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​Mois aprés mois, Chroniques d’une grossesse par les images échographiques




Par Dr BOUMEHDI Bounhir Médecin-Radiologue

​Mois aprés mois, Chroniques d’une grossesse par les images échographiques
Le matin était calme, baigné d’une lumière douce, lorsque j’accueillis dans mon cabinet une femme aux yeux brillants d’une promesse à naître.

Son ventre était encore plat, mais en lui palpitait déjà un univers en expansion. 

Moi, radiologue, je serais le guetteur de cet astre en gestation, scrutant à travers l’obscurité liquide de son utérus les premières vibrations de la vie.

 Mois 1 : L’ombre d’un futur 

L’échographie du premier mois était une plongée dans le néant. 
L’écran grésillait, l’utérus apparaissait comme un vaste territoire vierge, et puis, au creux, une tache minuscule, une poche gestationnelle, une promesse. 
Rien encore qui ressemble à un être humain. 
Juste une silhouette embryonnaire, un grain de poussière cosmique en suspension, prêt à éclater en constellation.

 Mois 2 : Une pulsation venue d’ailleurs 

Le deuxième mois, un clignotement. 
Minuscule, à peine perceptible. 
Un battement à 120, puis 150 pulsations par minute.
Un cœur. 
Un cœur avant même qu’un visage ne prenne forme.
J’imagine les mystiques d’autrefois qui auraient vu en cela une preuve de la divinité de la vie. 
Moi, médecin, je vois un miracle bien plus concret : la certitude que ce futur être est bien vivant, qu’il grandit, et qu’il sera.

 Mois 3 : L’éveil du golem 

Sur l’écran, des esquisses de bras, de jambes, et ce qui pourrait vaguement ressembler à une tête. 
Il n’a encore ni ossature ni traits humains bien définis.
Une créature d’eau et de lumière, comme un golem en formation. 
Il flotte dans le liquide amniotique, ondulant tel un petit poisson, sans conscience de l’immensité qui l’attend.

 Mois 4 : Les premiers secrets révélés 

C’est ici que la science rencontre la divination. 
« Voulez-vous savoir ? » demandai-je. 
La mère hocha la tête avec un mélange d’appréhension et d’impatience. 
Je tournai la sonde, scrutai l’entrejambe pixelisée. 
Un garçon. Ou une fille. 
Un destin fixé depuis les premières divisions cellulaires. 
Un prénom qui germera bientôt dans l’esprit de ses parents.

 Mois 5 : Une main qui s’agite 

Il bouge ! 
À l’écran, une main s’ouvre, puis se referme, comme si ce petit être tentait d’attraper un fragment du monde extérieur. 
Je souris. « Il vous salue », dis-je à la mère. 
Elle rit, incrédule. 
À ce stade, il commence déjà à entendre. 
Il perçoit la voix maternelle, les battements du cœur qui l’abritent, peut-être même la rumeur lointaine de l’univers.

 Mois 6 : Le visage du futur 

L’échographie morphologique est un instant sacré. 
L’image se précise. 
Un nez. Une bouche. Des paupières closes sur des songes encore sans forme.
J’imprime une photo. « Il a vos lèvres », murmure la mère, émue. 
Peut-être. Peut-être pas. Mais ce qui est certain, c’est que l’inconnu commence à devenir familier.

 Mois 7 : L’étoile devient planète 

Il n’est plus un être d’eau, mais un être de chair. 
Il occupe désormais tout l’espace de sa sphère utérine, et ses mouvements sont des vagues qui déforment la peau maternelle. 
Parfois, l’échographie nous montre un pied, un coude, un dos qui s’étire. 
L’enfant sait déjà qu’il devra bientôt quitter ce cocon.

 Mois 8 : L’attente devient pressante 

Le bébé est tourné, tête en bas, prêt pour l’ultime voyage. 
Ses poumons ne respirent pas encore, mais ils se préparent, s’entraînent, à avaler l’air du monde extérieur. 
Chaque échographie est un message codé de cet être qui frappe aux portes de la réalité. Il est là. Il attend.

 Mois 9 : Le seuil de la lumière 

Je pose la sonde, contemple l’image en silence. 
Il n’y a plus rien à voir. 
L’échographie ne peut plus rien raconter de neuf. 
Il est prêt. 

Dans quelques jours, il ne sera plus un fantôme d’ondes sonores, mais un corps, une voix, un cri dans l’air du matin.
« C’est le dernier cliché », dis-je à la mère en lui tendant l’image floue de son enfant encore à l’abri.
Elle la serre contre son cœur, comme si elle tenait déjà son bébé dans ses bras.

Je la regarde partir. 
Mon rôle est terminé. L’histoire, elle, ne fait que commencer.

Samedi 22 Février 2025



Rédigé par La Rédaction le Samedi 22 Février 2025