De la liberté de presse, de la France, de ses relations avec le Maroc, et du reste


Cette affaire du Franco-marocain Rachid Mbarki ne devrait pas tant étonner que conduire à dresser des constats, puis à se poser des questions, les vraies questions, et y apporter les réponses, les vraies réponses. Et la première question est celle-ci : maintenant que nous savons ce que veut la France de M. Macron, que voulons-nous, et que pouvons-nous faire, pour notre part ?



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Par Aziz Boucetta

L’éviction aussi brutale que peu fondée de Rachid Mbarki de BFMTV n’est que le énième avatar de cette animosité croissante de la France officielle et médiatique à l’égard du Maroc, et de l’hostilité tout aussi croissante en retour du Maroc envers la France. Par défaut d’imagination, par excès de confiance, par myopie politique ou par persistance d’anciens griefs, cette France officielle œuvre à tacler le Maroc, officiellement sur la liberté de la presse, mais prête le flanc par ses propres turpitudes.


1/ Les faits. L’agressivité du Monde à l’égard du royaume est certes historique, mais elle se crispe depuis quelques années ; pour mieux appréhender les choses, il est intéressant de savoir qu’Emmanuel Macron était à la manœuvre lors du rachat de ce quotidien vers la fin des années 2010 par ses actionnaires actuels. On comprend mieux la bronca du ci-devant « journal de référence » à l’encontre du Maroc. Mais les atteintes à la liberté de la presse sont désormais bien plus préoccupantes en France même du fait de la posture présidentielle avec les médias, consentants, de son pays.

Des éléments factuels ? Début septembre, devant le corps diplomatique, M. Macron disait qu’il fallait « beaucoup mieux utiliser le réseau France Médias Monde, qui est absolument clé et qui doit être une force pour nous » ; « beaucoup mieux » signifie, en bon français, qu’il faut améliorer ce qui est déjà. A ce propos, le constat a déjà été fait des prises de position du service public en général, de France Médias Monde en particulier, et de France24 très précisément, concernant le Maroc, ainsi que nous l’avons pu voir à travers le traitement de l’affaire Pegasus en 2021, un battage « scientifiquement » mené contre le royaume ; ce réseau s’est pourtant soigneusement abstenu de traiter – et avec lui les autres médias français – de l’annulation du passage Ferhat Mehenni sur Cnews le 2 octobre, alors que le Kabyle avait déjà un pied dans le studio, de même que ce même service public n’a étonnamment pas dit un mot sur la récente visite du général algérien Chengriha à Paris.

Est-il également nécessaire de rappeler cette convocation présidentielle d’une dizaine d’ « éditorialistes influents » pour distiller des éléments de langage sur les retraites et autres sujets ? oui, c’est nécessaire. Comme il est utile de revenir sur cette très virile et rapide suspension des médias russes dès février 2022, dans le pays qui loue tant la « liberté de la presse », ou sur cet extraordinaire mutisme en France et ailleurs face à l’affaire Julian Assange, embastillé au Royaume-Uni et exposé à une extradition aux Etats-Unis où il risque 175 ans de prison pour avoir simplement… apporté de l’information et donc pour s’être exprimé au nom de la liberté de la presse.

Le problème est que l’opinion publique française persiste étrangement à croire moutonnièrement en cette liberté de sa presse… et, problème encore plus préoccupant, que certains intellectuels et militants sous nos cieux continuent aussi d’y croire et de croire ce que cette presse, aux ordres donc de M. Macron, dit sur nous et de nous ! Doit-on, pour autant, en vouloir à la République ? Assurément non, elle défend ce qu’elle pense et croit être ses intérêts. Il doit en être de même... pour nous et les nôtres, militants et dirigeants.

2/ Les nôtres. Pour quelle raison obscure – qui s’éclaircit de plus en plus d’ailleurs – tant des nôtres continue d’apporter et d‘accorder crédit aux cris et écrits des médias français et de leurs commensaux belges sur le Maroc ? Ils se précipitent sur le moindre article à charge, font abondamment circuler toute émission télé portant sur le Maroc, s’installent sur les plateaux et dans les rédactions pour entériner les attaques, prennent pour vérité absolue tout jugement sur le royaume, approuvent toute accusation de tel ou tel fait qu’aurait entrepris un service, une institution marocaine… Mais se taisent à jamais quand TLS Contact enregistre ses visiteurs demandeurs de visas (dont eux-mêmes), plongent dans les abris quand le parlement européen, pourtant gangréné par la corruption, vote (ou rote) une bafouille « législative » contre leur propre pays… Préoccupant et regrettable.

Ces « nôtres » savent-ils seulement que « notre amie la France », qui persiste à appeler à une solution onusienne à la question du Sahara avait, en 1988, lors du problème de Nouvelle-Calédonie, d’abord soumis à la population métropolitaine pour approbation la proposition de référendum d’indépendance pour les Néo-Calédoniens ? Il avait fallu un « oui » des Français métropolitains pour que la Nouvelle-Calédonie puisse organiser son référendum. Ce qui est valable pour la France ne le serait-il donc pas pour le Maroc, sachant que les archives nationales françaises regorgent de documents et correspondances historiques, remontant au 18ème siècle, et confirmant la souveraineté marocaine de ce territoire ?

Il serait temps que nos militants militent pour leurs idées et leurs opinions et les fassent valoir, ou échouent à convaincre, ici, entre Marocains, sans plus faire appel aux ONG internationales ou françaises, et qu’ils cessent de croire comme vérité irréfutable les conclusions orientées de ces organismes, et de donner crédit aux écrits de journalistes français ou autres dont on sait que, eux, sont loyaux aux intérêts supérieurs de leur pays. Il est temps, oui, s’ils le comprennent, qu’ils cessent de se biberonner à la presse française, à RSF, à HRW, à d’autres, à tout ce qui se dit sur nous, jusqu’à  la dernière résolution du PE sur la liberté de presse au Maroc.

 

3/ Que faire ? C’est là que le problème est et que les questions se posent, dont celle-ci : est-on réellement en mesure de considérer nos alliances et nos partenariats stratégiques à l’aune de la question du Sahara, comme l’a asséné le roi Mohammed VI l’été 2022 ? Nous donnons-nous vraiment les moyens de porter notre voix, haut et fort, à l’international ? Avons-nous des médias suffisamment outillés, appuyés, étayés par notre Etat pour défendre notre cause, nos causes, ici et ailleurs ? Sommes-nous capables et assez audacieux pour convaincre, voire vaincre, les opposants à nos intérêts supérieurs, ainsi que cela est fait en France, en Espagne, en Allemagne, aux Etats-Unis ou ailleurs ? Le silence du gouvernement nous affaiblit, l’énervement du parlement ne nous renforce guère, seuls le pouvoir médiatique compte, classique ou numérique.

 

Maintenant, il faut que les Marocains décident et se décident… où ils veulent s’affirmer et s’imposer où ils ne veulent pas ; s’ils ont peur ou s’ils hésitent, alors restons où nous sommes. On ne peut jouer aux grands quand on pense petit, et on ne peut être imposant quand on demeure fragile. Or, pour être grand, il faut les grands moyens, car rien de tel pour se faire respecter, surtout par un pays qui prête le flanc à tellement de choses et qui est en situation tellement délicate là où nous sommes puissants et influents. Il faut juste se décider.

Rédigé par Aziz Boucetta sur Panorapost


Mardi 7 Février 2023

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