De la CAN 2025 au Mondial 2030 : la 5G sur tapis rouge
Derrière cet enthousiasme légitime et les chiffres imposants de 80 milliards de dirhams d’investissements prévus , une autre lecture s’impose. Celle d’un pays à deux vitesses, d’une connectivité ambitieuse mais encore sélective, d’une souveraineté numérique qui se dessine… sans oublier la fracture qui persiste.
Sur le plan opérationnel, reconnaissons-le, le Maroc a su déployer une architecture d’attribution des licences exemplaire, à la fois compétitive et transparente. L’évaluation a porté sur cinq critères : couverture, qualité de service, innovation, plan d’affaires et stratégie tarifaire. Résultat : Maroc Telecom et Inwi obtiennent chacun une note de 87/100, Orange 85.
Les fréquences attribuées couvrent deux bandes clefs : le 700 MHz pour la pénétration dans les bâtiments et zones rurales, et le 3,5 GHz pour les débits élevés. À terme, les engagements contractuels prévoient une couverture de 85 % de la population, avec un démarrage commercial dans huit grandes villes dès novembre 2025. Voilà pour la promesse.
Avec un ticket d’entrée supérieur à celui de la 4G en 2015, l’État engrange une manne financière inédite. Les opérateurs, de leur côté, s’engagent sur une décennie à investir 80 milliards de dirhams. Une somme vertigineuse, dans un marché où le revenu moyen par abonné plafonne depuis des années.
Car c’est là une contradiction majeure : le Maroc ne manque ni de couverture (la 4G atteint 99 %), ni de smartphones compatibles (80 % du parc), ni de régulateurs vigilants. Ce qui manque, c’est un véritable usage transformationnel, une intégration de la 5G dans des filières productives et une accessibilité réelle pour tous les citoyens, pas seulement ceux des hubs urbains.
Le gouvernement, à travers le plan Maroc Digital 2030, lie clairement le déploiement de la 5G à des priorités géopolitiques (CAN 2025, Mondial 2030) et à une vision de souveraineté numérique. Il s’agit de garantir la connectivité des zones logistiques, des stades, des centres de commandement sécuritaire, des aéroports. Soit.
Mais qu’en est-il des zones blanches, ces territoires enclavés où même la 3G peine à exister ?
La campagne d’identification des localités non connectées, annoncée en Conseil d’administration de l’ANRT, est un pas dans la bonne direction. Encore faudra-t-il qu’elle ne reste pas lettre morte. Dans la montagne, le désert, la steppe et certains quartiers populaires, la promesse numérique reste lointaine. Le danger est clair : une 5G pour les grands événements et le branding international, mais pas pour les usagers du quotidien.
Techniquement, le Maroc s’engage à faire migrer ses réseaux vers une architecture 5G autonome d’ici 2027, après une phase de transition en 5G-NSA (non autonome). Cela ouvrira la voie à des usages critiques : chirurgie à distance, logistique en temps réel, véhicules autonomes, smart grids.
Cependant, cette montée en puissance reste entièrement dépendante des fournisseurs étrangers, qu’ils soient européens ou asiatiques. Aucun acteur industriel local n’a été cité comme partenaire stratégique. Où sont les start-up marocaines de la 5G ? Les centres de R&D publics ou privés ? L’économie numérique sans souveraineté technologique demeure une utopie fragile.
L’ANRT assure que les licences 5G intègrent des obligations contractuelles strictes en matière de cybersécurité, avec audits réguliers. Un progrès indéniable. Mais la protection des données sensibles dans un écosystème dominé par des acteurs transnationaux (constructeurs de puces, serveurs, OS mobiles) reste un défi majeur.
La 5G va multiplier les objets connectés, les flux critiques, les points d’entrée. Sans une politique de souveraineté numérique intégrée à la stratégie nationale de cybersécurité, ces avancées risquent d’être vulnérables. Là encore, les États-Unis, la Chine, ou les pays nordiques ont montré la voie. Le Maroc ne peut se contenter de l’externalisation.
Autre éclaircie : le déploiement bénéficiera d’un accès élargi aux fibres noires, au génie civil de Maroc Telecom (désormais réglementé), et d’un partage obligatoire des sites radio. Ces mécanismes permettront d’alléger les coûts d’infrastructure pour Orange et Inwi, souvent désavantagés.
C’est un levier de compétition sain, à condition que ce partage ne reste pas théorique. La transparence des calendriers de déploiement, la mutualisation réelle et le suivi public des engagements doivent faire l’objet d’un reporting régulier et accessible à la presse spécialisée.
Sur le plan opérationnel, reconnaissons-le, le Maroc a su déployer une architecture d’attribution des licences exemplaire, à la fois compétitive et transparente. L’évaluation a porté sur cinq critères : couverture, qualité de service, innovation, plan d’affaires et stratégie tarifaire. Résultat : Maroc Telecom et Inwi obtiennent chacun une note de 87/100, Orange 85.
Les fréquences attribuées couvrent deux bandes clefs : le 700 MHz pour la pénétration dans les bâtiments et zones rurales, et le 3,5 GHz pour les débits élevés. À terme, les engagements contractuels prévoient une couverture de 85 % de la population, avec un démarrage commercial dans huit grandes villes dès novembre 2025. Voilà pour la promesse.
Avec un ticket d’entrée supérieur à celui de la 4G en 2015, l’État engrange une manne financière inédite. Les opérateurs, de leur côté, s’engagent sur une décennie à investir 80 milliards de dirhams. Une somme vertigineuse, dans un marché où le revenu moyen par abonné plafonne depuis des années.
Car c’est là une contradiction majeure : le Maroc ne manque ni de couverture (la 4G atteint 99 %), ni de smartphones compatibles (80 % du parc), ni de régulateurs vigilants. Ce qui manque, c’est un véritable usage transformationnel, une intégration de la 5G dans des filières productives et une accessibilité réelle pour tous les citoyens, pas seulement ceux des hubs urbains.
Le gouvernement, à travers le plan Maroc Digital 2030, lie clairement le déploiement de la 5G à des priorités géopolitiques (CAN 2025, Mondial 2030) et à une vision de souveraineté numérique. Il s’agit de garantir la connectivité des zones logistiques, des stades, des centres de commandement sécuritaire, des aéroports. Soit.
Mais qu’en est-il des zones blanches, ces territoires enclavés où même la 3G peine à exister ?
La campagne d’identification des localités non connectées, annoncée en Conseil d’administration de l’ANRT, est un pas dans la bonne direction. Encore faudra-t-il qu’elle ne reste pas lettre morte. Dans la montagne, le désert, la steppe et certains quartiers populaires, la promesse numérique reste lointaine. Le danger est clair : une 5G pour les grands événements et le branding international, mais pas pour les usagers du quotidien.
Techniquement, le Maroc s’engage à faire migrer ses réseaux vers une architecture 5G autonome d’ici 2027, après une phase de transition en 5G-NSA (non autonome). Cela ouvrira la voie à des usages critiques : chirurgie à distance, logistique en temps réel, véhicules autonomes, smart grids.
Cependant, cette montée en puissance reste entièrement dépendante des fournisseurs étrangers, qu’ils soient européens ou asiatiques. Aucun acteur industriel local n’a été cité comme partenaire stratégique. Où sont les start-up marocaines de la 5G ? Les centres de R&D publics ou privés ? L’économie numérique sans souveraineté technologique demeure une utopie fragile.
L’ANRT assure que les licences 5G intègrent des obligations contractuelles strictes en matière de cybersécurité, avec audits réguliers. Un progrès indéniable. Mais la protection des données sensibles dans un écosystème dominé par des acteurs transnationaux (constructeurs de puces, serveurs, OS mobiles) reste un défi majeur.
La 5G va multiplier les objets connectés, les flux critiques, les points d’entrée. Sans une politique de souveraineté numérique intégrée à la stratégie nationale de cybersécurité, ces avancées risquent d’être vulnérables. Là encore, les États-Unis, la Chine, ou les pays nordiques ont montré la voie. Le Maroc ne peut se contenter de l’externalisation.
Autre éclaircie : le déploiement bénéficiera d’un accès élargi aux fibres noires, au génie civil de Maroc Telecom (désormais réglementé), et d’un partage obligatoire des sites radio. Ces mécanismes permettront d’alléger les coûts d’infrastructure pour Orange et Inwi, souvent désavantagés.
C’est un levier de compétition sain, à condition que ce partage ne reste pas théorique. La transparence des calendriers de déploiement, la mutualisation réelle et le suivi public des engagements doivent faire l’objet d’un reporting régulier et accessible à la presse spécialisée.
Et le citoyen dans tout ça ?
Derrière les chiffres, les courbes et les bandes de fréquence, se trouve l’usager. Or, on l’oublie parfois, la majorité des Marocains n’attendent pas des services de chirurgie assistée par robot ou des objets connectés à la maison. Ils veulent un débit stable, une connexion abordable, et surtout... une couverture là où ils vivent.
Le passage à la 5G ne doit pas être un luxe urbain. Si le Maroc a su mettre en place une ingénierie réglementaire avancée, il lui reste à construire une ingénierie sociale : tarification adaptée, médiation numérique, éducation au digital, accompagnement des petits entrepreneurs.
Le Maroc a franchi une étape décisive avec l’octroi des licences 5G et l’annonce d’investissements records. La stratégie nationale est là, les opérateurs sont alignés, les fréquences sont attribuées avec équilibre, la transparence est au rendez-vous.
Mais cette révolution reste suspendue à plusieurs conditions : la réduction réelle de la fracture numérique, l’intégration sociale et territoriale des infrastructures, la montée en compétence des acteurs locaux, la sécurisation des données, et surtout… l’accès équitable au progrès.
La 5G ne sera pas une vraie avancée si elle ne sert que les villes vitrines, les événements géopolitiques ou les élites connectées. Elle devra être, pour chaque village, chaque quartier, chaque citoyen, une preuve que le Maroc digital ne laisse personne derrière.
Le passage à la 5G ne doit pas être un luxe urbain. Si le Maroc a su mettre en place une ingénierie réglementaire avancée, il lui reste à construire une ingénierie sociale : tarification adaptée, médiation numérique, éducation au digital, accompagnement des petits entrepreneurs.
Le Maroc a franchi une étape décisive avec l’octroi des licences 5G et l’annonce d’investissements records. La stratégie nationale est là, les opérateurs sont alignés, les fréquences sont attribuées avec équilibre, la transparence est au rendez-vous.
Mais cette révolution reste suspendue à plusieurs conditions : la réduction réelle de la fracture numérique, l’intégration sociale et territoriale des infrastructures, la montée en compétence des acteurs locaux, la sécurisation des données, et surtout… l’accès équitable au progrès.
La 5G ne sera pas une vraie avancée si elle ne sert que les villes vitrines, les événements géopolitiques ou les élites connectées. Elle devra être, pour chaque village, chaque quartier, chaque citoyen, une preuve que le Maroc digital ne laisse personne derrière.