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​Classe moyenne en danger : Pourquoi elle n’a pas profité de la croissance ?


Rédigé par La Rédaction le Lundi 24 Février 2025

Une croissance inégale qui exclut la classe moyenne
Pression économique, fiscalité et inflation : les nouveaux pièges du déclassement
Quelles solutions pour sauver la classe moyenne marocaine ?



Une pression économique accrue

​Classe moyenne en danger : Pourquoi elle n’a pas profité de la croissance ?
Si le niveau de vie des ménages marocains s’est globalement amélioré entre 2014 et 2022, une catégorie sociale semble avoir été laissée pour compte : la classe moyenne. Coincée entre une frange plus pauvre bénéficiant de filets sociaux et une élite économique plus résiliente, la classe moyenne marocaine voit son niveau de vie stagner et ses perspectives d’ascension sociale s’éroder. Comment expliquer cette situation ? Quels en sont les impacts et les pistes de solutions ?
Un enrichissement global… mais inégal

Selon les données de l’enquête nationale du Haut-Commissariat au Plan (HCP), la dépense annuelle moyenne par ménage a augmenté de 76 317 DH en 2014 à 83 713 DH en 2022, ce qui, ramené aux prix constants, correspond à une croissance moyenne de 1,1% par an. Toutefois, cette moyenne masque d’importantes disparités.

Entre 2014 et 2022, le niveau de vie des 20% les plus pauvres a progressé de 1,1% par an, grâce notamment aux politiques de redistribution ciblées. Dans le même temps, les 20% les plus riches ont vu leur niveau de vie croître de 1,4% par an, portés par des opportunités économiques et la hausse des actifs financiers. En revanche, la classe moyenne, qui constitue l’épine dorsale de l’économie nationale, n’a connu qu’une progression de 0,8% par an, bien inférieure aux autres catégories.

Pire encore, entre 2019 et 2022, période marquée par la pandémie de Covid-19 et ses effets économiques, le niveau de vie de la classe moyenne a chuté de -4,3%, une baisse plus sévère que celle des plus riches (-1,7%) et presque aussi forte que celle des plus pauvres (-4,6%).

L’une des explications majeures de cette stagnation réside dans l’augmentation des dépenses contraintes. L’enquête révèle que la part des dépenses alimentaires dans le budget des ménages est passée de 37% en 2014 à 38,2% en 2022, tandis que les dépenses de logement et d’énergie ont bondi de 23% à 25,4%. Ces hausses se sont faites au détriment des dépenses de loisirs et culture, qui ont chuté de 1,9% à 0,5%, illustrant une perte de pouvoir d’achat et une réallocation des ressources vers les besoins essentiels.

De plus, les revenus salariaux, principale source de revenus de la classe moyenne (35% du revenu total des ménages), n’ont pas suivi le rythme de l’inflation, accentuant ainsi l’érosion du pouvoir d’achat. Cette situation contraste avec les revenus des ménages les plus aisés, souvent diversifiés et incluant des rentes foncières ou des investissements financiers plus résilients face aux crises.

Contrairement aux populations les plus vulnérables, qui bénéficient de programmes d’aides directes et d’assistance sociale, la classe moyenne ne fait l’objet d’aucune politique de soutien spécifique. Pourtant, elle joue un rôle fondamental dans la consommation intérieure et la dynamique économique du pays.

L’indice de Gini, qui mesure les inégalités, a progressé de 39,5% en 2014 à 40,5% en 2022, confirmant un creusement des écarts de richesse. Cette détérioration sociale expose une frange croissante de la classe moyenne au risque de déclassement, c’est-à-dire de basculement vers une situation de précarité économique.

Quelles solutions pour préserver la classe moyenne ?

Face à ce constat préoccupant, plusieurs pistes d’actions peuvent être envisagées :
 
  • Réduction de la pression fiscale : L’adoption d’une fiscalité plus favorable aux classes moyennes, notamment par des allègements sur l’impôt sur le revenu et la TVA sur les produits de base, pourrait atténuer l’impact de l’inflation.
  • Soutien au pouvoir d’achat : L’indexation des salaires à l’inflation, combinée à des subventions ciblées pour les dépenses essentielles (logement, éducation, santé), permettrait de stabiliser le niveau de vie des ménages.
  • Encouragement de l’épargne et de l’investissement : Développer des mécanismes incitatifs pour l’épargne et l’investissement des classes moyennes (fonds de pension attractifs, facilités d’accès au crédit immobilier) contribuerait à renforcer leur résilience économique.
  • Développement de services publics accessibles : L’amélioration de l’offre de services publics (éducation, santé, transport) permettrait de réduire le coût de la vie et de garantir à la classe moyenne un accès équitable aux opportunités sociales.
  • Encouragement de l’entrepreneuriat : Des dispositifs de financement et d’accompagnement pour les entrepreneurs issus de la classe moyenne offriraient de nouvelles perspectives économiques et renforceraient l’indépendance financière de cette frange de la population.
L’avenir de la classe moyenne marocaine est aujourd’hui en péril. Alors qu’elle constitue le socle de la stabilité économique et sociale, elle peine à tirer profit des dynamiques de croissance et reste vulnérable aux crises économiques. Si des mesures structurelles ne sont pas rapidement mises en place, le Maroc risque de voir sa classe moyenne s’éroder, avec des conséquences majeures sur la consommation, l’investissement et la cohésion sociale.

Article publié dans L'Eco Business du 14 février 2025


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Lundi 24 Février 2025