Quand la vérité sort des archives
Le 12 août 2025, l’Élysée rend publique une lettre datée du 30 juillet dans laquelle Emmanuel Macron reconnaît, pour la première fois officiellement, qu’« une guerre » a été menée au Cameroun entre 1945 et 1971 et que les autorités coloniales et militaires y ont commis des « violences répressives ». Un aveu historique, mais ambigu : il n’est assorti ni d’excuses publiques, ni de réparations, alors que le rapport de force entre la France et l’Afrique se redessine.
Cette répression, longtemps minimisée sous l'expression de « maintien de l'ordre », a été mise en lumière par une commission mixte d'historiens franco-camerounais, instituée en 2022. Son rapport, remis en janvier 2025, atteste qu'il s'agissait bien d'un conflit armé prolongé, se poursuivant même après l'indépendance officielle de 1960. Il documente des internements massifs, des assassinats ciblés de leaders de l'Union des Populations du Cameroun (UPC), tels que Ruben Um Nyobè, Isaac Nyobè Pandjock, Paul Momo et Jérémie Ndéléné, ainsi que la destruction de villages et la complicité des autorités françaises par le soutien à des milices.
Il est significatif qu’Emmanuel Macron ose enfin dire « guerre » , acte linguistique majeur en soi. Toutefois, ce vocabulaire, libérateur, n’est pas suivi d’un geste concret. En effet, aucune demande de pardon formel, aucune compensation pour les victimes. Ainsi, la vérité affichée demeure une vérité inaboutie car privée de suite tangible.
De surcroît, cette reconnaissance arrive à quelques semaines de l’élection présidentielle prévue le 12 octobre 2025, alors que Paul Biya, âgé de 92 ans, se présente pour un huitième mandat, au pouvoir depuis 1982. Il s’agit donc d’un geste à peine voilé en direction d’une stabilité diplomatique symbolique, dans un contexte où la France voit son influence contestée sur le continent.
Or, ce recul n’est pas qu’électoral. Il est aussi régional : la présence militaire française est affaiblie au Sahel, avec notamment le retrait formel de l’Alliance des États du Sahel de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) le 29 janvier 2025. Dans ce contexte, l’aveu sur le Cameroun se double d’une tentative de maintenir un espace d’influence en Afrique centrale, à défaut d’action véritable sur le terrain.
Par ailleurs, ce geste ne constitue pas une exception : il s'inscrit dans une série de démarches similaires. En 2021, Emmanuel Macron a reconnu la « responsabilité » de la France dans le génocide rwandais de 1994, sans toutefois présenter d'excuses officielles . En novembre 2024, il a qualifié de « massacre » les événements survenus à Thiaroye, au Sénégal, en 1944, une première reconnaissance officielle.
Cependant, la politique mémorielle française demeure incohérente : excuses pour le Rwanda, reconnaissance sans excuses pour le Sénégal, et pour le Cameroun, une vérité énoncée sans gestes concrets. Cette sélectivité dans les démarches mémorielles soulève des interrogations sur la sincérité et l'universalité de la politique de réconciliation de la France.
En effet, pour de nombreuses victimes et familles camerounaises, ce n’est que le début d’un parcours nécessairement concret : localiser les fosses, identifier les corps, déclassifier les archives, ériger des lieux de mémoire. Blick Bassy, co-président de la commission, réclame un deuil national et l’inscription de ce pan d’histoire dans les programmes scolaires, faute de quoi la mémoire demeurera oblitérée, captive d’un récit extérieur.
Enfin, pour un lectorat marocain, ce cas agit comme un miroir réflexif : comment faire face au passé colonial tout en évitant qu’il ne soit réduit à un instrument diplomatique ? L’exemple maghrébin montre que les demi-reconnaissances, si elles apaisent sur le moment, font naître un ressentiment latent qui fragilise la cohésion à long terme. À ce titre, la lettre de Macron, loin d’être une fin, marque une étape conditionnelle dont la portée dépendra désormais de décisions courageuses et concrètes.
Cette répression, longtemps minimisée sous l'expression de « maintien de l'ordre », a été mise en lumière par une commission mixte d'historiens franco-camerounais, instituée en 2022. Son rapport, remis en janvier 2025, atteste qu'il s'agissait bien d'un conflit armé prolongé, se poursuivant même après l'indépendance officielle de 1960. Il documente des internements massifs, des assassinats ciblés de leaders de l'Union des Populations du Cameroun (UPC), tels que Ruben Um Nyobè, Isaac Nyobè Pandjock, Paul Momo et Jérémie Ndéléné, ainsi que la destruction de villages et la complicité des autorités françaises par le soutien à des milices.
Il est significatif qu’Emmanuel Macron ose enfin dire « guerre » , acte linguistique majeur en soi. Toutefois, ce vocabulaire, libérateur, n’est pas suivi d’un geste concret. En effet, aucune demande de pardon formel, aucune compensation pour les victimes. Ainsi, la vérité affichée demeure une vérité inaboutie car privée de suite tangible.
De surcroît, cette reconnaissance arrive à quelques semaines de l’élection présidentielle prévue le 12 octobre 2025, alors que Paul Biya, âgé de 92 ans, se présente pour un huitième mandat, au pouvoir depuis 1982. Il s’agit donc d’un geste à peine voilé en direction d’une stabilité diplomatique symbolique, dans un contexte où la France voit son influence contestée sur le continent.
Or, ce recul n’est pas qu’électoral. Il est aussi régional : la présence militaire française est affaiblie au Sahel, avec notamment le retrait formel de l’Alliance des États du Sahel de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) le 29 janvier 2025. Dans ce contexte, l’aveu sur le Cameroun se double d’une tentative de maintenir un espace d’influence en Afrique centrale, à défaut d’action véritable sur le terrain.
Par ailleurs, ce geste ne constitue pas une exception : il s'inscrit dans une série de démarches similaires. En 2021, Emmanuel Macron a reconnu la « responsabilité » de la France dans le génocide rwandais de 1994, sans toutefois présenter d'excuses officielles . En novembre 2024, il a qualifié de « massacre » les événements survenus à Thiaroye, au Sénégal, en 1944, une première reconnaissance officielle.
Cependant, la politique mémorielle française demeure incohérente : excuses pour le Rwanda, reconnaissance sans excuses pour le Sénégal, et pour le Cameroun, une vérité énoncée sans gestes concrets. Cette sélectivité dans les démarches mémorielles soulève des interrogations sur la sincérité et l'universalité de la politique de réconciliation de la France.
En effet, pour de nombreuses victimes et familles camerounaises, ce n’est que le début d’un parcours nécessairement concret : localiser les fosses, identifier les corps, déclassifier les archives, ériger des lieux de mémoire. Blick Bassy, co-président de la commission, réclame un deuil national et l’inscription de ce pan d’histoire dans les programmes scolaires, faute de quoi la mémoire demeurera oblitérée, captive d’un récit extérieur.
Enfin, pour un lectorat marocain, ce cas agit comme un miroir réflexif : comment faire face au passé colonial tout en évitant qu’il ne soit réduit à un instrument diplomatique ? L’exemple maghrébin montre que les demi-reconnaissances, si elles apaisent sur le moment, font naître un ressentiment latent qui fragilise la cohésion à long terme. À ce titre, la lettre de Macron, loin d’être une fin, marque une étape conditionnelle dont la portée dépendra désormais de décisions courageuses et concrètes.