui ouvre la porte à l’idée d’un traitement unique pour réduire fortement le risque cardiovasculaire.



De quoi parle-t-on précisément ?

Un coup d’éclat thérapeutique : la thérapie CRISPR qui coupe le « mauvais » cholestérol en deux
L’étude : une Phase I de petite taille a administré une thérapie unique par perfusion visant le foie. L’approche emploie un outil d’édition génétique (CRISPR) pour neutraliser l’expression de l’ANGPTL3, une protéine qui module le métabolisme des lipides.

Résultat : chez les patients traités, les taux de LDL et de triglycérides se sont effondrés rapidement et se sont maintenus pendant au moins plusieurs semaines de suivi. Les chercheurs décrivent ces premiers résultats comme une « preuve de concept » que l’on peut traiter une condition fréquente et diffuse l’hypercholestérolémie par une intervention one-shot plutôt que par un traitement à vie.

Pourquoi c’est une révolution potentielle

Si ces résultats se confirment à plus large échelle et sur le long terme, nous serions face à un changement de paradigme : remplacer des années de statines, d’injections ou d’adhérence médicamenteuse parfois médiocre par une thérapie qui réduit durablement le facteur de risque le plus important des maladies cardiaques.

En pratique, cela pourrait réduire les infarctus, les AVC et la mortalité liée aux maladies cardiovasculaires autrement dit, impacter directement la première cause de décès à l’échelle planétaire. Les auteurs de l’étude et des experts indépendants soulignent cependant que la prudence est de mise : sécurité, effets à long terme et accessibilité restent des questions majeures.

Les signaux positifs… et les garde-fous nécessaires

Les premiers essais montrent un profil d’efficacité impressionnant, mais le tableau n’est pas exempt de zones d’ombre. L’essai était de petite taille (quinze patients environ) et le suivi demeure court. Quelques effets indésirables bénins ont été observés ; un décès a été signalé chez un participant porteur de comorbidités sévères sans lien direct établi à la thérapie, mais suffisant pour rappeler que la sécurité doit rester la priorité.

Les promoteurs du projet prévoient des essais de phase II plus larges et un suivi prolongé jusqu’à des années pour détecter des risques rares mais graves, comme des effets hors-cible de l’édition ou des réactions immunitaires différées.

Et pour le Maroc ? Un espoir réel, des obstacles concrets

Cette découverte tombe dans un contexte où les maladies cardiovasculaires pèsent lourdement sur la santé publique marocaine : des milliers de morts chaque année sont associées aux maladies cardiaques et aux accidents vasculaires cérébraux, et les facteurs de risque (hypertension, obésité, diabète, hypercholestérolémie) restent très répandus.

L’arrivée potentielle d’un traitement unique et durable pourrait transformer la prise en charge, réduire les hospitalisations et alléger le coût économique de ces pathologies.

Mais la traduction clinique d’un essai international vers le terrain marocain suppose plusieurs conditions : infrastructures spécialisées, capacités réglementaires, formation des équipes et réflexion sur le financement et l’accès.

Coûts, régulation et équité : les vraies questions politiques

Même si la science progresse, l’accès est un autre combat. Les thérapies géniques coûtent aujourd’hui des centaines de milliers de dollars par patient dans les pays riches; un modèle économiquement impossible à transposer tel quel dans de nombreux pays.

Pour que le Maroc (ou tout autre pays à revenu moyen) bénéficie d’une telle avancée, il faudra penser mécanismes de financement innovants, partenariats publics-privés, et stratégies de fabrication/licensing local pour réduire les coûts. Sur le plan réglementaire, les autorités sanitaires devront aussi établir des cadres pour évaluer la sécurité à long terme et encadrer l’usage clinique. Enfin, la formation d’équipes capables d’administrer et de suivre ces patients est indispensable.

Vers quel horizon ?

Les industriels et les équipes de recherche annoncent déjà l’ouverture de phases II en 2026, visant des cohortes plus larges et un suivi multiannuel. Si les résultats de sécurité et d’efficacité se confirment, on peut envisager une autorisation conditionnelle dans les années suivantes pour des patients à très haut risque cardiovasculaire puis une extension progressive.

Mais plusieurs obstacles réglementaires, éthiques et économiques devront d’abord être franchis. En attendant, la découverte recentre l’attention sur la prévention : dépistage, contrôle des facteurs de risque, promotion de modes de vie sains et accès aux traitements éprouvés restent essentiels.

Entre enthousiasme et prudence responsable

La thérapie CRISPR visant à abaisser drastiquement le LDL et les triglycérides est l’une des percées médicales les plus prometteuses de 2025. Elle incarne l’espoir d’un monde où le risque cardiovasculaire se traiterait en une seule intervention, mais rappelle aussi que les promesses scientifiques nécessitent un long chemin de validation et d’implémentation équitable.

Pour le Maroc, pays où le fardeau cardiovasculaire est élevé, cette piste thérapeutique est une lueur d’espoir à condition qu’elle s’inscrive dans une stratégie globale mêlant innovation, régulation, prévention et solidarité d’accès.

Sources principales :

  • Reuters : compte-rendu de l’essai CRISPR et résultats initiaux.
  • Wired / New England Journal of Medicine mention (résumé et contexte clinique).
  • Cleveland Clinic : communiqué sur l’essai first-in-human et suivi.
  • Données mondiales et nationales sur le poids des maladies cardiovasculaires (World Heart Federation / WHO).
  • Communiqués d’entreprise et notes de suivi sur la planification des phases (mise à jour des sociétés biotech).

Jeudi 13 Novembre 2025



Rédigé par Salma Chmanti Houari le Jeudi 13 Novembre 2025