BILLET D’HUMEUR : Iran-Israël : Quand la guerre devient un théâtre mondialisé


Rédigé par le Vendredi 27 Juin 2025



Une pièce géopolitique à grand spectacle

La récente escalade entre l’Iran et Israël, qualifiée par certains de « guerre des douze jours », ressemble à s’y méprendre à une production dramatique de grande envergure. Les scènes s’enchaînent, les coups de théâtre se succèdent, les répliques sont millimétrées. Il y a les bons, les méchants, les alliances de circonstance et, surtout, un public suspendu aux moindres rebondissements. On aurait voulu écrire une tragédie grecque que l’on n’aurait pas mieux réussi.

Dans cette fresque contemporaine, chaque acteur endosse un rôle prévisible. Les dirigeants montent au créneau, les armées s’activent, les porte-parole s’enflamment, pendant que les médias, eux, orchestrent le récit global. On est dans une dramaturgie assumée, avec ses silences stratégiques, ses déclarations martiales, ses images fortes. Une guerre scénarisée ? Peut-être pas complètement. Mais une guerre mise en scène ? Incontestablement.

L’un des éléments les plus troublants reste la manière dont les images sont produites, triées, diffusées. Ce n’est pas tant la guerre elle-même que l’histoire qu’on en raconte qui façonne les perceptions. Chaque chaîne choisit ses plans, ses mots, ses angles. Les répétitions de certains termes – “riposte”, “menace existentielle”, “défense légitime” – finissent par créer une illusion de nécessité.

Et dans cette surenchère verbale, les opinions publiques deviennent des spectateurs piégés dans une boucle d’émotions, entre peur, colère et résignation. Ceux qui croient tout comprendre ne saisissent souvent qu’un fragment habilement monté du puzzle. Ceux qui doutent ne savent plus à quoi se raccrocher. C’est là que réside le vrai danger : quand la guerre devient narration, elle échappe à la vérité.

Alors, qui est l’auteur de ce script mondial ? Donald Trump, qui rôde à l’horizon des élections de mi-mandat de 2026 ? Benyamin Netanyahu, toujours en quête d’un sursaut patriotique ? Les Gardiens de la Révolution, à la manœuvre dans l’ombre ? Ou les think tanks, les lobbies, les producteurs d’armement, tous ceux qui vivent de l’instabilité du monde ?

En vérité, il n’y a pas de dramaturge unique. Ce que nous voyons, c’est le produit d’une écriture collective, un patchwork d’agendas divergents, de calculs cyniques et de peurs alimentées. Chaque acteur y met sa touche : une rodomontade ici, un missile là, une conférence de presse calculée, une réunion secrète annulée. Et pendant que les puissants affinent leur mise en scène, les civils se terrent, meurent ou fuient.

Une fois les tirs calmés, les conférences de presse triomphales s’enchaînent. À Téhéran comme à Tel Aviv, les dirigeants proclament leur victoire, leur maîtrise de la situation, leur puissance intacte. À Washington, on endosse le rôle du médiateur magnanime, qui réconcilie sans trop s’impliquer. On applaudit le calme revenu, comme si rien ne s’était passé.

Mais la vraie question est là : qui a gagné ? Et surtout, qui a perdu ? Les morts anonymes dans les ruines, les enfants traumatisés, les réfugiés sans lendemain ? Ils ne sont jamais conviés à la table des bilans. Ils ne font pas partie du récit héroïque, ils n’entrent dans aucune statistique glorieuse. Ils sont les oubliés d’une mise en scène qui ne s’intéresse qu’aux applaudissements finaux.

Ce qui désespère le plus, c’est l’habitude. L’indifférence polie qui finit par s’installer. Le téléspectateur zappe après la quatrième frappe aérienne, l’analyste politique passe à la crise suivante, le diplomate temporise. Et pendant ce temps, le prix du sang monte, celui des illusions aussi. Le théâtre de la guerre continue, en tournée permanente.

Dans cette comédie tragique, les spectateurs ne sont pas seulement passifs. Ils sont complices malgré eux, entraînés dans un récit dont ils ne contrôlent rien, mais qu’ils valident par leur silence ou leur résignation. Ce théâtre-là ne divertit pas. Il détruit.

Il ne s’agit pas ici de nier les tensions réelles, les enjeux vitaux ou les souffrances vécues. Il s’agit de refuser que la guerre devienne spectacle, que la politique se réduise à une mise en scène cynique, que les morts ne soient plus que des effets visuels.

À chaque cycle de violence, une part de notre humanité s’effrite. Et si nous ne réclamons pas une autre narration — plus juste, plus sobre, plus respectueuse des vies humaines — alors, oui, nous continuerons à regarder les bombes tomber comme on regarde un feu d’artifice tragique.

À méditer, pour celles et ceux qui, comme moi, ont un doute. Pas vous ?




Vendredi 27 Juin 2025
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