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​Ruralité, services publics et EEP : le défi de l’équité spatiale


le Jeudi 17 Juillet 2025



​Ruralité, services publics et EEP : le défi de l’équité spatiale
Loin des grands centres urbains, des millions de Marocains attendent encore l’accès à l’eau, à l’énergie, à la mobilité ou au numérique. Les entreprises et établissements publics (EEP) sont-ils prêts à relever ce défi de justice territoriale ?
Dans les provinces rurales, les montagnes, les zones semi-désertiques et les douars reculés, le développement se mesure souvent à des choses simples : avoir de l’eau au robinet, du courant électrique stable, un dispensaire à distance raisonnable, une route praticable, ou un point de connexion au monde numérique.

Pourtant, des milliers de Marocains vivent toujours dans un vide de services publics essentiels. Et dans ce désert d’infrastructures, les (EEP) sont à la fois le problème et la solution. Si leur mission originelle était de garantir un accès équitable aux biens et services fondamentaux, la réalité révèle de profondes inégalités spatiales.

​Un retard structurel dans les zones rurales

Dans certaines provinces, moins de 15 % de la population rurale a accès à un système d’assainissement structuré. L’électrification, bien qu’en progrès, reste marquée par des interruptions fréquentes et des coûts d’entretien élevés. Les transports publics intercommunaux sont inexistants dans de nombreuses zones enclavées, tandis que l’accès au haut débit internet demeure limité, malgré les ambitions affichées en matière de digitalisation.

Cette situation s’explique par des choix historiques d’investissement, où les zones à forte densité urbaine, industrielle ou touristique ont été prioritaires. Les régions rurales, souvent jugées “non rentables”, sont restées en marge des stratégies des EEP, faute d’objectifs chiffrés, de financement adapté ou de pression institutionnelle.

L’équité spatiale, nouveau critère de performance publique ?

La réforme actionnariale menée par l’Agence Nationale de Gestion Stratégique des Participations de l'Etat (ANGSPE) introduit une nouvelle logique : celle de la performance sociale et territoriale, qui dépasse les seuls indicateurs financiers. Concrètement, les EEP doivent intégrer des objectifs d’équité spatiale dans leurs plans d’investissement, tandis que le critère de rentabilité ne peut plus constituer l’unique boussole.

Des fonds de péréquation ou de compensation peuvent être mobilisés pour couvrir les surcoûts dans les zones reculées. Cela implique également une meilleure mesure des impacts territoriaux : création d’emplois locaux, réduction des inégalités d’accès aux services, effets induits sur l’économie rurale, entre autres.

​Des leviers à mobiliser

Pour relever le défi de la ruralité, plusieurs pistes peuvent être envisagées : la mise en place de contrats-programmes territorialisés entre l’État, les EEP et les conseils régionaux, des incitations fiscales et réglementaires pour encourager les projets d’utilité rurale, la priorisation des zones défavorisées dans les appels à projets publics, ainsi que la création de directions dédiées à L“équité territoriale”” au sein des grandes EEP, dotées d’un budget spécifique.

Certains établissements publics, comme l’L'Office National de l'Électricité et de l'Eau potable (ONEE) ou Barid Al-Maghrib, ont déjà développé des solutions adaptées telles que des mini-stations, des services mobiles et des agences itinérantes, mais ces innovations demeurent encore limitées en termes d’échelle et de couverture.

​Une question de légitimité nationale

Plus qu’un problème technique ou budgétaire, l’accès équitable aux services publics est une question de dignité, de cohésion nationale et de confiance citoyenne. Si l’État actionnaire veut être crédible, il doit démontrer que chaque territoire compte, même lorsqu’il n’est ni stratégique, ni rentable.

Cela implique une refonte des priorités, une modernisation des outils de pilotage, et une mobilisation politique claire. L’ANGSPE, en tant que nouvelle incarnation de l’État actionnaire, est attendue au tournant de la ruralité. Car c’est dans l’arrière-pays que se joue, en grande partie, la réussite ou l’échec du modèle public marocain.

Un impératif de justice spatiale

Réduire la fracture territoriale ne relève plus de la charité, mais de la stratégie. Les EEP, acteurs-clés de l’aménagement du territoire, doivent sortir de leur logique de centres urbains pour redevenir des instruments d’équité.

L’intégration explicite de l’équité spatiale dans la gouvernance actionnariale est une opportunité unique de refonder le pacte entre l’État, ses entreprises, et les citoyens des zones oubliées. Le développement du Maroc ne sera durable que s’il est partagé, jusque dans ses montagnes, ses vallées et ses campagnes.




Jeudi 17 Juillet 2025