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Les scénaristes en grève d'Hollywood confrontés à l'ultime affront : la menace de l'IA


Rédigé par le Lundi 8 Mai 2023

Le conflit des scénaristes avec les studios et services de streaming est alimenté par une hypothèse jugée insultante: l'idée qu'une intelligence artificielle puisse bientôt les remplacer.



Le conflit exacerbé

Les scénaristes en grève d'Hollywood confrontés à l'ultime affront : la menace de l'IA
Malgré la grève des scénaristes d'Hollywood, principalement motivée par des revendications salariales, leur conflit avec les studios et les services de streaming est également alimenté par une hypothèse considérée comme insultante : la possibilité qu'une intelligence artificielle puisse prochainement prendre leur place.
 
Les programmes tels que ChatGPT, grâce à leur capacité à imiter la conversation humaine, ont récemment suscité des inquiétudes dans de nombreux secteurs d'activité.

Cette semaine, la Maison Blanche a convoqué les principaux acteurs de l'intelligence artificielle pour discuter des risques potentiels.
 
Quant aux grèves à Los Angeles, le sujet est au centre de toutes les préoccupations. Surtout après l'échec des négociations entre les dirigeants et la "Writers Guild of America" (WGA), le puissant syndicat représentant 11 500 auteurs de l'industrie audiovisuelle.
 
"L'art ne peut pas être créé par une machine", fustige Eric Heisserer, le scénariste du film "Bird Box", qui a fait un carton sur Netflix.
 
"On perd le cœur et l'âme de l'histoire... Le premier mot (d'"Artificial Intelligence"), c'est quand même 'artificiel."
 
La WGA affirme avoir poussé pour restreindre l'utilisation de l'IA lors des pourparlers.
 
Le syndicat exprimait le souhait que toute production générée par un robot ne puisse pas être catégorisée comme une création "littéraire" ou une "source", termes qui impliquent le versement de droits d'auteur. De plus, il souhaitait empêcher l'utilisation des scénarios rédigés par ses membres pour entraîner une intelligence artificielle.
 
Des exigences rejetées par les studios, qui ont proposé une rencontre annuelle pour "discuter des progrès de la technologie".
 
"C'est bien qu'ils proposent d'organiser une réunion sur la manière dont ils l'exploitent contre nous!", ironise M. Heisserer, un peu désabusé.
 
Le scénariste se désole de "devoir regarder des entreprises technologiques détruire le marché pour tenter de découvrir par elles-mêmes" les limites créatives des robots.

Inquiétudes

Parmi les scénaristes interrogés par l'AFP, un petit nombre seulement envisage l'idée d'une intelligence artificielle capable de remplir leur travail. Cependant, le simple fait que les studios et les plateformes de streaming soient ouverts à explorer cette possibilité est perçu par tous comme une véritable provocation.
 
Dans un Hollywood secoué par Netflix et la culture de la Silicon Valley, ces scénaristes craignent que les dirigeants soient prêts à sacrifier toute forme de créativité au profit de la rentabilité.
 
En effet, ces dernières années, les équipes de scénaristes ont été réduites, principalement en raison de l'émergence de saisons de séries de plus en plus courtes commandées par les plateformes. De plus, de grands studios tels que Disney ont procédé à des licenciements massifs dans le but de rassurer Wall Street.
 
Les déclarations faites lors de la conférence mondiale de l'Institut Milken cette semaine à Beverly Hills ont amplifié ces préoccupations.
 
"Dans les trois prochaines années, vous verrez un film écrit par l'IA, (...) un bon film", a ainsi lâché le producteur de cinéma Todd Lieberman.
 
Le directeur de Fox Entertainment, Rob Wade, a souligné que l'IA pourrait être utilisée non seulement pour créer des scénarios, mais également pour le montage ou le storyboard d'un film. Il insiste sur le fait que d'ici 10 ans, l'IA sera capable d'accomplir toutes ces tâches.
 
Les studios affirment également que la Writers Guild of America (WGA) n'est pas aussi opposée à l'IA qu'elle le prétend. Selon une note d'information envoyée à l'AFP, lors des négociations, le syndicat a expliqué que les scénaristes ne souhaitent pas interdire l'utilisation de l'IA et semblent même heureux de l'incorporer dans leur processus créatif, à condition que cela n'affecte pas leur rémunération.
 
Cependant, les studios ont souligné que cette hypothèse nécessite davantage de discussions, selon la même note.

Garde-fous

Selon Leila Cohan, l'écrivaine talentueuse de la célèbre série "Bridgerton", l'intelligence artificielle pourrait être utile uniquement pour accomplir des tâches ennuyeuses ou aléatoires, telles que proposer des noms de personnages.
 
Cependant, cette scénariste de 39 ans redoute que les studios ne soient tentés de produire des brouillons de scénarios "extrêmement médiocres" avec l'aide de l'IA, pour ensuite embaucher des scénaristes afin de les retravailler.
 
"C'est très bien vu que nous nous attaquions à ce problème maintenant", juge-t-elle.
 
Les enseignements de la dernière grève des scénaristes, il y a 15 ans, restent frais dans toutes les mémoires. À cette époque, Netflix était encore à ses débuts et la Writers Guild of America (WGA) avait obtenu des droits d'auteur pour la diffusion en streaming, mais aujourd'hui ces droits sont considérés comme beaucoup trop faibles.
 
L'écrivain de science-fiction Ben Ripley est également d'avis que légiférer aujourd'hui est "tout à fait nécessaire" afin de mettre en place des mesures de protection concernant l'IA. Selon lui, même si l'IA n'a rien à voir avec le processus créatif, il est important d'établir des garde-fous.
 
Les écrivains "doivent être originaux", rappelle-t-il. Or, "L'intelligence artificielle, c'est l'antithèse de l'originalité."

L'odj avec SNRTnews




Lundi 8 Mai 2023