Bank Al-Maghrib face au temps long : le choix assumé du statu quo monétaire


Rédigé par Lycha Jaimssy MBELE le Lundi 15 Décembre 2025

À la veille de son dernier Conseil de l’année, Bank Al-Maghrib s’apprête à maintenir son taux directeur à 2,15%. Un choix de prudence, largement anticipé par les marchés, dans un contexte d’inflation historiquement basse et de finances publiques mieux maîtrisées. Derrière ce statu quo se dessine déjà une transition monétaire stratégique vers 2026.



Le débat monétaire revient rarement aussi calmement sur la table. À quelques jours du Conseil de Bank Al-Maghrib (BAM) prévu le 16 décembre, les anticipations convergent : le taux directeur devrait rester inchangé à 2,15%. Une décision que le quotidien Les Inspirations Éco, citant BMCE Capital Global Research (BKGR), qualifie de scénario central. Dans une économie marocaine en phase d’accélération, ce choix peut sembler contre-intuitif. Il est pourtant cohérent.

Inflation basse, risques externes persistants

L’argument principal tient en un chiffre : 0,1% d’inflation en octobre 2025, son plus bas niveau depuis mars 2021. Même l’inflation sous-jacente recule, affichant -0,2% sur un an. Autrement dit, la pression sur les prix est aujourd’hui marginale. Dans ce contexte, un resserrement monétaire serait difficilement justifiable, d’autant que les tensions observées restent essentiellement externes.
 

BKGR rappelle notamment les perturbations persistantes en mer Rouge, qui rallongent les trajets maritimes de plus de 7.400 kilomètres, renchérissant les coûts logistiques. À cela s’ajoutent des marchés agricoles toujours vulnérables aux aléas climatiques. Ces facteurs, bien réels, appellent à la vigilance mais ne constituent pas, à ce stade, un choc inflationniste durable.
 

Les finances publiques jouent également en faveur de la stabilité. Le déficit budgétaire est estimé à -3,9% du PIB en 2025, avant de s’améliorer à -3,4% en 2026. À fin octobre, le déficit atteint 55,5 milliards de dirhams, un niveau inférieur aux projections de la loi de finances, offrant à la Banque centrale une visibilité appréciable.


Une croissance solide, mais encore sous surveillance

Sur le front de l’activité, la trajectoire reste positive. La croissance s’établit à 3,8% en 2024, puis 4,6% en 2025, portée par les secteurs non agricoles et l’investissement public. Pour 2026, BAM table sur 4,4%, tandis que BKGR avance une projection plus optimiste de 5%, sous réserve d’une normalisation de la demande extérieure et d’une campagne agricole favorable. La valeur ajoutée agricole pourrait ainsi progresser de 5% en 2025.
 

Le marché du crédit reflète cette détente mesurée. Le taux débiteur moyen est redescendu à 4,85% au troisième trimestre, en baisse de 36 points de base sur un an. Sur le marché obligataire, la détente est réelle, malgré un léger aplatissement récent de la courbe, lié à des tensions budgétaires ponctuelles.


Après huit baisses successives du taux directeur depuis 2024, le maintien à 2,15% s’apparente moins à une pause qu’à un positionnement stratégique. Ce « statu quo de raison », selon BKGR, permet à Bank Al-Maghrib de consolider ses acquis, de préserver sa crédibilité et de préparer sereinement la bascule vers le ciblage de l’inflation en 2026. Dans un environnement encore incertain, la patience devient ici un instrument de politique monétaire à part entière.

 
 




Lundi 15 Décembre 2025
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