Un climat qui brûle : la nouvelle normalité
L’été 2025 a été l’un des plus chauds jamais enregistrés au Maroc. Dans certaines provinces du Sud, les températures ont dépassé les 47°C, forçant les autorités à émettre des alertes rouges prolongées. À Marrakech, Agadir, Beni Mellal ou encore Fès, les habitants parlent d’un “été sans fin”, où même les nuits tournent autour de 35°C.
Selon la Direction générale de la météorologie, ces épisodes devraient se multiplier et s’intensifier d’ici 2050, conséquence directe du réchauffement climatique mondial. Le Maroc, avec son climat semi-aride et son relief contrasté, est particulièrement vulnérable à ces extrêmes.
Mais ce qui inquiète le plus, ce ne sont pas seulement les chiffres. Ce sont les corps qui flanchent. Les hôpitaux signalent une hausse des admissions pour déshydratation, coups de chaleur, crises cardiaques et aggravation des maladies chroniques. Les plus touchés : les personnes âgées, les nourrissons, les travailleurs en plein air et les habitants des zones défavorisées, où la climatisation reste un luxe.
“Le problème n’est pas seulement la température, c’est l’inégalité face à la chaleur”, explique un médecin urgentiste de Casablanca. “Certains peuvent se réfugier dans des espaces climatisés, d’autres subissent la chaleur jour et nuit, sans répit ni protection.”
Des villes étouffées et des campagnes vulnérables
Dans les grandes villes marocaines, la chaleur est amplifiée par le phénomène d’îlot de chaleur urbain. Les surfaces bétonnées absorbent et retiennent la chaleur, tandis que le manque d’espaces verts aggrave la situation. Casablanca ou Rabat, par exemple, peuvent afficher des températures jusqu’à 6°C supérieures à leurs zones rurales voisines.
Les autorités locales commencent à s’en préoccuper. Certaines municipalités testent la plantation d’arbres, la peinture réfléchissante sur les toits ou des “îlots de fraîcheur” publics. Mais ces efforts restent fragmentaires, souvent symboliques face à l’ampleur du problème.
Dans les campagnes, le défi est tout autre. Les épisodes de chaleur assèchent les sols, épuisent les ressources hydriques et mettent en péril la sécurité alimentaire. Les agriculteurs, déjà fragilisés par plusieurs années de sécheresse, voient leurs récoltes se réduire, leurs troupeaux souffrir et leurs revenus chuter.
“Avant, on avait chaud, mais on savait que la nuit allait rafraîchir. Aujourd’hui, la chaleur ne s’arrête plus”, confie Ahmed, éleveur à Tata. “Même les chèvres tombent malades. Et l’eau devient rare.”
Cette pression climatique accentue l’exode rural, pousse des familles entières vers les villes déjà saturées, créant un cercle vicieux où les vulnérabilités s’accumulent : pauvreté, promiscuité, manque d’accès aux soins et aux infrastructures.
Entre adaptation et prévention : un nouveau chantier national
Le Maroc a déjà inscrit la santé climatique dans sa Stratégie nationale pour le développement durable. Plusieurs plans régionaux d’adaptation sont en cours, notamment pour renforcer la résilience du système de santé face aux canicules. Parmi les mesures envisagées : l’amélioration de la surveillance épidémiologique, la formation du personnel médical aux urgences liées à la chaleur, la sensibilisation du public et la création de cartes de vulnérabilité climatique par région.
Mais la réalité reste têtue. Peu de Marocains savent réellement comment se protéger pendant une canicule. Beaucoup continuent de sortir aux heures les plus chaudes, de jeûner malgré les avertissements médicaux ou de négliger l’hydratation. Les campagnes de sensibilisation, souvent concentrées dans les grandes villes, peinent à atteindre les zones rurales ou les populations analphabètes.
“Nous devons parler autrement de la chaleur”, estime une chercheuse en santé environnementale à Rabat. “Ce n’est plus seulement un inconfort. C’est une menace sanitaire, surtout pour les plus fragiles.”
Certaines initiatives citoyennes émergent pourtant : associations distribuant de l’eau dans les quartiers populaires, écoles aménageant les horaires pendant les périodes de chaleur, entreprises repensant les conditions de travail extérieures. Des gestes simples, mais essentiels pour limiter les drames silencieux.
Le défi de demain : faire de la chaleur un enjeu collectif
L’avenir du Maroc passera inévitablement par une nouvelle culture du climat. Celle où la chaleur n’est plus subie, mais anticipée. Où chaque ville, chaque village, adapte son mode de vie, son urbanisme et sa politique de santé à cette réalité.
Les solutions existent : végétalisation urbaine, matériaux réfléchissants, architecture adaptée, horaires de travail modulés, réseaux de solidarité communautaire… Encore faut-il une volonté politique forte et une prise de conscience partagée.
Le Maroc a déjà montré qu’il pouvait être pionnier en matière d’énergies renouvelables et d’écologie. Le prochain grand pas pourrait être de faire de la protection contre la chaleur une priorité nationale. Parce que la chaleur, demain, ne sera plus seulement une question de météo. Ce sera une question de survie.