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​Santé & éducation : pourquoi tant d’argent… si peu dépensé ?


Rédigé par La rédaction le Lundi 20 Octobre 2025

Les polémiques enflammées opposent budgets “de prestige” et budgets “sociaux”. Pourtant, l’obstacle majeur n’est pas l’enveloppe — elle augmente — mais la capacité à exécuter. Ministères sous-outillés, procédures lenteur, fragmentation des responsabilités : l’État promet, engage, puis n’arrive pas à dépenser utilement.



​Santé & éducation : pourquoi tant d’argent… si peu dépensé ?
Les chiffres sont têtus. Au 30 juin 2025, l’investissement éducation (8,2 MMDH) n’est exécuté qu’à 28 % ; l’investissement santé (9 MMDH), à 38 %

Les budgets de matériel (32 MMDH) et Dépenses diverses (7,7 MMDH) avancent à 51,6 % et 40,3 % respectivement

Dans la santé, le taux d’exécution est historiquement faible (autour de 50 % selon les exercices). Et le budget santé, qui représente ~6 % du budget général 2025 — loin du 12 % recommandé par l’OMS — n’est de toute façon pas intégralement utilisé

Le problème est structurel.

Pourquoi ? D’un côté, des processus d’achat publics encore tatillons, une ingénierie de projet insuffisante (maîtrise d’ouvrage, de la rédaction du besoin jusqu’au suivi de chantier), des capacités locales inégales (directions régionales débordées, peu d’ingénieurs, rotations de cadres). De l’autre, des chaînes logistiques qui bloquent (dispositifs médicaux, laboratoires, construction scolaire) et des appels d’offres mal calibrés, parfois déserts.

La tentation, dans le débat public, est de réclamer plus d’argent. Mais arroser une terre compacte ne crée pas de racines. On doit d’abord ameublir la gouvernance. Trois réformes de bon sens :

MOA déléguée systématique pour les chantiers > X millions : confier la réalisation technique à des agences spécialisées (publiques ou mixtes), avec SLA (niveaux de service) et bonus-malus. Le ministère fixe l’objectif, le délégué livre.

Cadres-projets territoriaux : chaque région dispose d’une cellule inter-ministérielle (santé/éducation/équipement) pilotant un pipeline de projets, avec plateforme numérique de suivi (jalons, coûts, retards, risques). La “traçabilité” rétablit la redevabilité.

Catalogue d’achats mutualisé : pour l’école et le soin, un référentiel de produits/services standardisés (architectures types, lots récurrents, maintenance), prix de référence revus trimestriellement. La standardisation accélère, la mutualisation économise.

Il faut aussi parler compétences. L’administration n’a pas à tout faire elle-même ; elle doit savoir faire faire. Passer d’une culture de processus à une culture de projets, où l’on accepte la délégation, mesure, corrige. L’évaluation ex-post doit devenir obligatoire : un Rapport d’achèvement par projet, public, qui documente délais, écarts de coûts, retours d’expérience, et enseigne au cycle suivant.

Politiquement, sortir de l’opposition stérile “stades vs hôpitaux” suppose d’éclairer le citoyen : oui, des lignes budgétaires existent pour le sport (500 MDH en 2024 ; 1,2-1,4 MMDH globales), mais elles n’expliquent pas la sous-exécution de la santé/éducation. Celle-ci procède d’une gouvernance défaillante — diagnostic que les chiffres confirment

Le vrai progrès ne viendra pas d’un déshabillage du sport au profit du social, mais d’une capacitation du social à dépenser vite et bien.




Lundi 20 Octobre 2025