Un bouleversement nommé AI Mode
On ne s’y attendait pas si tôt, et pourtant, le séisme a déjà commencé. À peine quelques semaines après les grandes annonces du dernier événement Google I/O, les rédactions des médias en ligne scrutent avec anxiété les courbes de leur trafic. Et pour cause : une baisse brutale semble confirmer les pires craintes exprimées par les éditeurs, notamment autour d’une fonctionnalité bien spécifique, baptisée AI Mode.
Lors de sa keynote annuelle, Google a levé le voile sur une série de nouvelles fonctionnalités propulsées par l’intelligence artificielle. Loin d’être anodines, elles changent la manière dont les internautes interagissent avec le moteur de recherche. En tête de liste, le AI Mode, qui propose directement dans les résultats de recherche des synthèses générées par IA, sans que l’utilisateur n’ait besoin de cliquer sur un lien. Pour les sites de presse, c’est une petite révolution… au goût amer.
Un rapport récent du Wall Street Journal daté du dix juin tire une sonnette d’alarme claire : les effets de cette nouvelle mécanique sont déjà visibles. Et ce, en particulier chez les poids lourds de la presse américaine. Le New York Times, The Atlantic et même le Washington Post enregistrent des baisses de fréquentation inquiétantes, parfois supérieures à trente pour cent. En avril dernier, Similarweb rapportait une chute de trente-six virgule cinq pour cent pour le New York Times. Une descente aux enfers ? Pas encore. Mais une menace systémique, assurément.
Il faut se rendre à l’évidence : le modèle de la presse basé sur l’acquisition de trafic organique via Google est mis à mal. Ce qui semblait être une dépendance raisonnable se révèle désormais un talon d’Achille. Les rédactions en ligne, qui misaient sur la visibilité via les moteurs pour attirer des lecteurs, se retrouvent prises au piège d’un changement de paradigme qu’elles ne contrôlent plus.
Face à cette tempête algorithmique, les réponses varient. Si certains titres s’alarment, d’autres, plus proactifs, tentent d’écrire une nouvelle page. C’est le cas du Wall Street Journal, qui explore activement des pistes alternatives de monétisation en misant sur des modèles moins dépendants du trafic massif, plus centrés sur l’engagement, la valeur perçue, et les communautés fidèles.
Curieusement, c’est du côté de la presse française que l’on observe les réactions les plus audacieuses. Le Monde, réputé pour sa prudence, a surpris tout le secteur au mois de mars 2024 en annonçant un partenariat stratégique avec OpenAI. L’objectif ? Intégrer l’intelligence artificielle non pas comme concurrent, mais comme outil de collaboration et d’optimisation éditoriale.
Cette alliance inattendue a ouvert la voie à d’autres initiatives du même type, cette fois-ci aux États-Unis, avec The Atlantic et Perplexity AI. Loin de rejeter l’IA, ces médias choisissent de l’embrasser, à condition d’en garder le contrôle éditorial et de ne pas sacrifier l’éthique sur l’autel de la technologie.
La question n’est plus de savoir si l’intelligence artificielle va changer la presse, mais comment elle le fera. L’approche purement défensive, basée sur la dénonciation et les batailles juridiques, montre ses limites. Le défi est désormais de bâtir un modèle hybride dans lequel l’IA devient un levier de valeur ajoutée plutôt qu’un facteur de dilution de l’information.
Ce modèle pourrait reposer sur plusieurs piliers :
Le tout financé non plus seulement par la publicité ou le clic, mais par la confiance, l’utilité et la fidélité.
Dans ce contexte, une vérité se dessine : plus la machine s’améliore, plus l’humain devient précieux. Les lecteurs sont de moins en moins dupes des contenus génériques ou formatés. Ce qu’ils recherchent, ce sont des histoires vraies, des enquêtes profondes, des regards singuliers. La promesse du journalisme n’est pas seulement de transmettre des faits, mais de leur donner du sens.
Les rédactions qui survivront à cette mutation sont celles qui sauront assumer une ligne éditoriale forte, défendre des valeurs claires, et surtout, renouer avec le lien affectif qu’entretiennent les lecteurs avec leurs sources d’information. En d’autres termes : faire moins, mais mieux.
Ironiquement, la pression actuelle exercée par Google pourrait avoir un effet salutaire. En rompant la dépendance au trafic facile, elle oblige la presse à redéfinir son identité. Ce n’est pas une fin, c’est un tournant. Un de ces moments où l’on choisit entre s’effondrer… ou se réinventer.
Le modèle de demain ne sera peut-être plus mesuré en pages vues, mais en impact sociétal, en nombre d’abonnés engagés, en qualité des débats générés. C’est une occasion unique de remettre le journalisme au cœur du contrat démocratique.
Lors de sa keynote annuelle, Google a levé le voile sur une série de nouvelles fonctionnalités propulsées par l’intelligence artificielle. Loin d’être anodines, elles changent la manière dont les internautes interagissent avec le moteur de recherche. En tête de liste, le AI Mode, qui propose directement dans les résultats de recherche des synthèses générées par IA, sans que l’utilisateur n’ait besoin de cliquer sur un lien. Pour les sites de presse, c’est une petite révolution… au goût amer.
Un rapport récent du Wall Street Journal daté du dix juin tire une sonnette d’alarme claire : les effets de cette nouvelle mécanique sont déjà visibles. Et ce, en particulier chez les poids lourds de la presse américaine. Le New York Times, The Atlantic et même le Washington Post enregistrent des baisses de fréquentation inquiétantes, parfois supérieures à trente pour cent. En avril dernier, Similarweb rapportait une chute de trente-six virgule cinq pour cent pour le New York Times. Une descente aux enfers ? Pas encore. Mais une menace systémique, assurément.
Il faut se rendre à l’évidence : le modèle de la presse basé sur l’acquisition de trafic organique via Google est mis à mal. Ce qui semblait être une dépendance raisonnable se révèle désormais un talon d’Achille. Les rédactions en ligne, qui misaient sur la visibilité via les moteurs pour attirer des lecteurs, se retrouvent prises au piège d’un changement de paradigme qu’elles ne contrôlent plus.
Face à cette tempête algorithmique, les réponses varient. Si certains titres s’alarment, d’autres, plus proactifs, tentent d’écrire une nouvelle page. C’est le cas du Wall Street Journal, qui explore activement des pistes alternatives de monétisation en misant sur des modèles moins dépendants du trafic massif, plus centrés sur l’engagement, la valeur perçue, et les communautés fidèles.
Curieusement, c’est du côté de la presse française que l’on observe les réactions les plus audacieuses. Le Monde, réputé pour sa prudence, a surpris tout le secteur au mois de mars 2024 en annonçant un partenariat stratégique avec OpenAI. L’objectif ? Intégrer l’intelligence artificielle non pas comme concurrent, mais comme outil de collaboration et d’optimisation éditoriale.
Cette alliance inattendue a ouvert la voie à d’autres initiatives du même type, cette fois-ci aux États-Unis, avec The Atlantic et Perplexity AI. Loin de rejeter l’IA, ces médias choisissent de l’embrasser, à condition d’en garder le contrôle éditorial et de ne pas sacrifier l’éthique sur l’autel de la technologie.
La question n’est plus de savoir si l’intelligence artificielle va changer la presse, mais comment elle le fera. L’approche purement défensive, basée sur la dénonciation et les batailles juridiques, montre ses limites. Le défi est désormais de bâtir un modèle hybride dans lequel l’IA devient un levier de valeur ajoutée plutôt qu’un facteur de dilution de l’information.
Ce modèle pourrait reposer sur plusieurs piliers :
Contenus exclusifs pour abonnés (reportages longs, enquêtes inédites)
Services personnalisés (newsletters sur mesure, alertes intelligentes)
Journalisme augmenté (enquête assistée par IA, vérification automatisée)
Communautés engagées, à travers des forums, commentaires ou clubs de lecteurs
Le tout financé non plus seulement par la publicité ou le clic, mais par la confiance, l’utilité et la fidélité.
Dans ce contexte, une vérité se dessine : plus la machine s’améliore, plus l’humain devient précieux. Les lecteurs sont de moins en moins dupes des contenus génériques ou formatés. Ce qu’ils recherchent, ce sont des histoires vraies, des enquêtes profondes, des regards singuliers. La promesse du journalisme n’est pas seulement de transmettre des faits, mais de leur donner du sens.
Les rédactions qui survivront à cette mutation sont celles qui sauront assumer une ligne éditoriale forte, défendre des valeurs claires, et surtout, renouer avec le lien affectif qu’entretiennent les lecteurs avec leurs sources d’information. En d’autres termes : faire moins, mais mieux.
Ironiquement, la pression actuelle exercée par Google pourrait avoir un effet salutaire. En rompant la dépendance au trafic facile, elle oblige la presse à redéfinir son identité. Ce n’est pas une fin, c’est un tournant. Un de ces moments où l’on choisit entre s’effondrer… ou se réinventer.
Le modèle de demain ne sera peut-être plus mesuré en pages vues, mais en impact sociétal, en nombre d’abonnés engagés, en qualité des débats générés. C’est une occasion unique de remettre le journalisme au cœur du contrat démocratique.
Une presse affaiblie, mais pas vaincue
Ce que vit la presse aujourd’hui n’est pas une apocalypse. C’est une mue. C’est un appel – brutal, certes – à se transformer pour rester vivante dans un monde qui change à grande vitesse. Et si cette transition semble rude, elle contient en germe quelque chose de précieux : le retour à l’essence même du métier.
Le journalisme est né avant Google, il survivra après l’IA. À condition de ne pas oublier ce qui le rend indispensable : sa capacité à nous éclairer, à nous relier, et parfois… à nous déranger.
Le journalisme est né avant Google, il survivra après l’IA. À condition de ne pas oublier ce qui le rend indispensable : sa capacité à nous éclairer, à nous relier, et parfois… à nous déranger.