Arabie Saoudite – Pakistan redessinent la carte stratégique


Rédigé par le Dimanche 21 Septembre 2025

Il est des signatures diplomatiques qui passent presque inaperçues, et d’autres qui résonnent comme des coups de tonnerre. L’accord de défense stratégique entre l’Arabie Saoudite et le Pakistan appartient à la seconde catégorie. Scellé par le prince héritier Mohammed ben Salman et le Premier ministre Shahbaz Sharif, il consacre une alliance militaire inédite, aux contours clairs et aux promesses redoutables : toute attaque contre l’un sera considérée comme une déclaration de guerre contre l’autre.



Quand deux puissances lient leur destin face aux menaces régionales :

L’histoire récente du Moyen-Orient et de l’Asie du Sud a été jalonnée d’alliances fluctuantes, souvent dépendantes de la volonté des grandes puissances. Mais cette fois-ci, Riyad et Islamabad affichent leur détermination à reprendre la main. Ce pacte n’est pas une simple déclaration d’intention : il engage les deux pays à une solidarité militaire sans équivoque, avec la perspective d’entraînements conjoints, d’échanges de renseignements et d’une réponse coordonnée face à toute menace.

Le message est limpide : l’Arabie Saoudite refuse désormais de s’en remettre uniquement à ses partenaires occidentaux pour assurer sa sécurité. Quant au Pakistan, il y trouve un moyen de consolider sa stature régionale, en s’adossant à une puissance financière capable de soutenir ses ambitions militaires et diplomatiques.

Officiellement, le mot n’apparaît nulle part dans le texte. Mais l’ombre du nucléaire plane sur l’accord. Depuis des décennies, Riyad a soutenu financièrement les programmes stratégiques pakistanais. La proximité des deux pays nourrit les spéculations : en cas d’escalade majeure, l’Arabie Saoudite pourrait-elle s’appuyer sur la dissuasion nucléaire de son allié ? Les chancelleries occidentales évitent de poser la question publiquement, mais chacun sait qu’elle traverse les esprits.

Dans une région où l’Iran poursuit son propre programme nucléaire, où Israël n’a jamais reconnu officiellement le sien, et où les États-Unis redéploient leurs priorités stratégiques, l’hypothèse d’un parapluie nucléaire partagé entre Riyad et Islamabad bouleverserait l’équilibre déjà fragile.

Au-delà du texte, l’accord est un signal. À Washington, il dit : le temps de la dépendance exclusive est révolu. Aux yeux de Riyad, les hésitations américaines, qu’il s’agisse du retrait chaotique d’Afghanistan ou des ambiguïtés autour du nucléaire iranien, ont entamé la crédibilité de leur allié historique.

À Téhéran, il signifie : la marge de manœuvre s’amenuise. Confrontée déjà à l’encerclement militaire américain et aux sanctions, la République islamique voit s’élever une nouvelle barrière stratégique, cette fois au sud de son territoire.

À Tel Aviv enfin, le message est plus subtil mais tout aussi ferme : les calculs régionaux ne se feront plus en vase clos. L’Arabie Saoudite, longtemps courtisée pour rejoindre les accords d’Abraham, rappelle qu’elle dispose d’autres cartes et qu’elle choisit désormais de les abattre avec pragmatisme.

Pacte de défense ou pari risqué ?

Cette alliance traduit un basculement plus large : le Moyen-Orient n’est plus seulement un terrain de jeu pour les puissances extérieures, il devient un espace où les acteurs régionaux construisent leurs propres architectures de sécurité. L’Arabie Saoudite, qui multiplie déjà les initiatives de diversification économique avec la Vision 2030, veut désormais assumer une autonomie militaire. Le Pakistan, de son côté, trouve dans cette alliance un moyen de sortir de son isolement diplomatique et de monnayer sa position de puissance nucléaire musulmane.

Mais derrière la solennité des signatures, des questions demeurent. Cette solidarité « jusqu’à la mort » résistera-t-elle à l’épreuve des faits ? Que se passerait-il si Riyad ou Islamabad étaient entraînés dans un conflit dont l’autre ne voudrait pas ? L’histoire des pactes militaires est riche de désillusions. Le risque est aussi que cette alliance enflamme davantage une région déjà sur militarisée, où les lignes de front — du Yémen au Soudan — ne cessent de se multiplier.

La durabilité d’un tel pacte dépendra de sa capacité à dépasser le symbolique pour s’incarner dans des structures permanentes, des exercices conjoints réguliers, et surtout une vision partagée de la sécurité régionale.

Il reste que cet accord marque une rupture. En choisissant de lier leur destin militaire, Riyad et Islamabad redessinent l’équation régionale. Ce n’est pas seulement un contrat bilatéral : c’est un avertissement à tous ceux qui croyaient encore pouvoir dicter seuls les règles du jeu au Moyen-Orient et en Asie du Sud.

Ce pacte, en définitive, illustre une vérité plus vaste : à l’heure où les équilibres mondiaux se recomposent, les alliances traditionnelles vacillent, et de nouvelles convergences émergent. L’Arabie Saoudite et le Pakistan viennent de rappeler que, dans ce monde incertain, l’avenir appartient à ceux qui savent anticiper, unir leurs forces et se préparer à affronter ensemble les tempêtes à venir.

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Dimanche 21 Septembre 2025
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