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​Transport pubique… et si les "Taximen" étaient "Wlad Nass" ?


Rédigé par le Dimanche 6 Juillet 2025

Par les temps qui courent, rares sont les professions qui échappent à la vindicte populaire. Et parmi elles, les chauffeurs de taxi – petits rouges ou grands blancs – occupent sans conteste une place de choix. Accusés pêle-mêle de malpropreté, de mauvaise conduite, d’agressivité verbale ou d’absence de professionnalisme, les taximans marocains sont souvent pointés du doigt. Mais à force de les caricaturer, ne serions-nous pas passés à côté d’une vérité plus dérangeante ? Et s’il fallait, justement, leur rendre hommage ?



Les derniers défenseurs de notre pouvoir d’achat !

​Transport pubique… et si les "Taximen" étaient "Wlad Nass" ?
Car pendant que les opérateurs de bus urbains et de tramway à Rabat et Salé s’en donnent à cœur joie pour revoir à la hausse leurs tarifs, suscitant à juste titre une vague d’indignation populaire, les taximans, eux, n’ont pas bougé leurs compteurs d’un millimètre. Alors qu’ils auraient pu profiter de cette période de turbulence pour imposer un "ajustement tarifaire" — ce doux euphémisme économique — ils ont choisi, sciemment ou non, de ne pas en rajouter. Un geste silencieux, mais qui mérite d’être salué.

Moi usager régulier du tram ou du bus expérimente chaque matin : un service parfois chaotique, souvent bondé, et désormais plus cher. Une augmentation des prix qui touche de plein fouet les étudiants, les fonctionnaires et les travailleurs précaires — soit une immense majorité de la population urbaine. Et dans le même temps, aucune amélioration notable de la qualité des trajets : retards persistants, fréquence aléatoire, absence de climatisation, ou pannes récurrentes.

Le plus déroutant, c’est l’absence de justification claire. Aucune communication sérieuse, aucun effort pédagogique de la part des autorités locales ou des opérateurs concernés. Un coup de massue tarifaire infligé à ceux qui n’ont pas d’autre choix.
 

​Les taxis : petits véhicules, grande solidarité : Pendant que tout augmente… eux, n’augmentent rien

​Transport pubique… et si les "Taximen" étaient "Wlad Nass" ?
Et pendant ce temps, que font nos taximans ? Ils roulent. Par tous les temps. Ils encaissent les embouteillages, les contrôles, le prix du carburant, et parfois les clients désagréables. Mais ils ne gonflent pas leurs tarifs. Leur compteur, aussi vieux soit-il, reste fidèle au prix de base fixé il y a des années, souvent en décalage complet avec l’inflation galopante qui touche tout le pays.

Ce paradoxe mérite réflexion : ceux que l’on accuse chaque jour d’incivisme sont, dans les faits, ceux qui nous permettent encore de traverser la ville sans exploser notre budget. À l’inverse, les nouveaux venus du digital, les plateformes VTC pourtant plus propres, plus modernes et parfois plus polies, affichent des prix multipliés par deux, voire trois, même pour une course de cinq kilomètres.

Un exemple concret : une course en taxi rouge du centre de Rabat à Hay Riad vous coûtera environ 18 à 20 dirhams. Le même trajet, via une application VTC, dépasse souvent 45 dirhams, sans compter les majorations aux heures de pointe. Une place dans le tramway revient désormais à 7 ou 8 dirhams, mais avec un service bien moins personnalisé, plus lent, et un inconfort certain.

Faut-il encore croire que les taxis exagèrent ? Ou faut-il plutôt se demander comment ils survivent dans ces conditions économiques, sans subvention directe, sans soutien des pouvoirs publics, sans indexation dynamique sur le prix du carburant ?

Les taximans, souvent décrits comme désordonnés ou archaïques, résistent à leur manière à l’uberisation totale de la mobilité. Ils gardent un rapport humain, un contact direct, une flexibilité que les autres modes de transport ont sacrifiée sur l’autel de l’efficacité algorithmique. Et surtout, ils ont gardé le sens du juste prix. Celui qui permet à une mère célibataire, un retraité ou un étudiant de ne pas avoir à choisir entre rentrer chez lui ou manger à midi.

Ce n’est pas de la philanthropie. C’est peut-être même inconscient. Mais c’est un acte de justice sociale. Bien plus que ce que peuvent prétendre les politiques de transport public tarifé "au rendement", ou les applications mobiles aux frais opaques.

Nous devons avoir le courage de changer de narratif sur les taxis. Non, ils ne sont pas parfaits. Oui, il y a des brebis galeuses. Mais qui peut prétendre à la perfection dans ce pays, surtout quand il s’agit de services publics ? Plutôt que de les marginaliser ou de les concurrencer violemment, ne serait-il pas temps de les intégrer dans une politique urbaine digne de ce nom ?

Le Maroc parle beaucoup de transition écologique, de smart city, de durabilité. Mais aucune de ces ambitions ne sera réalisable sans une équité dans l’accès à la mobilité. Et à ce jour, ce sont encore les taximans qui assurent la continuité territoriale et la proximité sociale, bien plus que les lignes de tram au design futuriste mais aux trajets limités.

Arrêtons l’hypocrisie

Il est temps de reconnaître, enfin, le rôle stabilisateur que jouent les taxis dans notre quotidien urbain. Un rôle qu’aucun opérateur privé ou public ne peut encore remplacer à grande échelle. Un rôle qui mérite plus de respect, plus de soutien, et surtout moins de mépris.

Alors la prochaine fois que vous monterez dans un vieux taxi à Rabat ou à Salé, au lieu de râler sur la radio trop forte ou le siège défoncé, regardez plutôt le compteur. Et souvenez-vous que, malgré tout, vous ne paierez pas plus que l’année dernière. Et ça, c’est un petit miracle que bien d'autres secteurs devraient méditer.

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Mohamed Ait Bellahcen
Un ingénieur passionné par la technique, mordu de mécanique et avide d'une liberté que seuls l'auto... En savoir plus sur cet auteur
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