L'ODJ Média

Une somme humaine ou le triste écoulement de la vie


Rédigé par Rédaction le Dimanche 25 Décembre 2022

Une somme humaine est un roman de makanzy Orcel publié le 17 août 2022 aux éditions rivages. Où l’être humain n’est qu’un pion dans la terrible mécanique d’une modernité moribonde. La somme humaine décrite dans le livre n’a pas de valeur ni d’éthique elle est dévalorisé et ridiculisé et la palette qui décrit les personnages est noire, sombre. L’héroïne est comme une fleur atteinte par la gelée au moment où elle éclot, son oncle est violeur, ses géniteurs sont égoïste, méchant, insignifiant. Le discours est noir, mélancolique, le ton est tragique. L’héroïne est donc actrice, spectatrice, et musicienne de son histoire traumatique.



Par Zineb MARJOUF Doctorante et enseignante de français

Une somme humaine ou le triste écoulement de la vie
Un roman très long qui comprend 621 pages son écriture est poétique, intense et sombre. Une humeur noire qui ne donne aucun espoir, on aurait bien voulu que le livre montre que malgré toutes les difficultés qu’avait connu l’héroïne elle a pu les combattre ou aller chercher un ailleurs meilleur ou partir dans une quête identitaire ou tout simplement laisser la fin ouverte au lieu de choisir la mort et le suicide où l’errance constitue l’unique pied de dance. Cette façon d'écrire dans un flux de pensée ininterrompu tout en servant le récit peut presque étouffer le lecteur, ou rendre sa lecture difficile. Car le rythme est effréné, de virgules en points de suspension, il faut parfois lever la tête pour reprendre son souffle. 
 
Mais la poésie du texte ne s'arrête jamais, qu'elle soit désespérée, ironique, ou crue. La voix de femme, juste et forte, nous raconte son histoire après son suicide dans le métro parisien. Parce qu'en nous quittant, elle déclare qu'à partir de la mort tout recommencera". C'est une histoire ordinaire d'une femme ordinaire malchanceuse, mais cette histoire est très vite devenue populaire. Elle fuit à Paris pour ses études qu'elle abandonne rapidement, galère en faisant du slam puis rencontre Orcel. un double positif de l'auteur qui sera tué dans les attentats du Bataclan. Elle tombe alors sous l'emprise de Makenzy le double négatif.  Qui la trompe, la méprise et l'humilie jusqu'à fuir le jour du mariage.

L'auteur a adopté le point de vue féminin avec une vraie sensibilité qui nous laisse présumer de son empathie pour l'humanité toute entière. Il fait défiler la vie de cette femme qui, dans sa quête éperdue de l'amour qu'elle n'a jamais connu, dans sa volonté de repousser l'agression dont elle a été victime, fait les mauvais choix et se laisse maltraiter par la vie.

Le triste écoulement de sa vie, courant mêlé à l'écheveau de tous ces destins anonymes formant le fleuve tumultueux et boueux de la condition humaine. Après l'ombre animale et vieille le sort d'une Haïtienne noire, inscrit dans celui, non moins terrible, de son pays, nous voilà cette fois aspirés dans le siphon qui mena une jeune Française au suicide.

Qu'a donc de si particulier et de si représentatif le parcours anonyme d'une jeune femme jetée par le désespoir sous un métro parisien ? Ombre parmi les ombres, disparue sans laisser de traces après une existence quelconque, c'est précisément sa banalité qui la rend universelle, incarnation d'une multitude silencieuse dont elle devient le spectral emblème par le truchement de l'écrivain. À travers elle, insignifiante poussière extraite le temps de son récit de la myriade de ses semblables, se laisse appréhender le bien noir « somme humaine » de ces innombrables et misérables destins.

Elle y rencontre les deux visages de l'amour, rendus génériques, comme les deux faces possibles de la relation des hommes aux femmes, par les prénoms Orcel et Makenzy que l'auteur prête à ses personnages. Le lumineux Orcel, réfugié malien tué dans l'attaque du Bataclan, a à peine le temps de la réconcilier avec elle-même que sa mort la laisse à nouveau déchirée et pantelante. Dans son errance affective, elle tombe sous l'emprise du pervers narcissique Makenzy, qui achève de la transformer en loque humaine désespérée.

Le murmure de cette voix d'outre-tombe se répand en une phrase unique, sans majuscule ni point, marquant par là son inscription dans un écoulement plus global : celui de la vie, se dévidant sans fin de génération en génération, chacune transmettant comme elle peut son fardeau à la suivante. Car la souffrance de la narratrice ne lui appartient pas : elle s'est nourri de celle de ses parents avant elle, leur cruauté et leur lâcheté elles-mêmes induites par la médiocrité de leur parcours, à la merci de plus malfaisants encore.

La voix de l’héroïne nous parvient depuis l’outre-tombe.

Le roman se termine sur une lettre écrite à ses deux moi comme nous laisse entendre ce passage : « J’avais lu quelques part que plein de chose se remettent en ordre dans sa tête quand on écrit à soi-même, à son enfance ou à la personne qu’on sera plus tard, apparemment ça nous permet de prendre du recul, de s’échapper d’une souffrance psychologique de quitter la tempête qui nous dévaste pour approcher en nous des horizons plus au moins stable.

Mes chères Moi, je vous écris à vous deux en même temps, car il est question ici de rassembler dans un espace poétique, vivant la petite fille que j’étais et l’adulte que je suis aujourd’hui…. » P. 619

Personnellement, j’aurais bien voulu que la fin d'histoire soit heureuse et donne de l’espoir et dire finalement que tout ce qui ne tue pas peut renforcer dans la vie.

Mais malheureusement, l’héroïne n’a pas pu trouver la force. Comme témoigné ses mots : « Je regrette de n’avoir pas pu trouver assez de force en moi pour me relever …. À partir de la mort, tout commence. » P. 622

Le triste écoulement de la vie.


Zineb MARJOUF




Dimanche 25 Décembre 2022