Allal El Fassi : Cet homme mon beau-père, ainsi s’éteignit


Tout comme cette mort cruelle, mon histoire est réelle.
Cet homme mon beau-père, ainsi s’éteignit.
C’était le mois du joli mai, du triste mai.



Par Samira Koraiche

Dès sa descente d’avion, à l’aéroport de Bucarest, il ne se sentait pas au top de sa forme. Il mettait cela sur le compte des incommodités  du voyage. Les malaises il en avait connus et s’il fallait s’en soucier on ne se lèverait pas du lit.   

Une voiture  conduisit la délégation composée de ses  fidèles compagnons de lutte, vers leur hôtel pour y passer la nuit, avant d’être reçus le lendemain par le président. Durant le trajet, ils se concertaient et discutaient sur les points à soulever et à défendre. Le visage imperturbable, l’air réfléchi, il ne laissait pas paraitre cet inconfort qu’il ressentait et qui revenait à la charge assaillir son corps.

Un corps vieilli prématurément par les vissicitudes de la vie exceptionnelle qu’était celle d’un leader politique.

Il avait l’habitude des déplacements, des speechs, des nuits sans sommeil, des longues journées infinies sans repos, pourtant ce jour-là,  en regardant le paysage se déployait devant lui, il voyait défiler sa vie, ses enfants, sa femme qu’il avait laissée en convalescence.

Cette gêne incisive qui l’agaçait le rendrait elle mélancolique ? 

Le lendemain dans l’antichambre où ils attendirent quelques instants avant d’être reçus,  il était calme comme à son habitude car il ne connaissait pas le trac, l’expérience avait annihilée cette appréhension. S’il ressentait quelques désagréments ce n’était pas dû à cette  rencontre, somme toute positive pour les  causes qu’il défendait, mais à ce malaise persistant qui le tourmentait.

Le président les accueillit avec les honneurs qui leurs étaient dûs.

Alors que la discussion était entamée et fructueuse, l’inconfort se faisait plus insistant, plus oppressant. Il gagnait le haut du corps.
La gêne se propageait dans les bras telle une lave de volcan, douloureuse, sourde, butée ne s’embarrassant de rien. 

Personne n’avait remarqué son tourment, ses efforts pour le dissimuler étaient herculéens.

Des sueurs froides commençaient à perler sur son front, il sentait la salle rétrécir de volume, alors qu’en rentrant il avait noté l’ampleur de son espace. Il parlait clairement, sa voix ne l’avait pas trahie, son sourire ne l’avait pas quitté. Il se concentrait sur les propos de son interlocuteur, l’enjeu était de taille.

Tels deux gladiateurs, ils luttaient : le mal pour le terrasser et lui pour garder sa contenance, déterminé à finir sa mission.

La crise s’insinuait dans ses veines comme un poison maléfique, qui se frayait un chemin, brûlant tout sur son passage. Les affres du mal lancinaient toute sa poitrine, la douleur tyrannique, s’acharnait par des élancements comme un bélier cognant une forteresse.
Il se leva brusquement, alla vers la fenêtre, demanda qu’on l’ouvrit, il manquait d’air. Ses compagnons pris de panique, le suivirent. Il leur somma de continuer les pourparlers.

Une douleur lancinante irradia tout son cœur tel un nuage nucléaire qui envahit le ciel.

La crise l’avait étreint oppressante, suffocante ne lâchant prise qu’à l’effondrement.

Il s’écroula dans les bras de l’un de ses amis et réitéra dans son dernier souffle de continuer le combat…

Tout comme cette mort cruelle, mon histoire est réelle. Cet homme mon beau-père, ainsi s’éteignit. C’était le mois du joli mai, du triste mai.


Vendredi 13 Mai 2022

Dans la même rubrique :