Par Naïm Kamal
La première des deux fois où la vie m’a donné à croiser brièvement Abdellatif Ouahbi, il venait de prendre la tête du groupe parlementaire du PAM. Il me laissa l’impression d’un quinqua volubile, pas encore très imbu de sa personne, mais en bonne voie. Il évoquait les députés pamistes, en disant ‘’mon groupe’’ avec l’intonation d’un général qui dirait ‘’mes troupes’’. Derrière ces mots anodins, affleurait l’ambition d’un homme qui, à la quête d’une place, ne se contenterait pas d’un strapontin.
Le verbe haut et la stratégie décalée
Depuis, les occasions ne manqueront pas de le voir surgir dans le débat public sur le ton impérieux et provocateur devenu sa marque de fabrique.
Bien que rien ne présageait qu’un jour il deviendrait ‘’leader’’ d’un parti politique, je n’ai pas été surpris de le voir déloger de la direction du PAM le présumé ‘’clan des Rifains’’, réussissant le tour de force d’embarquer momentanément dans son sillage pour le soutenir une influenceuse en vogue qui sévit encore sur les réseaux sociaux.
C’est à ce titre et avec ses galons de secrétaire général de son parti que plus tard, j’aurai encore l’occasion de suivre son débat préélectoral au Forum de la MAP. Son positionnement alors n’était pas inintéressant : à contre-courant de l’objectif initial de contrepoids à la vague islamiste, il plaidait pour une réconciliation du PAM avec les acteurs de la scène politique, plus particulièrement avec le très vert PJD.
Sans dissimulation, il affichait une ambition crâneuse. A un journaliste qui l’interrogeait sur sa prétention à la première place aux législatives du 8 septembre 2021, il a répondu sans se laisser démonter : « Que voulez-vous que je vous dise, que je vais arriver dernier ? Oui, je vais être premier ! ». Il sera deuxième, un exploit déjà.
Dès lors j’ai senti le besoin pressant de faire son portrait qui paraitra sous le titre ‘’Plus vite que son ombre’’. J’en retiendrais ici ce que m’avait confié un de ses confrères du barreau de Rabat qui l’a fréquenté du temps où Ouahbi avait quelques amours pour une certaine gauche radicale où il a eu la vie d’une rose, comme à la tête du PAM celle d’une comète : « Il comprend vite et réagit au quart de tour, pas toujours forcément dans le bon sens ». Il a eu ensuite pour lui cette jolie formule : « Rarement il attendra que le feu passe au vert pour traverser la rue ».
De l’audace au narcissisme
Le code de la route, ne l’intéresse donc pas, pas plus qu’il ne s’embarrasse des codes de la bonne tenue en société. Au fil du temps, son coté imbu de sa personne va s’aggraver en une pénétration de sa personne, révélant un ego montgolfière gonflé d’air chaud et de suffisance. Si bien qu’il se fait fort lors d’une émission de revendiquer une extraction sociale aisée, déclarant avec une touche de condescendance n’être pas un « fils du peuple », semblant ignorer qu’on est tous des fils de ce peuple, ou encore qu’un fils du peuple, au sens où il l’entendait, qui arrive, doit sa réussite essentiellement à des qualités certaines.
Au fil du temps, ses écarts de langages et ses bourdes sont devenus la règle, comme lorsqu’il avait répliqué à un brave homme interloqué, qui l’avait contrarié, avoir les moyens de tout savoir sur lui, même qu’il porte des chaussettes trouées.
Mon portrait de Abdellatif Ouahbi n’était pas à charge et j’avais notamment indiqué qu’en ‘’dehors de ces petits travers, c’est un garçon sympathique, qui a de la verve. Rodé aux effets de manche, il sait meubler le temps et occuper l’espace’’. Sauf qu’à l’épreuve du temps qui passe je me dois de préciser que son ton aigre-doux borderline est passé au franchement amer.
Ménager la monture
Avec pareil profil, rien d’étonnant à ce que cette grossière affaire de bien supposément ‘’mal acquis’’ par un prêt faramineux trop rapidement remboursé et une rétrocession hâtivement opérée à un prix sous-évalué, fasse de lui une proie succulente.
Je ne suis pas dans le détail de l’affaire et je n’ai pas de jugement. Je n’ajouterai donc rien au haro sur le baudet, cette expression me laissant présumer son innocence, et me limiterai à deux petits conseils :
L’un à Ouahbi : de méditer longuement sur cet adage qui nous est parvenu de la Rome antique : ‘’la femme de César ne doit pas être soupçonnée’’. Ou bien cette autre maxime tout aussi éloquente : ‘’pour vivre heureux vivons caché.’’ Elle trouverait ses origines dans une fable du XVIIIe siècle où un papillon trop voyant périt entre les mains d'enfants après avoir volé devant eux.
Le second est pour mes confrères : ménagez la monture ! Dans un paysage politique de plus en plus lisse, où les figures s’aseptisent et les discours se lénifient, Ouahbi est une permanente exposition de pittoresque. Il ne mérite peut-être pas l’adhésion, mais sûrement pas l’oubli : on ne croise pas tous les jours un ministre qui offre des aspérités pour s’y accrocher, et de temps en temps amuse la galerie. Son extravagance verbale ne fait-elle pas, en définitive, écho à une époque où la parole politique est désincarnée, neutre, javellisée ?
Le verbe haut et la stratégie décalée
Depuis, les occasions ne manqueront pas de le voir surgir dans le débat public sur le ton impérieux et provocateur devenu sa marque de fabrique.
Bien que rien ne présageait qu’un jour il deviendrait ‘’leader’’ d’un parti politique, je n’ai pas été surpris de le voir déloger de la direction du PAM le présumé ‘’clan des Rifains’’, réussissant le tour de force d’embarquer momentanément dans son sillage pour le soutenir une influenceuse en vogue qui sévit encore sur les réseaux sociaux.
C’est à ce titre et avec ses galons de secrétaire général de son parti que plus tard, j’aurai encore l’occasion de suivre son débat préélectoral au Forum de la MAP. Son positionnement alors n’était pas inintéressant : à contre-courant de l’objectif initial de contrepoids à la vague islamiste, il plaidait pour une réconciliation du PAM avec les acteurs de la scène politique, plus particulièrement avec le très vert PJD.
Sans dissimulation, il affichait une ambition crâneuse. A un journaliste qui l’interrogeait sur sa prétention à la première place aux législatives du 8 septembre 2021, il a répondu sans se laisser démonter : « Que voulez-vous que je vous dise, que je vais arriver dernier ? Oui, je vais être premier ! ». Il sera deuxième, un exploit déjà.
Dès lors j’ai senti le besoin pressant de faire son portrait qui paraitra sous le titre ‘’Plus vite que son ombre’’. J’en retiendrais ici ce que m’avait confié un de ses confrères du barreau de Rabat qui l’a fréquenté du temps où Ouahbi avait quelques amours pour une certaine gauche radicale où il a eu la vie d’une rose, comme à la tête du PAM celle d’une comète : « Il comprend vite et réagit au quart de tour, pas toujours forcément dans le bon sens ». Il a eu ensuite pour lui cette jolie formule : « Rarement il attendra que le feu passe au vert pour traverser la rue ».
De l’audace au narcissisme
Le code de la route, ne l’intéresse donc pas, pas plus qu’il ne s’embarrasse des codes de la bonne tenue en société. Au fil du temps, son coté imbu de sa personne va s’aggraver en une pénétration de sa personne, révélant un ego montgolfière gonflé d’air chaud et de suffisance. Si bien qu’il se fait fort lors d’une émission de revendiquer une extraction sociale aisée, déclarant avec une touche de condescendance n’être pas un « fils du peuple », semblant ignorer qu’on est tous des fils de ce peuple, ou encore qu’un fils du peuple, au sens où il l’entendait, qui arrive, doit sa réussite essentiellement à des qualités certaines.
Au fil du temps, ses écarts de langages et ses bourdes sont devenus la règle, comme lorsqu’il avait répliqué à un brave homme interloqué, qui l’avait contrarié, avoir les moyens de tout savoir sur lui, même qu’il porte des chaussettes trouées.
Mon portrait de Abdellatif Ouahbi n’était pas à charge et j’avais notamment indiqué qu’en ‘’dehors de ces petits travers, c’est un garçon sympathique, qui a de la verve. Rodé aux effets de manche, il sait meubler le temps et occuper l’espace’’. Sauf qu’à l’épreuve du temps qui passe je me dois de préciser que son ton aigre-doux borderline est passé au franchement amer.
Ménager la monture
Avec pareil profil, rien d’étonnant à ce que cette grossière affaire de bien supposément ‘’mal acquis’’ par un prêt faramineux trop rapidement remboursé et une rétrocession hâtivement opérée à un prix sous-évalué, fasse de lui une proie succulente.
Je ne suis pas dans le détail de l’affaire et je n’ai pas de jugement. Je n’ajouterai donc rien au haro sur le baudet, cette expression me laissant présumer son innocence, et me limiterai à deux petits conseils :
L’un à Ouahbi : de méditer longuement sur cet adage qui nous est parvenu de la Rome antique : ‘’la femme de César ne doit pas être soupçonnée’’. Ou bien cette autre maxime tout aussi éloquente : ‘’pour vivre heureux vivons caché.’’ Elle trouverait ses origines dans une fable du XVIIIe siècle où un papillon trop voyant périt entre les mains d'enfants après avoir volé devant eux.
Le second est pour mes confrères : ménagez la monture ! Dans un paysage politique de plus en plus lisse, où les figures s’aseptisent et les discours se lénifient, Ouahbi est une permanente exposition de pittoresque. Il ne mérite peut-être pas l’adhésion, mais sûrement pas l’oubli : on ne croise pas tous les jours un ministre qui offre des aspérités pour s’y accrocher, et de temps en temps amuse la galerie. Son extravagance verbale ne fait-elle pas, en définitive, écho à une époque où la parole politique est désincarnée, neutre, javellisée ?