Casablanca étouffe : et si la nature devenait un soin urbain ?




Face à l’urbanisation galopante, la pollution et le stress chronique, une nouvelle hygiène de vie s’impose : intégrer la nature dans nos villes, non plus comme un luxe, mais comme une nécessité de santé publique. Le Maroc est-il prêt à changer de regard sur ses espaces verts ?

En 2025, l’idée fait son chemin : et si voir trois arbres par jour, vivre dans un quartier avec 30 % de verdure, et avoir un parc à moins de 300 mètres devenait une prescription médicale ? C’est le principe de la règle « 3-30-300 », née à Barcelone et désormais adoptée dans plusieurs villes européennes. Une formule simple pour un bénéfice immense : plus de nature, moins de stress, meilleure immunité, réduction des maladies chroniques, et surtout… mieux-être psychologique.

Mais à Casablanca, Rabat, Marrakech ou Agadir, la situation est bien différente. La nature recule, le béton avance, et la santé des citadins, elle, paie le prix fort.

Des villes marocaines assoiffées de vert
Prenez Casablanca, mégapole de plus de 4 millions d’habitants. Selon plusieurs ONG, l’espace vert par habitant y dépasse à peine 1 m², loin des 15 m² recommandés par l’OMS. La majorité des quartiers populaires n’ont ni parc, ni arbres d’alignement, ni zones ombragées. Les rares jardins publics sont souvent mal entretenus, peu sécurisés, ou monopolisés par le stationnement.

À Rabat, bien que plus verte sur le papier, la dynamique immobilière tend à rogner les espaces naturels au profit des projets résidentiels. La vallée du Bouregreg est un bon exemple : un écosystème transformé en vitrine urbaine.

Quant aux nouveaux pôles urbains comme Zenata, leur ambition écologique se heurte à la lenteur des réalisations.

Le stress urbain : un mal silencieux
Vivre sans verdure, c’est vivre sous tension permanente. Le bruit, la densité, la chaleur urbaine, les embouteillages génèrent un stress chronique insidieux. Résultat : troubles du sommeil, irritabilité, fatigue mentale, maladies cardiovasculaires… Et ce, dès l’enfance.

Pourtant, une étude menée à Fès en 2022 a montré que les enfants ayant accès quotidiennement à des espaces verts présentaient un meilleur développement cognitif et une réduction des troubles anxieux.

Et si la nature devenait une politique de santé ?
Dans les pays nordiques, les médecins prescrivent déjà des “marches en forêt” comme traitement de l’anxiété. Au Maroc, cette idée reste marginale, mais la crise sanitaire post-Covid a changé les mentalités. De plus en plus de médecins reconnaissent les bienfaits du contact avec la nature.

Des initiatives locales émergent : jardins partagés à Tanger, parcours santé dans des forêts périurbaines de Témara, sensibilisation à la nature dans les écoles rurales. Mais l’échelle reste trop petite.

Un enjeu social et environnemental
Accéder à un espace vert est devenu un privilège urbain. Les quartiers riches de Casablanca (Anfa, Californie) disposent de jardins bien entretenus, tandis que les quartiers périphériques (Hay Mohammadi, Sbata) suffoquent.

La verdure est aussi une barrière thermique : en été, la température peut varier de 7 à 10 degrés entre un quartier arboré et une zone bétonnée. Le changement climatique va amplifier ces disparités.

Vers une stratégie marocaine 3-30-300 ?

Pourquoi ne pas adapter cette règle à nos réalités locales ? Un “Plan Vert Urbain” national pourrait fixer des objectifs simples :

Planter un arbre par élève dans les écoles publiques
Créer un espace vert tous les 500 mètres en zone urbaine
Transformer les toits des administrations en jardins pédagogiques
Réhabiliter les anciennes palmeraies et oasis urbaines


Il faut cesser de penser la nature comme un ornement, et la concevoir comme une infrastructure de soin.

Respirer mieux pour vivre mieux
Les Marocains veulent des villes vivables, respirables, apaisées. Redonner sa place à la nature, c’est investir dans le bien-être collectif, réduire les dépenses de santé, renforcer le lien social, reconnecter les enfants au vivant.

Et si demain, au lieu de prescrire un anxiolytique, on prescrivait… un arbre à planter ?

Lundi 16 Juin 2025



Rédigé par le Lundi 16 Juin 2025
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