Bourse marocaine : profit record, désinflation maîtrisée et retour triomphal des cimentiers


Rédigé par La rédaction le Lundi 13 Octobre 2025



La photographie du premier semestre 2025 est spectaculaire : une profitabilité de marché à des niveaux records, soutenue par une croissance qui accélère et une inflation qui s’assagit. Le diagnostic posé par Attijari Global Research (AGR) est net : marge opérationnelle agrégée au zénith, résultat d’exploitation plus rapide que les revenus, et retour en force d’un secteur cimentier longtemps convalescent. Dans le même temps, quelques zones d’ombre rappellent que la pente ne peut pas rester éternellement ascendante : l’effet de change sur les exportateurs, un effet de base désormais élevé, et une concentration des moteurs de bénéfices. 

Le contexte macro a offert un vent arrière rare. Après +3 % un an plus tôt, la croissance a atteint 5,5 % au deuxième trimestre 2025, portée par la demande intérieure et la reprise non-agricole, tandis que l’inflation moyenne glisse autour de 1 % sur l’année, permettant à Bank Al-Maghrib de maintenir un cap monétaire accommodant (taux directeur 2,25 %). Ce couple “croissance plus vive / inflation basse” a joué deux rôles : soutenir les volumes et assainir les coûts, notamment sur l’énergie et la logistique, d’où une élasticité bénéficiaire supérieure à celle des revenus. 

Côté micro, AGR relève que le chiffre d’affaires agrégé des sociétés cotées progresse d’environ 7 % au S1-2025 quand le résultat d’exploitation avance deux fois plus vite ; mécaniquement, la marge s’épaissit. La masse bénéficiaire récurrente atteint environ 24 Mds DH (+14,1 % a/a), signe d’un cycle bénéficiaire encore dynamique mais le bureau de recherche prévient d’une normalisation attendue dès 2025-E/2026, effet de base oblige.

Traduction journalistique : on passe d’un “rattrapage post-choc” à une “croissance ordinaire”, moins spectaculaire mais plus saine si l’investissement public et privé reste au rendez-vous. 

Le premier piston de cette hausse des profits est bancaire. Les banques concentrent la plus grande part de la variation bénéficiaire, portées par un PNB en reprise, un coefficient d’exploitation mieux tenu et un coût du risque en reflux sur le semestre. Les publications individuelles confirment la tendance : amélioration de la productivité et levier opérationnel dans un environnement de taux stable, avec un crédit qui respire davantage.

Ce moteur a été décisif pour l’indice et, par ricochet, pour l’ensemble de la cote. La question cardinale pour H2-2025/2026 devient donc la durabilité : que se passe-t-il si l’appétit de crédit ralentit ou si le coût des dépôts remonte ? 

Deuxième piston : le ciment. Les livraisons cumulées bondissent d’un peu plus de 10 % à fin août (≈ 9,64 Mt), signalant un redémarrage de la demande liée aux chantiers d’infrastructures et à la relance BTP. Les comptes des acteurs confirment le mouvement : Ciments du Maroc affiche un chiffre d’affaires en hausse d’environ 10 % et une marge opérationnelle qui se retend nettement. Au-delà du S1, la trajectoire dépendra des carnets de commandes publics (transport, aéroports, équipements 2030) et de la reprise immobilière privée. Pour l’heure, le cycle redevient favorable : mieux d’utilisation des capacités, mix prix/énergie plus porteur, et discipline d’investissement. 

Reste la ligne “change”, nouveau caillou dans la chaussure des exportateurs. En 2025, le dollar s’est globalement déprécié face au dirham, rognant mécaniquement la conversion des revenus libellés en USD et générant des pertes de change chez certains émetteurs (paiements, agro-maritime, chimie…). Les bulletins hebdomadaires de BAM l’ont rythmé : alternance d’accalmies et d’à-coups, mais une tendance annuelle défavorable aux sociétés USD-exposées. À l’inverse, les importateurs nets d’intrants en dollars ont respiré. C’est le rappel utile qu’un cycle bénéficiaire peut se jouer à la marge… d’évaluation. 

Le tableau n’est pas uniformément vert. Cinq émetteurs ressortent déficitaires au S1 : HPS (impact non opérationnel et effets de change), SNEP (cycle chimie/PVC et pression sur l’exploitation), Unimer (reflux des débarquements, mix défavorable), M2M Group (RN sous pression), Stokvis Nord Afrique (quasi break-even, redressement en cours). Dans tous les cas, il faut disséquer la part structurelle (compétitivité, cycle du secteur) et la part conjoncturelle (change, incident industriel, calendrier de commandes) pour juger du “retour à la moyenne” au second semestre. 

Trois implications pour la suite.

Premièrement, la “désinflation heureuse” , des prix sages qui n’étranglent ni la demande ni les marges, n’est pas un acquis : si l’inflation remonte en 2026 (scénario central de BAM), la mécanique se grippe à la marge et la sélection de titres devra redevenir plus fine.

Deuxièmement, la bourse valorise déjà une partie de cette euphorie bénéficiaire : attention aux narratifs trop lisses, surtout si l’on anticipe un atterrissage en douceur des profits sur 2026.

Troisièmement, le binôme “banques + ciment” ne peut pas porter seul la décade : l’extension du cycle exige des relais (télécoms, utilities, santé, logistique), bref un mix sectoriel plus équilibré pour absorber les chocs exogènes (pluviométrie, énergie, géopolitique). 

Verdict ? Le S1-2025 offre un sommet de profits, mais c’est la qualité du plateau qui comptera davantage que la hauteur du pic. Tant que la dépense d’investissement avance, que les chantiers se matérialisent et que la banque centrale garde une main ferme et lisible, le cycle peut rester “bon élève”.

L’investisseur rationnel, lui, regardera moins le compteur d’euphorie que les jauges de soutenabilité : sensibilité au dollar, discipline de coûts, productivité, visibilité de carnet. En économie réelle comme en bourse, on ne gagne pas un marathon en sprintant le premier kilomètre

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Lundi 13 Octobre 2025
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