20.000 ème numéro de L'Opinion : Un exemple de persévérance


Rédigé par Salma Chaoui le Mercredi 30 Aout 2023

Le lundi 28 septembre 2023, le quotidien L'Opinion, doyen et fleuron de la presse francophone au Maroc, a livré son 20.000 ème numéro marquant un parcours de 58 années et quelques mois d'exercice d'un journalisme sobre dans son engagement et son professionnalisme. Et la saga continue dans la résistance et la persévérance.



Écouter le podcast de cet article :


Par Jamal HAJJAM

L'Opinion poursuit sereinement son chemin tirant les dividendes d'un passé glorieux, arrimé à un présent avec ses nouvelles exigences, ce qui lui ouvre les perspectives d'un avenir toujours prometteur.

L'Opinion prend certes de l'âge mais ne vieillit pas. Son secret est d'avoir toujours su faire preuve de résilience devant les crises, de transcender les contraintes et conjonctures et de traverser les tempêtes sans se détourner de sa raison d'être, celle de porter les valeurs de la nation, de faire entendre la voix du peuple et de pratiquer un journalisme citoyen engagé où le militantisme de la plume est marqué par une rigueur professionnelle garante de sérieux et de crédibilité.

Raconter L'Opinion c'est raconter tout un pan de l'Histoire du Maroc indépendant dont le journal a été un témoin actif et parfois un acteur à ses dépens.

Les circonstances de son avènement en pleine tourmente d'une époque où les termes opinion, démocratie et liberté de presse avaient pour vis-à-vis oppression, étouffements et pratiques liberticides, promettaient au journal de connaître une vie riche et mouvementée.

L'Opinion, pour rappel, a été fondé par le Parti de l'Istiqlal le 9 mars 1965 à une période très trouble où la liberté de la presse était particulièrement en souffrance. C'était l'année de la proclamation de l'état d'exception faisant suite à la première motion de censure de l'histoire du parlement marocain et aux évènements sanglants du 23 mars 1965 à Casablanca.

L'Opinion devait en outre succéder un autre titre, "La Nation Africaine", interdit quelques semaines auparavant par les pouvoirs publics et dont le directeur fut emprisonné. Le choix du nom "L'Opinion" fut à la fois une critique en creux de la décision d'interdiction de "La Nation Africaine" et l'affichage de l'identité du journal, celle de tribune de promotion de la liberté d'opinion et de confrontation des idées.

A cette époque et jusqu'aux années 90, exprimer des idées et des positions contraires au bon vouloir des gouvernants était souvent qualifié d'actes subversifs et de tentatives de "trouble à l'ordre public", voire aussi "d'atteinte à la sécurité de l'Etat".

Tel fut le cas en septembre 1970, quelques mois après la création de la Koutla nationale et juste après le boycott des élections scélérates d'août 1970 et l'appel à voter non à la Constitution de 1970. L'ex-directeur de L'Opinion, feu Mohamed Berrada dit "Mao" qui venait juste de succéder au premier directeur du journal, feu Abderrahmane Baddou, fut poursuivi pour "atteinte à la morale" de l'armée et écopa d'un an de prison ferme.

En 1989 encore, un autre directeur du quotidien, feu Mohammed Idrissi Kaitouni, fut condamné en première instance à deux années de prison ferme pour une affaire de soutien par le journal à la cause des Droits de l'Homme. 

 

Malgré cette atmosphère d'étouffement des libertés en général et de celle de la presse en particulier, le quotidien L'Opinion a eu cette particularité de s'être érigé, dès sa création, en un journal d'opinion, doublé d'une tribune de défense des droits, des causes populaires et des valeurs nationales. 

La ligne éditoriale du journal est demeurée constante contre vents et marées. Quand bien même le combat pour la liberté de la presse et des libertés publiques et individuelles a été globalement remporté, il n'en demeurait pas moins que celui de la consécration de la démocratie, du développement économique et social, de la justice sociale et du parachèvement de l'intégrité territoriale ont continué à figurer en tête des préoccupations, à côté de l'impératif droit du public à l'information.

L'action d'un journal engagé comme L'Opinion s'inscrit ainsi dans une logique de pérennité, nonobstant les changements d'époques et de conjonctures.  

L'Opinion a par ailleurs pu relever un très grand défi, celui d'être en même temps un journal professionnel et un journal partisan. Mariage plutôt réussi malgré l'incompatibilité supposée entre les deux. D'autant que les caractéristiques qui sont celles de L'Opinion ne faisaient pas forcément bon ménage ailleurs, à savoir journal d'opinion ouvert sur la société, quotidien professionnel d'information, et porte-parole d'une formation politique.

Le succès de L'Opinion est certes à attribuer à sa philosophie fondatrice, suffisamment éclairée pour asseoir une pratique journalistique innovante, mais cette philosophie ne pouvait toutefois répondre aux attentes sans des hommes et des femmes auxquels revient le mérite d'avoir grandement contribué au façonnement de la scène journalistique marocaine.

L'Opinion est, pour ainsi dire, un cas d'école qui a formé, accueilli en son sein et pourvu le monde de la presse au Maroc en journalistes et éditeurs de journaux de renom qui, chacun de son côté, ont marqué de leur empreinte professionnelle, créatrice et éthique ce journal manifestement pas comme les autres.

Et la saga continue.

Rédigé par Jamal Hajjam 




Mercredi 30 Aout 2023
Dans la même rubrique :