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Universités marocaines et écoles de management étrangères : vers une souveraineté académique


Rédigé par La rédaction le Lundi 29 Septembre 2025

Par Dr Az-Eddine Bennani

Le Maroc est à un tournant décisif de son histoire académique. L’enseignement supérieur, censé préparer les générations futures à relever les défis du numérique, de l’intelligence artificielle et de la transition énergétique, reste trop souvent dépendant de modèles importés. La multiplication des écoles de management étrangères au Maroc en est le symbole le plus visible.



Une dépendance cognitive préoccupante

Universités marocaines et écoles de management étrangères : vers une souveraineté académique
Ces établissements offrent un label prestigieux, mais leur logique demeure essentiellement commerciale. Ils captent un marché solvable sans véritablement contribuer à la souveraineté académique du pays. Les contenus pédagogiques, élaborés ailleurs, répondent davantage aux normes internationales qu’aux besoins stratégiques du Maroc.
Cette dépendance met en péril notre capacité à produire du savoir enraciné dans nos réalités. Une université marocaine digne de ce nom doit devenir productrice de connaissances stratégiques, et non simple consommatrice de savoirs étrangers.

Fracture sociale et territoriale:

Au lieu de réduire les inégalités, ces écoles aggravent la fracture sociale et territoriale. Réservées à une élite capable de payer des frais élevés, elles concentrent les ressources dans les grandes métropoles. Les régions intérieures – Khouribga, Béni Mellal, Taza, Safi – demeurent exclues des grands investissements académiques.

La création de nouveaux pôles universitaires à Rabat, Casablanca, Fès et Tanger est donc une priorité, comme l’a souligné le Pr Redouane Mrabet dans une interview récente. Il a également insisté sur la nécessité de développer des instituts supérieurs spécialisés et des universités polytechniques, tout en rééquilibrant la carte universitaire vers les provinces moins favorisées.

​Gouvernance et scénarios à l’horizon 2030

Le Pr Redouane Mrabet a mis en avant deux défis majeurs : la gouvernance universitaire et le financement, en insistant sur la capacité du système à s’adapter dans un monde incertain. Il propose trois scénarios pour 2030 :

- un scénario optimiste où la transformation réussit,
- un scénario pessimiste marqué par la stagnation,
- un scénario intermédiaire avec une progression lente et inégale.

Gouvernance : ma vision des profils hybrides.

Sur ce point, ma lecture prolonge celle de mon collègue : le Maroc souffre d’un déficit de leadership académique enraciné dans le réel. La direction des grandes écoles est souvent confiée soit à des profils purement académiques, soit à des importations de modèles étrangers.
J’appelle à promouvoir des profils hybrides, à la fois enracinés dans la recherche et connectés aux réalités économiques et sociétales marocaines.

Ma proposition : une feuille de route claire (2026–2030)

Pour dépasser ces scénarios et entrer dans l’action, je propose une trajectoire ambitieuse :
- 2026 : mise en place d’un Schéma Directeur Territorial de l’Enseignement Supérieur (SDTES), création de fonds thématiques (IA, climat, souveraineté industrielle), généralisation de l’alternance, cloud académique souverain.
- 2027–2028 : ouverture d’instituts supérieurs spécialisés et doctorats appliqués en partenariat avec les entreprises (CIFRE marocaines).
- 2029–2030 : évaluation indépendante des universités, financement lié à la performance et impact territorial, extension des partenariats africains.

​Message clé : souveraineté académique

Le Maroc doit produire son savoir au lieu de l’acheter. Les écoles de management étrangères ne sont légitimes que si elles acceptent la symétrie, la co-gouvernance et l’intégration aux priorités nationales.
C’est ainsi que nous construirons une université souveraine, inclusive et ouverte sur le monde, mais enracinée dans nos valeurs, nos besoins et notre culture sans oublier le rôle que doivent jouer les écoles de management étrangères, non pas en concurrents ou en prédateurs, mais en partenaires responsables, engagés dans le transfert de savoir et l’adaptation aux réalités marocaines et africaines.

Par Dr Az-Eddine Bennani




Lundi 29 Septembre 2025