Longtemps prisonniers d’un idéal viril fondé sur le silence et le contrôle, les hommes marocains commencent, timidement, à lever le voile sur leurs fragilités psychologiques. Mais le chemin vers une reconnaissance pleine et entière de leur souffrance reste semé d’obstacles culturels, sociaux et institutionnels.
La scène se déroule dans une salle d’attente à Casablanca. Un homme d’une cinquantaine d’années attend son tour pour consulter un psychologue. Il regarde autour de lui, mal à l’aise. Les magazines sur la table basse parlent d’enfance, de maternité, de burn-out féminin. Rien qui semble le concerner. Quand vient son tour, il murmure à la secrétaire : « S’il vous plaît, ne dites à personne que je suis venu. »
Ce témoignage, rapporté par une psychologue clinicienne, illustre une réalité souvent ignorée : les hommes marocains vont mal. Et ils en parlent peu.
Derrière le masque viril, une souffrance tue
Au Maroc, selon les données du ministère de la Santé, les troubles anxieux et dépressifs touchent près d’un adulte sur cinq. Mais dans les consultations psychiatriques, les femmes sont majoritaires. Pourquoi ? Parce que les hommes consultent bien trop tard – souvent quand la souffrance a déjà débordé : addictions, violences, isolement, burn-out, voire tentatives de suicide.
Pour Khalid, 42 ans, employé de bureau, « parler à un psy, c’est comme avouer qu’on est faible. Et un homme ne doit pas être faible. »
Ce diktat de la virilité, hérité d’une éducation patriarcale et d’un modèle social hypernormé, fait des ravages invisibles. Être un homme, c’est “tenir bon”, “ne pas se plaindre”, “gérer tout seul”. Résultat : une détresse psychologique étouffée qui finit par se retourner contre soi… ou contre les autres.
Une santé mentale en périphérie du système
Dans le système de santé publique marocain, la santé mentale est le parent pauvre. Le nombre de psychiatres est dramatiquement bas (environ 450 pour tout le pays), les psychologues cliniciens peu reconnus, et la prise en charge de la souffrance émotionnelle masculine quasi inexistante. Aucune campagne ciblée n'encourage les hommes à consulter. Rien, dans les centres de santé, ne leur est spécifiquement destiné.
Et pourtant, les signaux d’alerte sont bien là. Dans les prisons, dans les commissariats, dans les accidents de la route ou dans les violences conjugales – autant de manifestations possibles d’une souffrance non traitée.
Le rôle des pères, des frères, des amis : une solidarité à réinventer
Il y a aussi, dans la culture marocaine, des modèles masculins positifs. Le grand frère protecteur. Le père sage. L’ami de toujours. Ces figures peuvent devenir les relais d’une parole nouvelle : celle de la vulnérabilité assumée.
Des initiatives commencent à émerger : cercles de parole pour hommes à Marrakech, podcasts masculins à Casablanca, groupes WhatsApp anonymes à Tanger. Ces espaces, souvent discrets, permettent de parler sans jugement de la pression sociale, du divorce, de la solitude, de la dépression.
Mais ces bulles restent marginales. Il faut aller plus loin.
Déconstruire pour reconstruire : repenser la masculinité
Accepter qu’un homme puisse être triste, fatigué, dépassé, ce n’est pas l’affaiblir. C’est lui rendre son humanité.
Dans les écoles, les mosquées, les stades de foot, à la télévision, il faut introduire une nouvelle narration de la masculinité. Une masculinité compatible avec l’écoute, l’introspection, la thérapie. Une masculinité qui n’a pas peur de dire : « J’ai besoin d’aide ».
Des campagnes comme “Mon Soutien Psy” en France peuvent inspirer un dispositif marocain. Pourquoi ne pas lancer une campagne intitulée “Rajel, ma3ndekch 3ib ila tlabt l3awn” (Un homme, ce n’est pas une honte de demander de l’aide) ? Avec des ambassadeurs masculins : artistes, sportifs, religieux.
Conclusion : la révolution silencieuse commence avec une phrase
Un homme marocain qui dit « je ne vais pas bien » accomplit un acte révolutionnaire. Il rompt une chaîne de silence héritée de générations. Il ouvre un chemin, non seulement pour lui, mais aussi pour ses fils.
Car parler n’est pas un aveu de faiblesse. C’est une preuve de force.
La scène se déroule dans une salle d’attente à Casablanca. Un homme d’une cinquantaine d’années attend son tour pour consulter un psychologue. Il regarde autour de lui, mal à l’aise. Les magazines sur la table basse parlent d’enfance, de maternité, de burn-out féminin. Rien qui semble le concerner. Quand vient son tour, il murmure à la secrétaire : « S’il vous plaît, ne dites à personne que je suis venu. »
Ce témoignage, rapporté par une psychologue clinicienne, illustre une réalité souvent ignorée : les hommes marocains vont mal. Et ils en parlent peu.
Derrière le masque viril, une souffrance tue
Au Maroc, selon les données du ministère de la Santé, les troubles anxieux et dépressifs touchent près d’un adulte sur cinq. Mais dans les consultations psychiatriques, les femmes sont majoritaires. Pourquoi ? Parce que les hommes consultent bien trop tard – souvent quand la souffrance a déjà débordé : addictions, violences, isolement, burn-out, voire tentatives de suicide.
Pour Khalid, 42 ans, employé de bureau, « parler à un psy, c’est comme avouer qu’on est faible. Et un homme ne doit pas être faible. »
Ce diktat de la virilité, hérité d’une éducation patriarcale et d’un modèle social hypernormé, fait des ravages invisibles. Être un homme, c’est “tenir bon”, “ne pas se plaindre”, “gérer tout seul”. Résultat : une détresse psychologique étouffée qui finit par se retourner contre soi… ou contre les autres.
Une santé mentale en périphérie du système
Dans le système de santé publique marocain, la santé mentale est le parent pauvre. Le nombre de psychiatres est dramatiquement bas (environ 450 pour tout le pays), les psychologues cliniciens peu reconnus, et la prise en charge de la souffrance émotionnelle masculine quasi inexistante. Aucune campagne ciblée n'encourage les hommes à consulter. Rien, dans les centres de santé, ne leur est spécifiquement destiné.
Et pourtant, les signaux d’alerte sont bien là. Dans les prisons, dans les commissariats, dans les accidents de la route ou dans les violences conjugales – autant de manifestations possibles d’une souffrance non traitée.
Le rôle des pères, des frères, des amis : une solidarité à réinventer
Il y a aussi, dans la culture marocaine, des modèles masculins positifs. Le grand frère protecteur. Le père sage. L’ami de toujours. Ces figures peuvent devenir les relais d’une parole nouvelle : celle de la vulnérabilité assumée.
Des initiatives commencent à émerger : cercles de parole pour hommes à Marrakech, podcasts masculins à Casablanca, groupes WhatsApp anonymes à Tanger. Ces espaces, souvent discrets, permettent de parler sans jugement de la pression sociale, du divorce, de la solitude, de la dépression.
Mais ces bulles restent marginales. Il faut aller plus loin.
Déconstruire pour reconstruire : repenser la masculinité
Accepter qu’un homme puisse être triste, fatigué, dépassé, ce n’est pas l’affaiblir. C’est lui rendre son humanité.
Dans les écoles, les mosquées, les stades de foot, à la télévision, il faut introduire une nouvelle narration de la masculinité. Une masculinité compatible avec l’écoute, l’introspection, la thérapie. Une masculinité qui n’a pas peur de dire : « J’ai besoin d’aide ».
Des campagnes comme “Mon Soutien Psy” en France peuvent inspirer un dispositif marocain. Pourquoi ne pas lancer une campagne intitulée “Rajel, ma3ndekch 3ib ila tlabt l3awn” (Un homme, ce n’est pas une honte de demander de l’aide) ? Avec des ambassadeurs masculins : artistes, sportifs, religieux.
Conclusion : la révolution silencieuse commence avec une phrase
Un homme marocain qui dit « je ne vais pas bien » accomplit un acte révolutionnaire. Il rompt une chaîne de silence héritée de générations. Il ouvre un chemin, non seulement pour lui, mais aussi pour ses fils.
Car parler n’est pas un aveu de faiblesse. C’est une preuve de force.