Par Dr Anwar Cherkaoui
« Sois comme le palmier, élevé au-dessus des rancunes, qu’on lapide, mais qui s’obstine a n’offrir que des fruits. »
Dans un quartier populaire de Casablanca vit "Lalla Zouhra", femme au visage parcheminé par le temps, silhouette discrète au pas alerte, mère de quatre enfants et veuve depuis deux décennies.
Chaque matin, avant que l’aube ne se dissipe, elle s’installe près de la grande mosquée, étalant son pain traditionnel, ses « msemmens » et ses galettes de semoule encore fumantes.
Certains, prompts à juger, ont susurré dans son dos que ses mains crevassées n'étaient que le signe d'une misère inavouée.
Ils ont dit qu’elle n’avait rien, qu’elle vivait d’aumônes, que ses fils, bons à rien, pesaient sur la société.
Elle n’a jamais répondu. Pas un mot. Juste un sourire tranquille, presque lumineux, accompagné de cette phrase qu’elle répétait comme une prière : « La subsistance vient de Dieu, et le cœur, s’il est pur, attire la bénédiction. »
Les années ont passé comme passent les saisons.
Les enfants de "Lalla Zouhra" ont grandi dans la dignité silencieuse de leur mère.
L’un est devenu médecin à Tanger, l’autre enseignant à l’université.
Les deux filles, elles, ont fondé une coopérative féminine de pâtisseries marocaines, en hommage aux gestes maternels qui les avaient nourries.
Et lorsque, curieux, on demandait à Lalla Zouhra le secret de sa patience, elle répondait, le regard calme :
« Je suis comme le palmier. On m’a jeté des pierres, et j’ai offert des dattes. »
À Fès, une autre histoire. Celle de "Si Abdelhaq", employé discret dans une petite annexe administrative.
Parce qu’il refusa de courber l’échine devant un réseau de corruption, on le désigna comme coupable d’un détournement.
Suspendu de ses fonctions, raillé, déconsidéré, il devint le souffre-douleur du service.
Mais il ne cria pas, ne protesta pas.
Il continua, comme à son habitude, de se rendre à la mosquée, de saluer poliment ses collègues, même ceux qui l’avaient trahi.
Et un jour, comme les nuages cèdent à la lumière, la vérité fut révélée.
Non seulement il était innocent, mais il avait été le seul à refuser la compromission.
Le gouverneur lui-même le réintégra avec honneurs, et un journal local titra :
« Un homme debout parmi les corrompus. »
Lorsqu’on l’interrogea, "Si Abdelhaq" répondit simplement :
« Mon père m’a appris à être un palmier : ni les vents ni les insultes ne doivent me faire plier. Je ne frappe jamais ceux qui me blessent. »
Dans un village reculé des montagnes de l’Atlas, vit « Amti Tamo », une vieille sage femme.
Des générations de femmes sont venues à elle, pliées par les douleurs de l’enfantement. Jamais elle ne réclama un sou.
Quelques ignorants, redoutant ses remèdes à base d’herbes et ses prières murmurées, la traitèrent de sorcière.
Ils la maudirent, l’intimidèrent.
Mais chaque fois qu’un bébé naissait,
Tamo était là, rayonnante, chantant doucement pour le nouveau-né, lavant la mère à l’eau tiède.
Et lorsque l’un de ses détracteurs tomba malade, ce fut elle, la première, qui arriva, panier d’herbes à la main, henné et potions dans l’autre.
Quand on lui demanda pourquoi elle soignait ceux qui l’avaient insultée, elle répondit, d’une voix lente comme le vent d’altitude :
« Je ne cultive pas la haine. Je suis un palmier. Plus on me jette des pierres, plus je tends mes fruits vers le ciel. »
Ces récits sont inspirés d’histoires vrais.
Ce sont des fragments de ce Maroc multiple, où l’on trouve autant de rudesse que de noblesse, autant de pierres que de fruits.
Le palmier nous l’a appris, dans son silence majestueux et son élévation constante, que la dignité n’a pas besoin de cris, et que la générosité n’attend pas les applaudissements.
Et dans ce peuple aux mille douleurs et mille vertus, il est encore des hommes et des femmes qui marchent, discrets, sur la trace des prophètes : au-dessus des rancunes, au-delà des humiliations, portant des fruits malgré les blessures.
Dans un quartier populaire de Casablanca vit "Lalla Zouhra", femme au visage parcheminé par le temps, silhouette discrète au pas alerte, mère de quatre enfants et veuve depuis deux décennies.
Chaque matin, avant que l’aube ne se dissipe, elle s’installe près de la grande mosquée, étalant son pain traditionnel, ses « msemmens » et ses galettes de semoule encore fumantes.
Certains, prompts à juger, ont susurré dans son dos que ses mains crevassées n'étaient que le signe d'une misère inavouée.
Ils ont dit qu’elle n’avait rien, qu’elle vivait d’aumônes, que ses fils, bons à rien, pesaient sur la société.
Elle n’a jamais répondu. Pas un mot. Juste un sourire tranquille, presque lumineux, accompagné de cette phrase qu’elle répétait comme une prière : « La subsistance vient de Dieu, et le cœur, s’il est pur, attire la bénédiction. »
Les années ont passé comme passent les saisons.
Les enfants de "Lalla Zouhra" ont grandi dans la dignité silencieuse de leur mère.
L’un est devenu médecin à Tanger, l’autre enseignant à l’université.
Les deux filles, elles, ont fondé une coopérative féminine de pâtisseries marocaines, en hommage aux gestes maternels qui les avaient nourries.
Et lorsque, curieux, on demandait à Lalla Zouhra le secret de sa patience, elle répondait, le regard calme :
« Je suis comme le palmier. On m’a jeté des pierres, et j’ai offert des dattes. »
À Fès, une autre histoire. Celle de "Si Abdelhaq", employé discret dans une petite annexe administrative.
Parce qu’il refusa de courber l’échine devant un réseau de corruption, on le désigna comme coupable d’un détournement.
Suspendu de ses fonctions, raillé, déconsidéré, il devint le souffre-douleur du service.
Mais il ne cria pas, ne protesta pas.
Il continua, comme à son habitude, de se rendre à la mosquée, de saluer poliment ses collègues, même ceux qui l’avaient trahi.
Et un jour, comme les nuages cèdent à la lumière, la vérité fut révélée.
Non seulement il était innocent, mais il avait été le seul à refuser la compromission.
Le gouverneur lui-même le réintégra avec honneurs, et un journal local titra :
« Un homme debout parmi les corrompus. »
Lorsqu’on l’interrogea, "Si Abdelhaq" répondit simplement :
« Mon père m’a appris à être un palmier : ni les vents ni les insultes ne doivent me faire plier. Je ne frappe jamais ceux qui me blessent. »
Dans un village reculé des montagnes de l’Atlas, vit « Amti Tamo », une vieille sage femme.
Des générations de femmes sont venues à elle, pliées par les douleurs de l’enfantement. Jamais elle ne réclama un sou.
Quelques ignorants, redoutant ses remèdes à base d’herbes et ses prières murmurées, la traitèrent de sorcière.
Ils la maudirent, l’intimidèrent.
Mais chaque fois qu’un bébé naissait,
Tamo était là, rayonnante, chantant doucement pour le nouveau-né, lavant la mère à l’eau tiède.
Et lorsque l’un de ses détracteurs tomba malade, ce fut elle, la première, qui arriva, panier d’herbes à la main, henné et potions dans l’autre.
Quand on lui demanda pourquoi elle soignait ceux qui l’avaient insultée, elle répondit, d’une voix lente comme le vent d’altitude :
« Je ne cultive pas la haine. Je suis un palmier. Plus on me jette des pierres, plus je tends mes fruits vers le ciel. »
Ces récits sont inspirés d’histoires vrais.
Ce sont des fragments de ce Maroc multiple, où l’on trouve autant de rudesse que de noblesse, autant de pierres que de fruits.
Le palmier nous l’a appris, dans son silence majestueux et son élévation constante, que la dignité n’a pas besoin de cris, et que la générosité n’attend pas les applaudissements.
Et dans ce peuple aux mille douleurs et mille vertus, il est encore des hommes et des femmes qui marchent, discrets, sur la trace des prophètes : au-dessus des rancunes, au-delà des humiliations, portant des fruits malgré les blessures.