Conseillers agricoles : 1 pour 6 000 paysans ?


Rédigé par La Rédaction le Mardi 3 Juin 2025



Quand l’encadrement devient un luxe que l’agriculture familiale ne peut plus attendre

Dans un monde agricole qui évolue sous la pression du climat, des marchés, de la technologie et de la norme, le conseil agricole devrait être la boussole des agriculteurs. Au Maroc, il est plutôt devenu une denrée rare. Selon les chiffres du CESE, un seul conseiller agricole encadre en moyenne 5 726 agriculteurs, un ratio intenable, surtout en zones rurales dispersées. Cette carence frappe de plein fouet la petite et moyenne agriculture familiale (PMAF), qui en aurait le plus besoin pour se moderniser, diversifier ses revenus, s’organiser collectivement et résister aux chocs.

Un dispositif encore largement théorique
Depuis 2010, le Maroc s’est doté d’une stratégie de conseil agricole à travers la création de l’ONCA (Office National du Conseil Agricole). L’objectif était double : professionnaliser le métier de conseiller agricole, et instaurer un système de conseil public/privé. Mais en 2024, le constat est sévère : peu de moyens, peu de présence territoriale, et presque aucune évaluation d’impact.

Sur le terrain, certains cercles ruraux comme Essaouira ne disposent que de six conseillers pour plus de 50 communes, soit un ratio de 0,11 conseiller par commune. L’écrasante majorité des agriculteurs, surtout les petits exploitants, n’ont jamais vu un conseiller de leur vie.

Un encadrement trop éloigné, trop vertical, trop rare
Les modèles de conseil déployés sont encore calqués sur une logique descendante : un ingénieur agricole centralisé, une tournée éclair, quelques formations collectives... Cela ne répond ni aux besoins spécifiques des petits agriculteurs, ni à leurs contraintes locales. Les exploitations de moins de 5 hectares, souvent familiales, diversifiées et vulnérables, nécessitent un accompagnement personnalisé, capable de répondre aux urgences comme à la planification à moyen terme.

Le CESE plaide pour une approche territorialisée et hybride : conseils individuels, ateliers collectifs, plateformes numériques, réseaux d’agriculteurs-mentors… Mais sans moyens humains, ces idées restent lettres mortes.

Une fracture numérique et humaine à combler
La digitalisation pourrait être un levier de transformation. Des plateformes de conseil par mobile ou applications spécialisées pourraient atteindre les zones reculées. Mais le taux d’équipement numérique en milieu rural reste faible, et la formation à ces outils quasi inexistante. Le CESE recommande l’intégration de l’IA agricole, mais à condition d’abord de renforcer le tissu humain sur le terrain : recruter plus de conseillers, mieux les former, les doter d’outils de suivi adaptés, et les ancrer dans la vie locale.

Un conseiller agricole ne doit pas être un simple technicien, mais un acteur de la médiation territoriale, un accompagnateur de projets, un vecteur de transformation durable.

Dans un contexte budgétaire contraint, certains pourraient estimer qu’un agriculteur motivé n’a pas besoin de conseiller pour avancer. Les outils existent, l’information circule. Mais c’est méconnaître la réalité du terrain : isolement, analphabétisme, manque de confiance dans les institutions, épuisement des structures collectives…

Laisser les petits agriculteurs seuls face à la complexité administrative, aux innovations techniques, et à la volatilité des marchés, c’est acter leur disparition à moyen terme.

Un plan agricole sans conseillers de terrain, c’est comme un navire sans gouvernail. Il avance peut-être. Mais au premier choc, il chavire.

Les conseillers agricoles privés créent leur fédération nationale

La fédération regroupe les six associations régionales des conseillers agricoles privés. Le nombre de conseillers agricoles agréés est estimé à plus de 350. Cette profession vient en complément de l’offre de conseil agricole publique.




Mardi 3 Juin 2025
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