Benkirane : l'âge de gouverner ou la gouvernance de l'âge ?


Rédigé par le Lundi 28 Avril 2025

Je pense sincèrement que le PJD vient de perdre les élections de 2026.



Un quatrième mandat entre fidélité et risque d’essoufflement

Le congrès du Parti de la Justice et du Développement s’est refermé sur une scène presque théâtrale : la réélection d'Abdelilah Benkirane à sa tête, dans une ambiance d'école de la démocratie. Et comme toujours avec lui, impossible de traverser la scène politique sans faire des éclats : Benkirane est un homme-orchestre qui, où qu’il passe, transforme l’ordinaire en événement.

Mais cette reconduction, tout autant applaudie que contestée, a réveillé une vieille rengaine : faut-il juger un chef politique à la vigueur de ses idées ou au poids des années ? Parmi les critiques, un refrain lancinant revient : Benkirane serait désormais "trop vieux" pour rester au-devant de la scène.

À cela, il faut répondre sans faux-semblants : en politique, l'âge biologique est un indicateur aussi insignifiant qu'un numéro de rue. Ce qui compte, ce n’est pas l’âge civil mais l’énergie civique : la compétence, la capacité à inspirer, la richesse du réseau et l’expérience du terrain. À quoi bon exiger une carte d’identité quand c’est la carte du talent et de l'engagement qui doit primer ?

Mais défendre ce principe n’interdit pas de poser une question légitime : que signifie réellement un quatrième mandat pour Abdelilah Benkirane ? À force de rejouer les mêmes partitions, même les plus grands chefs d'orchestre finissent par lasser leur public. La longévité politique, si elle n’est pas accompagnée d’une capacité renouvelée à écouter, innover et rassembler au-delà de son cercle historique, risque de tourner à la conservation d’un capital usé plutôt qu'à son rayonnement. Or, dans un pays jeune, avide d’idées neuves et de visages moins marqués par les batailles d’hier, la reconduction de Benkirane ressemble davantage à un repli nostalgique qu’à un élan vers l’avenir. La fidélité des militants est une force, mais elle peut aussi devenir une cage dorée, où l’on célèbre la figure du chef sans s’interroger sur la dynamique collective qu’il devrait insuffler.

Certes, certes .......

Les grands laboratoires de la démocratie mondiale nous en offrent d’ailleurs un contre-exemple éclatant : aux États-Unis, l’homme le plus puissant du monde a franchi le cap des 80 ans ; à Pékin, Xi Jinping caracole au sommet à 75 ans ; Moscou n’est pas en reste avec ses 72 ans d'expérience au Kremlin. Et pourtant, ailleurs, d’autres gouvernements s’enorgueillissent de ministres trentenaires ou quadragénaires : preuve que la seule loi en politique est celle des urnes et de la légitimité populaire.

Quant à la question du renouvellement des élites, elle ne peut être réduite à une opération cosmétique de lifting générationnel au sommet. Le véritable renouveau naît du frottement, du compagnonnage au sein des structures : bureaux politiques, conseils nationaux, sections locales… C’est en grimpant les échelons, en forgeant ses convictions au feu de la responsabilité, que l’on construit l'alternance de demain.

Regardons d’ailleurs la carte d'identité de nos dirigeants politiques au Maroc : la majorité évolue dans les soixante-dix ans. De rares exceptions plus jeunes confirment cette règle d'une classe politique où "l'expérience !" reste, pour l’heure, la boussole principale.

Au Maroc, nombreux sont les dirigeants de partis politiques qui semblent avoir fait leur cette devise non écrite : « J’y suis, j’y reste… parce que je suis le seul à comprendre le système ! » Chaque congrès devient alors moins un moment de respiration démocratique qu’une formalité pour reconduire l’inamovible chef, persuadé que sans lui, tout s’effondrerait. Une étrange fidélité qui confond souvent l'expérience avec la certitude absolue, et la maîtrise des rouages avec l’exclusivité du destin politique.

Alors, plutôt que de compter les années de Benkirane comme on compte les bougies sur un gâteau, mieux vaudrait compter — et débattre — des idées qu’il continue de porter auxquelles il est de plus en plus difficile à la jeunesse marocaine d'y adhérer. Je pense sincèrement que le PJD vient de perdre les élations de 2026. 

Benkirane, quatrième mandat, Parti de la Justice et du Développement, politique marocaine, renouvellement des élites, âge en politique, démocratie interne, jeunesse politique, leadership politique, Abdelilah Benkirane





Lundi 28 Avril 2025
Dans la même rubrique :