Assister à une Coupe d’Afrique des nations, surtout lorsqu’elle se joue à domicile, n’est pas un acte anodin. Ce n’est ni un cocktail mondain ni un divertissement de second plan. C’est un moment de communion, une responsabilité collective. Or, dans certaines tribunes, l’essentiel semble relégué à l’arrière-plan : conversations incessantes, téléphones braqués vers soi, repas consommés pendant que le match se joue, que l’équipe lutte, que l’histoire s’écrit.
Le problème n’est pas le confort ni la restauration. Il n’est même pas dans l’envie légitime de passer un bon moment. Le vrai malaise réside dans l’indifférence au jeu. Rater un but parce qu’on mange n’est pas une maladresse, c’est un aveu : celui d’une présence déconnectée de l’enjeu sportif.
Plus grave encore, ces pseudo-supporters occupent des places qui auraient dû revenir à de véritables passionnés. À ceux qui chantent, poussent, vivent chaque action avec intensité. À ceux qui savent qu’un stade ne se remplit pas seulement de corps, mais d’énergie, de ferveur et de voix.
Supporters d’un soir, influenceurs d’un instant
Téléphone à bout de bras, certains spectateurs semblaient davantage préoccupés par la capture de leur présence que par le déroulement du match. Selfies, vidéos, stories… puis départ anticipé, parfois bien avant le coup de sifflet final.
Ce phénomène n’est pas anodin. Il traduit une transformation inquiétante du rapport au football. Pour certains, le stade n’est plus un lieu de passion, mais un décor. Le match devient un simple arrière-plan destiné à nourrir les réseaux sociaux, à afficher un statut, à prouver qu’on y était — peu importe ce qui s’y est réellement passé.
Ils ne viennent pas soutenir, ils viennent se montrer. Ils ne chantent pas, ils posent. Ils ne vibrent pas, ils filment. Et une fois l’objectif numérique atteint, ils désertent les gradins, parfois au moment précis où l’équipe a le plus besoin de soutien.
Dans un contexte où l’accès aux billets reste limité, chaque siège occupé par un spectateur distrait est un siège refusé à un véritable supporter, prêt à rester jusqu’à la dernière seconde, quelle que soit l’issue du match.
Le football marocain s’est construit avec des tribunes pleines de voix, pas de filtres. Avec des supporters présents jusqu’au bout, même dans la douleur, même dans le doute. Voir aujourd’hui des gradins se vider avant la fin interroge : à quel moment a-t-on accepté que le stade devienne un simple lieu de passage ?
Il faut le dire clairement : le stade n’est pas un studio photo. Ce n’est pas une scène pour egos numériques. C’est un espace collectif où chaque présence compte, où chaque silence pèse, où chaque départ prématuré affaiblit l’équipe.