Avortement : Un marché de l’horreur


Rédigé par le Vendredi 5 Mai 2023

Indépendamment de notre opinion personnelle sur l'avortement au Maroc, la loi en vigueur s'impose à tous (du moins en théorie). Par conséquent, une approche essentiellement juridique de la question de l'avortement au Maroc est appropriée. Quelles sont les dispositions actuelles de la loi ? Quelles étaient les propositions de réforme en 2015 ? Quelles sont les attentes concernant la prochaine réforme du Code pénal prévue en 2023 ?



Les tarifs de l'avortement varient entre 4.000 et 30.000 dirhams

Le droit a toujours été présent lors des grands moments de l'Histoire, même les plus sombres.

Il est important de se rappeler que la loi n'est pas simplement un document écrit par des législateurs ou des parlementaires. Elle est avant tout une création humaine, vivante et évolutive, qui peut changer des vies, accorder ou retirer des droits, avantager certaines personnes et en désavantager d'autres. La loi est ainsi intimement liée à notre vie quotidienne, qu'elle soit sociale, économique ou politique. Elle est constamment ancrée dans notre réalité et évolue en permanence avec elle.

L'article 454 du Code pénal, qui criminalise l'avortement, est un exemple concret. Quelle que soit notre position sur le sujet - qu'on soit pour, contre ou pour une réglementation partielle - il est indéniable que des femmes et des jeunes filles au Maroc meurent chaque jour suite à des avortements clandestins. C'est un problème de santé publique qui nous concerne tous, en tant que Marocains et Marocaines. La question est donc la suivante : que pouvons-nous faire pour y remédier ?

Dans le contexte marocain, trois tendances émergent des débats sur l'avortement. En simplifiant, la première tendance est conservatrice et s'oppose à la légalisation complète de l'avortement, voire accepte sa réglementation partielle. La deuxième tendance est progressive et prône la légalisation totale de l'avortement. La troisième tendance, quant à elle, adopte une approche sociale et soutient également la légalisation de l'avortement, en mettant en avant l'urgence d'agir face à une situation critique.

En synthétisant les arguments de ces trois tendances, on pourrait les résumer de la manière suivante :
1. Refuser toute possibilité de recours à l’avortement, au nom de la sacralité de la vie, au nom d’une interprétation parmi tant d’autres du texte religieux, en faisant fi de toutes considérations à l’égard de la femme marocaine, à l’égard de la réalité sociale dans laquelle nous vivons ? 
2. Permettre le recours à l’avortement, en toutes circonstances, au nom du droit de la femme de disposer de son corps, au nom de son autonomie, en faisant fi de toute considération à l’égard de l’embryon ou du fœtus, à l’égard de cette personne humaine potentielle ? 
3. Ou enfin, trancher clairement pour la sacralité de la vie et donc la protection du potentiel de vie qu’est l’embryon ou le fœtus, en élargissant le champ, exceptionnel certes, du recours à l’avortement légal ? 

Le dernier point est précisément l’apport du projet de loi sur l’avortement, établi en 2015. 

Étant donné que ce projet de réforme est une réponse à une disposition en vigueur, il serait inapproprié de discuter de cette proposition sans examiner brièvement son déclencheur : les articles 454 et 453 du Code pénal.

 

Une loi archaïque

Il faut savoir qu’au Maroc, le code pénal punit l’avortée ou qui a l’intention d’avorter, de six mois à deux ans et d’une amende de 120 à 500 dirhams et d’un an à cinq ans, en plus d’une amende de 120 à 500 dirhams, quiconque, par n’importe quel moyen, a procuré ou a tenté de procurer, l’avortement d’une femme enceinte ou supposée enceinte. Toutefois, l’interruption volontaire de grossesse (IVG), comme dans tous les pays où elle est illégale, est largement pratiquée.

En effet, l’avortement n’a jamais franchi la barrière du Parlement. Ce projet de loi visait à élargir ces conditions au viol et à l’inceste, mais le texte inclus dans une réforme controversée du Code pénal, n’a jamais vu le jour. Sept ans plus tard, les difficultés sont toujours les mêmes. Jusqu’à aujourd’hui, la seule condition qui permet aux femmes de pratiquer l’avortement est « la mise en danger de la santé de la mère ». Aucune loi n’est depuis venue entériner ces recommandations ardemment soutenues par les activistes des droits des femmes.




Journaliste sportive et militante féministe, lauréate de l'ISIC En savoir plus sur cet auteur
Vendredi 5 Mai 2023
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