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Par Sanaa Eddiry
Le Maroc n’a jamais compté autant de jeunes instruits, créatifs et dynamiques. Des milliers d’entre eux sortent chaque année des universités, lancent des projets, s’impliquent dans la vie associative, innovent dans le numérique, s’intéressent aux enjeux environnementaux ou culturels, et cherchent à contribuer activement au développement de leur pays. Cette jeunesse représente un véritable levier de transformation nationale.
L’État ne l’ignore pas : ces dernières années, des dispositifs comme “Forsa”, “Intilaka” ou “Awrach” ont été mis en place afin d’accompagner les jeunes vers l’emploi, l’entrepreneuriat ou l’activité associative. En 2023, Forsa a permis le financement de près de 10 000 projets. Intilaka, pour sa part, a facilité l’octroi de plus de 28 000 prêts à de jeunes porteurs d’idées. Awrach, quant à lui, a généré plus de 100 000 emplois temporaires. Ces programmes témoignent d’une volonté politique de mobiliser les jeunes et de répondre à leurs aspirations.
Cette dynamique a également été portée au plus haut niveau de l’État. Dans son discours du 29 juillet 2023, Sa Majesté le Roi Mohammed VI rappelait avec insistance que le développement du Maroc ne saurait se faire sans la pleine mobilisation de sa jeunesse. Il exprimait ainsi l’ambition d’un pays qui souhaite avancer avec ses forces vives. Pourtant, sur le terrain, la réalité est moins éclatante. Elle révèle un profond désenchantement parmi cette même jeunesse, dont les attentes ne semblent que partiellement satisfaites.
Les chiffres du Haut-Commissariat au Plan sont édifiants. Près de 73 % des jeunes âgés de 18 à 35 ans estiment que leur avenir est obscur. Plus de deux tiers d’entre eux, soit 68 %, se disent déçus par l’évolution économique et sociale du pays. Le taux de chômage dans cette tranche d’âge, notamment en milieu urbain, atteint 32,7 % selon les dernières données.
À cela s’ajoute un autre indicateur alarmant : plus de 62 % des jeunes envisagent sérieusement d’émigrer s’ils en avaient la possibilité. Ce désenchantement n’est pas dû à un manque de volonté ou de motivation. Il est le produit d’un écart grandissant entre les promesses institutionnelles et les expériences concrètes. Nombreux sont les jeunes diplômés qui peinent à s’insérer sur le marché du travail, à obtenir un crédit pour monter un projet, ou simplement à croire qu’ils ont leur chance dans un système marqué par l’opacité, le favoritisme et l’immobilisme.
En tant qu’enseignante intervenant régulièrement à la Faculté des Sciences au Maroc, tout en partageant mon temps entre la France et le Royaume, je perçois cette perte progressive de confiance. Les étudiants, souvent brillants et pleins d’énergie, arrivent en première année avec des rêves et des projets. Mais au fil du temps, leur enthousiasme se heurte à la difficulté d’obtenir un stage, à l’incertitude de trouver un emploi correspondant à leur profil, ou à l’absence d’une orientation claire. Le discours sur la méritocratie et l’entrepreneuriat reste séduisant, mais il ne suffit plus à entretenir l’espoir. Beaucoup de jeunes n’envisagent plus leur avenir ici, non par rejet de leur pays, mais par fatigue d’attendre un changement qui tarde à venir.
Il serait injuste de dire que rien n’a été fait. Les programmes d’accompagnement ont le mérite d’exister et de poser des jalons. Toutefois, leurs limites sont vite atteintes. Les bénéficiaires dénoncent souvent la complexité administrative, le manque de transparence dans les critères de sélection, l’insuffisance du suivi ou encore l’absence d’un accompagnement de qualité.
À cela s’ajoutent des besoins fondamentaux — en formation adaptée, en soutien psychologique, en logement, en mobilité — qui demeurent marginalisés dans les politiques publiques. Ce déficit d’approche globale aggrave le sentiment de frustration et freine l’engagement, même chez ceux qui auraient la volonté de contribuer positivement.
Les effets de ce malaise sont perceptibles dans la société. Une jeunesse qui n’a pas confiance dans l’avenir consomme peu, investit peu et se projette difficilement. Cela a des répercussions directes sur l’économie nationale, sur la vitalité de la démocratie, et sur la cohésion sociale. La jeunesse marocaine, loin de rejeter l’effort ou la responsabilité, réclame des signes concrets de reconnaissance. Elle ne demande pas des privilèges, mais des preuves tangibles que le système fonctionne de manière équitable et transparente.
L’urgence est aujourd’hui de reconstruire un pacte de confiance entre l’État et sa jeunesse. Cela suppose une politique transversale ambitieuse, centrée sur la valorisation des compétences, l’inclusion économique et sociale, la participation à la décision publique, et la reconnaissance du mérite comme moteur de l’ascension sociale. Il faut repenser les rapports entre l’école, l’entreprise, les collectivités territoriales et les jeunes eux-mêmes, afin de créer un écosystème propice à l’épanouissement de tous les talents.
Investir dans la jeunesse n’est pas un luxe. C’est un impératif stratégique. Le Maroc a besoin de sa jeunesse, non comme spectatrice, mais comme actrice de son avenir. C’est à cette condition que le pays pourra relever les défis à venir et continuer à croire en sa propre promesse.
L’État ne l’ignore pas : ces dernières années, des dispositifs comme “Forsa”, “Intilaka” ou “Awrach” ont été mis en place afin d’accompagner les jeunes vers l’emploi, l’entrepreneuriat ou l’activité associative. En 2023, Forsa a permis le financement de près de 10 000 projets. Intilaka, pour sa part, a facilité l’octroi de plus de 28 000 prêts à de jeunes porteurs d’idées. Awrach, quant à lui, a généré plus de 100 000 emplois temporaires. Ces programmes témoignent d’une volonté politique de mobiliser les jeunes et de répondre à leurs aspirations.
Cette dynamique a également été portée au plus haut niveau de l’État. Dans son discours du 29 juillet 2023, Sa Majesté le Roi Mohammed VI rappelait avec insistance que le développement du Maroc ne saurait se faire sans la pleine mobilisation de sa jeunesse. Il exprimait ainsi l’ambition d’un pays qui souhaite avancer avec ses forces vives. Pourtant, sur le terrain, la réalité est moins éclatante. Elle révèle un profond désenchantement parmi cette même jeunesse, dont les attentes ne semblent que partiellement satisfaites.
Les chiffres du Haut-Commissariat au Plan sont édifiants. Près de 73 % des jeunes âgés de 18 à 35 ans estiment que leur avenir est obscur. Plus de deux tiers d’entre eux, soit 68 %, se disent déçus par l’évolution économique et sociale du pays. Le taux de chômage dans cette tranche d’âge, notamment en milieu urbain, atteint 32,7 % selon les dernières données.
À cela s’ajoute un autre indicateur alarmant : plus de 62 % des jeunes envisagent sérieusement d’émigrer s’ils en avaient la possibilité. Ce désenchantement n’est pas dû à un manque de volonté ou de motivation. Il est le produit d’un écart grandissant entre les promesses institutionnelles et les expériences concrètes. Nombreux sont les jeunes diplômés qui peinent à s’insérer sur le marché du travail, à obtenir un crédit pour monter un projet, ou simplement à croire qu’ils ont leur chance dans un système marqué par l’opacité, le favoritisme et l’immobilisme.
En tant qu’enseignante intervenant régulièrement à la Faculté des Sciences au Maroc, tout en partageant mon temps entre la France et le Royaume, je perçois cette perte progressive de confiance. Les étudiants, souvent brillants et pleins d’énergie, arrivent en première année avec des rêves et des projets. Mais au fil du temps, leur enthousiasme se heurte à la difficulté d’obtenir un stage, à l’incertitude de trouver un emploi correspondant à leur profil, ou à l’absence d’une orientation claire. Le discours sur la méritocratie et l’entrepreneuriat reste séduisant, mais il ne suffit plus à entretenir l’espoir. Beaucoup de jeunes n’envisagent plus leur avenir ici, non par rejet de leur pays, mais par fatigue d’attendre un changement qui tarde à venir.
Il serait injuste de dire que rien n’a été fait. Les programmes d’accompagnement ont le mérite d’exister et de poser des jalons. Toutefois, leurs limites sont vite atteintes. Les bénéficiaires dénoncent souvent la complexité administrative, le manque de transparence dans les critères de sélection, l’insuffisance du suivi ou encore l’absence d’un accompagnement de qualité.
À cela s’ajoutent des besoins fondamentaux — en formation adaptée, en soutien psychologique, en logement, en mobilité — qui demeurent marginalisés dans les politiques publiques. Ce déficit d’approche globale aggrave le sentiment de frustration et freine l’engagement, même chez ceux qui auraient la volonté de contribuer positivement.
Les effets de ce malaise sont perceptibles dans la société. Une jeunesse qui n’a pas confiance dans l’avenir consomme peu, investit peu et se projette difficilement. Cela a des répercussions directes sur l’économie nationale, sur la vitalité de la démocratie, et sur la cohésion sociale. La jeunesse marocaine, loin de rejeter l’effort ou la responsabilité, réclame des signes concrets de reconnaissance. Elle ne demande pas des privilèges, mais des preuves tangibles que le système fonctionne de manière équitable et transparente.
L’urgence est aujourd’hui de reconstruire un pacte de confiance entre l’État et sa jeunesse. Cela suppose une politique transversale ambitieuse, centrée sur la valorisation des compétences, l’inclusion économique et sociale, la participation à la décision publique, et la reconnaissance du mérite comme moteur de l’ascension sociale. Il faut repenser les rapports entre l’école, l’entreprise, les collectivités territoriales et les jeunes eux-mêmes, afin de créer un écosystème propice à l’épanouissement de tous les talents.
Investir dans la jeunesse n’est pas un luxe. C’est un impératif stratégique. Le Maroc a besoin de sa jeunesse, non comme spectatrice, mais comme actrice de son avenir. C’est à cette condition que le pays pourra relever les défis à venir et continuer à croire en sa propre promesse.