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​Quand on n’a rien à dire… en politique, on parle quand même.


Rédigé par le Vendredi 6 Juin 2025



Par Adnane Benchakroun – Chronique d’un citoyen lucide

​Quand on n’a rien à dire… en politique, on parle quand même.
Il fut un temps où les hommes politiques pesaient leurs mots comme des chirurgiens affûtent leurs instruments. Aujourd’hui, à l’ère des micros omniprésents et des caméras carnivores, le silence est devenu suspect, voire subversif. Alors on parle. On parle pour combler le vide. Pour ne pas laisser le champ libre à l’adversaire. Pour faire croire qu’on agit. Pour faire semblant d’exister.

Mais à force de parler pour ne rien dire, le langage politique s’est vidé de sa substance. Le mot est devenu un écran de fumée, une posture, un artifice. Les discours s’empilent, les promesses se répètent, les formules ronflantes s’enchaînent : "réformes structurelles", "soutien aux jeunes", "transition inclusive", "vision stratégique"... Mais derrière ces mots, rien ne bouge. Ou si peu.

Dans nos parlements, sur nos plateaux télévisés, dans nos campagnes électorales, la parole s’est transformée en rituel creux. Elle rassure ceux qui parlent, fatigue ceux qui écoutent, et fait fuir ceux qui espèrent encore comprendre.

Et pourtant, le silence pourrait être politique. Un ministre qui dit : « Je ne sais pas », un élu qui admet : « Je me tais car je n’ai pas encore bien étudié la chose », un chef de parti qui reconnaît : « Nous n’avons pas encore trouvé de solution »… Ces silences-là, s’ils existaient, auraient plus de puissance que mille discours standardisés.

Mais il y a un mal plus profond encore : parler pour éviter d’agir. On convoque des conférences, on publie des rapports, on annonce des projets-pilotes… mais rarement on tranche, on réforme, on dérange. Le verbe a remplacé le geste.

Dans le contexte marocain, où le citoyen réclame plus de clarté, plus de résultats, plus de justice, le silence n’est pas une absence — il peut devenir un espace de vérité. Un silence qui écoute les quartiers oubliés, les jeunes découragés, les ruraux marginalisés. Un silence qui précède l’action.

Mais à condition qu’il ne soit pas un refuge pour l’inaction. Car se taire quand il faut parler — face à l’injustice, à la corruption, à l’incompétence — c’est trahir le contrat démocratique.

Et si ce proverbe était une excuse ? Un prétexte pour les élites qui refusent d’assumer ? Le silence, parfois, est moins une sagesse qu’un confort. Et dans une démocratie en devenir, se taire, c’est aussi laisser les puissants parler seuls. Alors peut-être qu’il vaut mieux dire des choses imparfaites… que se murer dans un silence prudent.




Vendredi 6 Juin 2025